Fraichement expulsés, nous étions sans toit en plein hiver, nous avons donc décidés de nous reloger pour ne pas mourir de froid. Jusque là, nous avons toujours été conciliants, ouverts, et sans nuisances envers le voisinage. Nous ne faisons rien d’autre que de nous loger dans une maison vide. Nous pensons en effet que chaque être humain devrait avoir un toit, peu importe son origine, son genre, ou son revenu, particulièrement en hiver.
Une question, qui vous permettrait d’apprécier notre point de vue : “Il fait froid, vous êtes à la rue pour x raisons, fin décembre, vous dormez dehors près d’une maison abandonnée ; qu’est ce que vous faites ?” Nous sommes des êtres humains.
Nous essayons de vivre dignement, dans l’honneur et le respect des autres. Vous pouvez nous juger pour des actes que nous aurions pu commettre pour survivre, mais sachez qu’aucune modification, construction, ni dommage n’a été porté sur l’ensemble de la parcelle, ni sur aucun bâtiment, bien au contraire. D’autant que ce bâtiment avait visiblement déjà été squatté avant notre arrivée.
Par ailleurs, lors de notre premier et unique contact avec l’Entreprise Bernard Nicod, (que nous avons pris de notre propre initiative le vendredi 18 décembre 2015), les employés que nous avons pu joindre ignoraient l’existence de cette parcelle. Cependant, la conversation que nous avons eu avec un “responsable” fut courtoise et chaleureuse. Un voisin nous a même précisé qu’il n’y aurait aucun ouvrage sur cette parcelle avant 2017.
Dans les faits, nous ne pensons donc toujours pas empêcher quelconques travaux de renouvellement de plan de quartier, puisque lesdits travaux sont inexistants.
L’instinct de survie nous a poussé à occuper cette maison, effectivement vide, jusqu’au début des travaux. En effet, nous n’avons pas la volonté de retarder x projet immobilier et provoquer un préjudice par notre présence, autrement nous serions déjà partis de notre propre gré. Nous n’avons pas pour habitude de squatter des chantiers de construction.
Il faut bien comprendre que lors de notre arrivée, nous avons prévenu la commune de Denges par e- mail, et que celle-ci a contacté l’entreprise Bernard Nicod et la gendarmerie. Cette dernière a poussé (comme d’habitude) le propriétaire à déposer plainte contre nous. Tout s’est visiblement déroulé très rapidement : il suffit de constater la date de la procuration de l’avocat de la partie adverse. Alors qu’un accord à l’amiable était possible, et largement moins coûteux. sans passer par la machine judiciaire qui a peut-être autre chose à faire que de gratter dans la précarité.
Nous assumons nos choix de vie, discutables ou non, et de ce fait, nous sommes persécutés de tous cotés. Nous connaissons bien entendu la chanson, celle du droit à la propriété privée. Vous nous accusez de violation de domicile, alors que personne n’habitait là ! Pourtant, la police nous suit, nous contrôle et nous fouille dans la rue. A notre insu, on prend des photos de nous, nos familles, nos amis, et ce, à tout bout de champ. Mais nous ne sommes pas idiots, il y a de toutes façons quelque chose de malsain derrière tout ça, le contrôle politique au frais du “contribuable”. C’est complètement dingue.
Nous avons l’impression d’être des criminels, voire des terroristes. Et lorsque nous nous rendons dans un commerce du village, bien que la plupart des gens soient agréables, si un élu est présent, celui-ci ne nous saluera pas.
Mais si vous avez l’occasion d’observer les photos prises par la gendarmerie lors de leur descente chez nous le lundi 25 janvier à 19h15, vous pouvez constater que nous sommes consciencieux, propres, et intelligents. A noter que cette descente et leur inspection dans les lieux, ainsi que l’identification des personnes présentes, fut injustifiée, démesurée, et apparement illégitime.
Ces gens agissent en bandes organisées, et n’attendent que la délibération du tribunal pour exercer leurs spécialités, nous parlons ici d’urine, de destruction de matériel et de verre, d’humiliations, d’insultes, de séquestrations, et, bien entendu, de coups et blessures.
Alors, il n’y a pas de maison, de squat, ou d’occupation illicite, seulement une parcelle du registre foncier. Il n’y a personne qui dort à la rue, tout le monde est bankable, exploitable et chaque individu n’est plus qu’une fraction de statistique. La pluie n’existe pas, le froid non plus, et tout le monde se contente de posséder un smartphone et une connection 4g. Tout le monde fait la fondue en famille, et il est évidemment impensable de vivre en décroissance, être dissident, ou trouver des alternatives à tout cette injustice et ces inégalités.
Alors nous reformulons notre question : “IL FAIT FROID, VOUS ETES A LA RUE POUR X RAISON, FIN DECEMBRE, VOUS SAVEZ QUE CETTE MAISON EST VIDE, ET ON VOUS INFORME QU’IL N’Y AURA AUCUN PROJET DE CONSTRUCTION AVANT DE NOMBREUX MOIS ; QU’EST CE QUE VOUS FAITES ?”
Nous réalisons que cette audience, cette procédure, cette crise du logement, de la précarité, des réfugiés, des roms, des prostituées ou des marginaux, comme la presse aime ainsi les appeler, tout ça n’est qu’une farce. Pire, un business particulièrement bien ficelé. Une simple transaction bancaire. Et dans ce business, par le biais ou l’utilisation de nos situations personnelles, des gens très dangereux et peu recommandables s’en mettent pleins les poches, et peu importe leur corps de métier. La fin justifie les moyens. L’avidité financière, la cruauté, et l’égoïsme, sont dans ce genre d’affaires exacerbés. En effet, les classes aisées ont mathématiquement besoin de l’instabilité financière des plus modestes pour maintenir et justifier leurs agissements.
Cela s’arêtera le jour où les asservis auront chassé le dernier oppresseur, et le dernier gardien du grand capital. Nous attendons ce jour avec impatience.
À force de semer la cruauté, la misère sociale et la mort, vous finirez de toutes façons par récolter la haine et le sang. Nous, les précaires de toutes origines, partout dans le monde, et depuis la nuit des temps, constituons un revenu inconditionnel aux promoteurs, politiques, policiers, services publics, magistrats et autres, et, dans ce cas présent, au cabinet d’avocats Gross&Associés, plus particulièrement à Daniel Guignard, spécialiste en droit de la construction et de l’immobilier, vraisemblablement spécialiste des squats vaudois.
Le fait que vous soyez tous rémunérés en ce moment même pour entendre ou lire ceci, ne fait qu’alimenter un peu plus, et ce gratuitement, notre haine contre vous. Et si certains esprits pervers considèrent cette maison comme un bien de jouissance, sachez qu’avant tout, c’est avec notre existence que vous jouez, aussi futile pour vous soit elle. Alors, lorsque vous rentrerez chez vous au chaud ce soir, embrassez votre famille, allumez la télévision, faites ce que vous faites d’habitude, mais gardez à l’esprit, que constamment, nous pensons au mal que vous faites.
Bonne journée.
Collectif Videnges - Route du lac 2 - 1026 Denges