Écologie - Antiindustriel

Saint Genis Pouilly : centre commercial vs. zone humide

Un nouveau centre commercial menace une zone humide de Saint-Genis-Pouilly. En prévision, la disparition de 14 hectares sous d’innombrables couches de béton.

Saint Genis Pouilly |
Modélisation du futur centre Open à Saint-Genis

Genève et sa banlieue connaissent depuis plusieurs décennies une explosion démographique impressionnante, entraînant crises du logement et des infrastructures. Les prix de l’immobilier sont élevés, les routes sont bouchées, et l’environnement local en prend un sacré coup.

Saint-Genis-Pouilly, petit village agricole devenu aujourd’hui une banlieue résidentielle de Genève comptant plus de 12’000 habitants, et dont la population a presque doublé en dix ans, en paye les frais. Car après avoir construit de très nombreux logements aux prix excessifs, c’est un centre commercial qui vient s’installer dans le village.

Open : un grand projet de béton

Effectivement, depuis 2014, le dossier du centre commercial Open se balade entre la mairie de Saint-Genis, la Communauté de communes du Pays de Gex (CCPG), et la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC). Open, c’est 39’000 m2 de surface commerciale qui sera construite sur une zone humide à côté de la zone de l’Allondon, soit une surface au sol trois fois plus importante que Balexert. Antoine Frey, porteur du projet, prévoit d’y investir 150 millions d’euros. Grâce aux promesses des bâtiments “éco-conçus”, une végétalisation intégrale des toitures, et même un parking “intelligent”, ce centre Open semble être le fer de lance du capitalisme vert : on bétonne 14 hectares de zone humide, mais de façon “écologique”.

Vue aérienne de Saint-Genis-Pouilly, avec l’emplacement d’Open en rouge

En 2014, la Commission départementale de l’aménagement commercial (CDAC) avait invalidé ce projet en argumentant que Open serait environnementalement nocif, qu’il était trop éloigné des habitations et mal desservi par les transports publics, et qu’il allait contribuer à l’étalement urbain. La CCPG s’est également prononcé contre ce projet, en optant plutôt pour un agrandissement du centre commercial de Val-Thoiry. Mais suite à l’élection de Macron et aux nouvelles priorités commerciales provenant de Paris, la CNAC a invalidé la décision de la CDAC, permettant aux travaux de pouvoir commencer dès 2018. La CCPG et l’environnement local a perdu sur toute la ligne, et le maire de Saint-Genis, urbaniste notoire et amateur du béton, ainsi qu’ Antoine Frey ne font que se réjouir.

Les enjeux écologiques d’Open

Cette décision de la CNAC a été prise suite à une "enquête publique" passée sous silence, où seules 60 personnes ont laissé un avis, et où les conclusions restent floues, voire douteuses :

“Pour ce qui concerne l’environnement (...)

  • que les impacts résiduels du projet, après la mise en oeuvre des mesures proposées, sont soit nuls, négligeables ou positifs,
  • que le projet ne présente pas d’impacts résiduels négatifs notables sur l’environnement,
  • que la protection du patrimoine végétal et animal identifiée dans la zone boisée située au sud du projet mérite une attention particulière,
  • qu’il existe néanmoins un doute sur les réels effets dus à l’imperméabilisation des sols ainsi que sur l’efficacité des mesures prises en vue de l’écoulement des eaux superficielles, compte tenu des conséquences prévisibles du réchauffement climatiques.”

Ce que nous dit ce rapport, c’est que ce centre commercial bétonnera 14 hectares de zone humide, en portant atteinte à tout l’écosystème qui s’y trouve, mais qu’il n’aura pas, ou peu, d’impacts environnementaux. Pourtant, cette zone humide est riche en faune et en flore, et la construction d’un immense centre commercial "écologique" ne fera qu’anéantir cet écosystème.

La zone humide vue de la rue de la Faucille

La protection des zones humides est, ou du moins devrait être, une priorité en termes de politique environnementale. Effectivement, comme le note le ministère de transition écologique et solidaire, “par leur richesse en habitats et en espèces, leur rôle d’infrastructure naturelle, leur place comme support d’activités et cadre de vie de qualité, les milieux humides sont des espaces à forts enjeux écologique, économique et social. La France s’est engagée à préserver les zones humides sur son territoire, notamment à travers la signature de la convention internationale de Ramsar.”

La partie boisée de la zone humide avec la friche de Saint-Genis

Les enjeux urbains d’Open

Au-delà des préoccupations écologiques quant à la construction d’Open, il faut aussi revenir sur la pertinence d’un nouveau centre commercial dans le Pays de Gex. Dans un rayon de 10km autour de Saint-Genis, il y a déjà trois énormes centres commerciaux : Val-Thoiry, Balexert, et le nouveau centre autour de E. Leclerc à Ferney. Ces centres commerciaux peuvent être agrandis, comme c’est le cas de Leclerc à Ferney, au lieu de bétonner des zones jusque-là épargnées par les ravages de l’urbanisme effréné que connait l’agglomération du Grand Genève.

Construire un énième centre commercial à cet endroit n’a qu’un but : répondre à des grands intérêts financiers, et notamment ceux du groupe Frey. Ils ne s’en cachent pas, en se réjouissant “qu’une population jeune dont le revenu est deux fois supérieur à la moyenne française” pourra dépenser allègrement dans cette véritable cathédrale de la consommation. Cet appel à la consommation viendra engorger des axes routiers déjà saturés, qui devront absorber 12’000 voitures supplémentaires le samedi.

Cette frénésie commerciale a déjà montré ses limites : avec la banalisation de l’achat par internet, les centres commerciaux deviennent de plus en plus obsolètes, et on peut s’interroger quant à la pertinence d’en construire un nouveau à Saint-Genis alors que l’espèce même du centre commercial est en dépérissement. Ainsi voit-on se multiplier les ghettos commerciaux aux Etats-Unis, vastes complexes délaissés ou on ne voit plus qu’un ensemble de grandes marques et de chaînes de magasins accueillir des fantômes.

Des solutions alternatives à l’explosion démographique du Grand Genève

L’argument principal pour ce centre commercial, c’est de trouver des solutions pour subvenir aux besoins des nouveaux et nouvelles habitant.e.s du Pays de Gex. Mais un centre commercial ne subvient pas aux besoins, il crée la demande en nourrissant la culture consumériste du luxe et de l’éphémère. Il existe de nombreuses autres solutions pour répondre à l’explosion démographique, notamment en réhabilitant les réseaux locaux de commerce et de loisirs. Alors que la ville voisine de Ferney-Voltaire fait des efforts en la matière, avec un centre-ville en zone piétonne donnant accès aux petits commerces de la ville ainsi qu’au marché hebdomadaire, Saint-Genis va dans le sens inverse. Et les effets sont palpables : le centre-ville n’abrite plus qu’un ensemble de banques qui ne cessent de s’agrandir, à l’image du Crédit Mutuel dont le nouveau bâtiment dépasse largement ses voisins.

Il faut envisager un projet urbain à la hauteur de notre région, accueillant les commerces locaux qui sauront renforcer les réseaux gessiens et en multipliant les zones de loisirs, pour ne pas tomber dans piège du tout résidentiel. On peut ainsi penser à réhabiliter le New Chêne Club, qui avait brûlé en 2010 puis en 2013, plutôt que de s’attaquer à la zone humide avoisinante. En tous cas, de nombreuses solutions sont facilement envisageables, plutôt que l’orientation vers le tout commercial.

Fermons Open !

Liens :
Rapports et conclusions du commissaire enquêteur : http://www.saint-genis-pouilly.fr/sites/default/files/atoms/files/171130_rapport_et_conclusions_du_comissaire_enqueteur.pdf
Conclusions du commissaire enquêteur : http://www.saint-genis-pouilly.fr/sites/default/files/atoms/files/2-_conclusions.pdf

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