
En avant première, voici un article déstiné au prochain numéro de Moins - journal d’écologie politique romand (http://www.achetezmoins.ch/).
Guerre à la guerre, résistance face au fascisme turc
Bref récapitulatif de l’invasion turque de l’Administration autonome du Nord et de l’Est de la Syrie et retour sur ce qu’il se fait et ce qu’il est possible de faire pour résister ici en Suisse.
Sur ce territoire est expérimenté un projet politique révolutionnaire féministe, écologiste et autonome, tant politiquement que militairement. Entamé il y a 7 ans dans les zones à majorité kurde (Rojava), d’une superficie de 15’000km2, il s’est étendu à la faveur de la lutte contre Daesh à une surface d’environ 1/3 du territoire Syrien.
L’invasion turque
L’invasion turque a débuté le 9 octobre, suite à l’accord turco-américain d’une « safe zone » le long de la frontière. Cet accord a enjoint les combattant.e.s de la région autonome, les Forces Démocratiques Syriennes (SDF), à retirer leurs armes lourdes et leurs fortifications dans la zone frontalière, laissant le champ libre à la Turquie et ses alliés, dont de nombreux djihadistes d’Al-Nostra (ex Al-Qaida) et de Daesh. Ils contrôlent maintenant une zone d’environ 120km sur 30km le long de la frontière, dont les villes à majorité arabe de Tall Abiad et Ras al-Ayn où de violents combats ont eu lieu.
Le 13 octobre, les SDF ont annoncé avoir conclu un accord avec le régime syrien pour leur venir en aide. Celui-ci est censé renforcer les SDF le long de la frontière avec la Turquie. Cette présence est tolérée car l’Administration autonome du Nord-Est de la Syrie n’a jamais revendiqué une division de l’intégrité territoriale de la Syrie.
Le 23 octobre, c’est la Turquie et la Russie, suivant les traces du précédent accord Turquie-USA, qui tentent d’imposer leurs visées impérialistes sur la région. Ils conviennent d’un accord en 10 points qui garanti à la Turquie une assise sur les zones déjà envahies, des patrouilles conjointes tout au long de la frontière sur une profondeur de 10 km, une expulsion des YPG et YPJ (forces militaires kurdes) de la zone et une destruction de leurs fortifications. C’est cette même stratégie turque qui a facilité la première phase de l’invasion, permettant repérages militaires et affaiblissement des lignes de défense. Ce plan est actuellement en place et les SDF ont dit respecter leurs devoirs. Depuis, les morts et combats sur la ligne de front persistent, sans trop d’avancées de part et d’autre, malgré le dit « cessez-le-feu ».
Un projet impérialiste de nettoyage ethnique
Depuis le début de l’invasion une majorité de pays (pays arabes, gouvernement kurde d’Iraq, USA, France, Allemagne et beaucoup d’autres) ont condamné cette offensive militaire, mais les sanctions sont superficielles voire inexistantes. Et ce ballet des puissances impériales semble de plus en plus se concentrer sur les ressources pétrolières. On voit ici encore le triste partage et l’ingérence d’une région par des puissances étrangères, comme ce fut le cas au Moyen-Orient en 1923, lorsque le traité franco-britannique de Lausanne faisait des kurdes le plus grand peuple du monde sans Etat.
De fait, on comprend mieux le projet turc qui vise à reloger de 2 à 3 millions de réfugiés syriens dans cette zone. Il est indéniable que la majorité de cette population est arabe, non-originaire de la région et souvent politiquement proche de l’État Islamique, du régime syrien ou de la Turquie et de ses alliés. Il semble évident que cela vise à changer la démographie de la région, affaiblissant de facto l’assise politique que les autorités autonomes possèdent.

Une résistance en Suisse à faire vivre
De nombreuses mobilisations ont eu lieu un peu partout dans le monde. Du sabotage à la manifestation, du blocage à la récolte de fond (1) en passant par la diffusion de l’information, les stratégies pour répondre à l’invasion turque sont diverses, tous comme les lieux où celles-ci s’exercent.
En Suisse, le nombre de manifestations ne se compte plus. Elles ont eu lieu à Bâle, Zurich, Lucerne, Berne, Lugano, Bellinzone, Genève, Lausanne... Le samedi 12 octobre, c’était plusieurs dizaines de milliers de personnes qui ont convergé vers Zurich. La semaine d’après, la manif de Berne a réuni 2000 personnes. A cela s’ajoute de nombreux sabotages et/ou dégradations de points stratégiques (Neuchâtel, Berne, Bâle, Zurich et Genève), notamment contre le Crédit Suisse qui finance de nombreux constructeurs d’armes complices de l’Etat turc. Des blocages ont aussi eu lieu à Zurich, à Berne ainsi qu’à Bâle en marge d’actions internationales contre Turkish Airlines. L’action de l’aviateur a baissé de 25% depuis le début de la guerre.
Mercredi 23 octobre, un jeune kurde d’une vingtaine d’année s’est immolé par le feu sur la place des Nations à Genève. Le lendemain, une manifestation en réaction avait lieu a ce même endroit. Le 30 octobre sur la même place, ce sont 10 jeunes kurdes et internationalistes qui se sont enchainés aux barrières de l’ONU.
Les militant.e.s locales et leurs camarades internationalistes qui résistent sur place appellent au plus grand nombre d’initiatives possibles, partout et de tous styles, pour défendre l’autonomie du Nord-Est syrien. C’est le nombre, la durée et la diversité de ces actions qui peuvent affaiblir la Turquie, donner force et espoir aux personnes luttant sur place et faire vivre cette révolution.
Que les lecteurices de Renversé passent à l’action !

1.Notamment à travers le Croissant Rouge Kurde, quasiment seule ONG active sur place : http://heyvasor.ch/fr/accueil/
