Antifascisme - Extrême-droite Racisme

Médine : la nouvelle cible favorite de l’extrême droite

“J’me présente : Docteur Médine, Mister Jihad pour les racistes.” Le concert de Médine aux Docks de Lausanne aura finalement bien lieu ce week-end. Deux associations islamophobes demandaient son annulation.

Lausanne |

J’me présente : Docteur Médine, Mister Jihad pour les racistes.
Brassens, Médine

Le concert de Médine aux Docks de Lausanne aura finalement bien lieu ce week-end. Jeudi 25 octobre, la municipalité refusait l’annulation demandée par deux associations islamophobes en annonçant néanmoins à la presse avoir « obtenu l’assurance que les chansons, propos ou expressions de Médine ne seront pas de nature à violer les règles relatives à l’interdiction de la discrimination et à l’incitation à la haine raciale, ne porteront pas atteinte à l’honneur ou à la dignité de quiconque et ne seront pas contraires à toute autre disposition de l’ordre juridique suisse ».

Encore une fois, alors que sa tournée est traquée par des menaces d’annulations et des mobilisations de militant.e.s d’extrême droite aux discours racistes et islamophobes, ce sont les textes du rappeur qui sont surveillés, pendant que ses détracteur.trice.s, elleux, tiennent librement des propos discriminants et incitent quasi-ouvertement à la haine raciale. L’inversion est totale. Nous publions ci-dessous une lettre ouverte de soutien à Médine qui devait originellement être envoyée à la Municipalité vaudoise :


Madame, Monsieur,

Nous prenons contact avec vous car nous avons vu dans la presse que des associations islamophobes et racistes tentent de faire annuler le concert de Médine aux Docks, à Lausanne.

Les discours islamophobes et racistes étant de plus en plus présents dans le paysage politico-médiatique suisse, et bien qu’attristé.e.s et en colère nous ne sommes pas plus étonné.e.s que ça qu’une personne, ou plus précisément qu’un rappeur, musulman et issu de l’immigration coloniale soit la cible de ce genre de tentative d’annulation.

Médine est un rappeur qui s’exprime à un moment précis dans un contexte donné. C’est un rappeur qui prend la parole en France, notamment sur des questions qui touchent à l’islam, mais aussi, et plus généralement, sur des enjeux d’inégalités, sur des enjeux de sociétés. Concernant la religion musulmane, c’est un rappeur qui s’inscrit dans son contexte géographique, temporel et politique. Il rappe en France où en 2004 le voile a été interdit à l’école publique excluant de fait une partie des femmes musulmanes et stigmatisant une population entière. Cet épisode n’étant pas sans rappeler la guerre d’indépendance algérienne, où en 1958 la France dévoilait de force et en place publique les « françaises-musulmanes » pour légitimer la colonisation. Il rappe en France où l’amalgame raciste entre terrorisme et islam est quotidien et banalisé et dont lui-même fait les frais (voir notamment les mobilisations d’extrême droite pour faire annuler sa venue au Bataclan). Il rappe en France où le Burkini fait la Une des médias excluant les femmes voilées des villes et des plages. En bref, il rappe dans une France où l’islam est un sujet traité avec une violence inouïe, décriée par de nombreuses associations et par de nombreux collectifs.

Médine a décidé de tenir un discours affranchi des logiques dominantes, un discours qui porte à la connaissance de toutes et tous des questions cruciales d’égalité et de justice, un discours qui dénonce des inégalités structurelles que certain.e.s préfèrerait savoir tues. Soit un discours honorable, un discours qui se place aux côtés des minorités et qui revendique le droit d’être et de ne plus se taire face aux injustices. Pour ses positions, il récolte en retour une colère démesurée, islamophobes et racistes. Comme le souligne le principal concerné lui-même, ceux et celles qui le critique et souhaitent le faire taire ont en réalité « horreur [des] rappeurs, [des] jeunes issus de l’immigration et [des] musulmans, ce que j’incarne en ma qualité de personne ».1

Que dire de la première association qui demande l’annulation du concert de Médine : Alternative populaire suisse. En regardant leur page facebook je découvre Madame, Monsieur, des citations telle que : « L’islam sait s’adapter, il se fiche de la culture du pays, il veut juste la détruire afin d’imposer la sienne ». Je vous laisse apprécier vous-même, à la lumière de cette phrase, le motif de cette initiative contre la venue de Médine.

Que dire de l’autre association : Association Suisse Vigilance Islam ? Ce genre d’initiative islamophobe, qui postule d’emblée la nécessité d’une vigilance accrue vis-à-vis des musulmans, vise sciemment à créer un climat de peur quant à l’islam qui est alors automatiquement redéfinie comme une « menace » ou un « ennemi ».

Nous ne reviendrons pas ici sur le terme « racisme anti-blanc » utilisé par les détracteur.trice.s de Médine. Mais si certain.e.s de nos lecteur.trice.s sont interessé.e.s et encore questionné.e.s par le fait que, non le racisme anti-blanc n’existe pas, nous vous invitons à consulter l’article de Rokhaya Diallo, Pourquoi le racisme anti-blanc n’existe pas.2

Parce que l’annulation d’un concert pour des motifs islamophobes et racistes est inacceptable, Médine doit pouvoir donner son concert aux Docks, au Bataclan et dans toutes les salles où il souhaite se produire.

En espérant que ce courrier retienne toute votre attention, nous vous adressons, Madame, Monsieur, nos salutations les meilleures.

Soutien à Médine


1 Partie de la réponse de Médine à ces menaces d’annulation.
2 Rokhaya Diallo, Pourquoi le racisme anti-blanc n’existe pas. Un extrait choisi : “Des discriminations et des préjugés peuvent émaner de n’importe qui mais le racisme, produit d’une histoire de domination, est nécessairement la combinaison de la détention d’un pouvoir et des privilèges. Il n’y a pas d’équivalent entre le racisme historique et systémique perpétué en partie par des institutions contre des populations collectivement minorées et les discriminations contre des personnes blanches qui, bien que condamnables, sont commises à des niveaux individuels. Le racisme revêt non seulement une dimension interpersonnelle mais aussi, et ce contrairement aux discriminations et aux préjugés, structurelle (conséquences parfois indirectes de pratiques passées) et institutionnelle ou systémique.”

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