Écologie - Antiindustriel

Se divertir contre - Scandales de l’industrie et pollutions (I)

En ces temps de pandémie, on est sommé.es de nous divertir pour passer le temps (et faire passer la pilule), et les listes des choses que l’on devrait faire sont innombrables. Mais quitte à être confiné.es autant que ce soit dans l’idée d’en savoir plus sur les réalités de ce monde, sur ce qu’il produit réellement, que l’on tente de nous cacher dans un premier temps, puis qui se noie dans la masse du divertissement produit. Et si l’on faisait des listes qui permettent de nous “divertir contre” ? Première partie de l’épisode I des scandales de l’industrie et de ses pollutions.

Dans une situation de confinement (partielle ou totale) d’une bonne partie du monde, nombreuses sont les listes de choses à faire à la maison (pour celleux qui en ont une) pour passer le temps, voire « tuer le temps" - quand c’est pas sa compagne [1]. Même si trop de ces discours romantisent le confinement pour y voir une occasion de « se retrouver » de « se recentrer sur l’essentiel », de « prendre le temps », sans remarquer une énième manifestation de privilèges (de race, de classe et de genre), d’inégalités sociales et économiques encore plus flagrantes qu’en temps normal, se divertir reste nécessaire.
En fouillant dans nos souvenirs et nos bases de données de films, on est vite confronté.es au fait que les pollutions, accidents et scandales industriels, pourtant quotidiens de par le monde et tuant des millions de personnes chaque année pour le bien-être du capitalisme, sont quasi inexistants du cinéma « grand public ». On peut faire une liste interminable des films catastrophes traitant d’armées de zombies ou monstres génétiquement modifiés, ou d’une nature hostile qui se déchaîne, dévastant tout sur son passage, ou encore de mondes post-apocalyptiques où la survie prend systématiquement la forme d’une loi de la jungle, plutôt que d’une entraide solidaire. Mais rares sont les films qui nous parlent de « catastrophes » qui se produisent réellement, et qui sont des fois bien pires que la fiction. Le corona-virus, bien que dramatique dans ses conséquences, ne devrait pas cacher la forêt des drames engendrés par les Etats et les intérêts des multinationales qu’ils servent. Si au lieu de mater des écrans « pour se divertir », on en profitait pour regarder des films et se divertir « contre » ?
Une sélection dont l’idée est de partager des films variés en qualité et en statuts, accessibles et populaires [2]. Des films contribuant à élargir nos références, nos imaginaires, non pas sur des catastrophes soi disant « à venir », mais avec celles qui sont déjà là. Une liste, et surement d’autres, en attendant de survivre, mentalemente et politiquement, au confinement [3]

Pour regarder ces films gratuitement, il y a plusieurs possibilités (mais protégez-vous avec un VPN si possible, gratuit avec riseup ou calyx)

  1. Streaming : https://hdss.to/  ;
  2. Torrent : https://www2.yggtorrent.me  ; https://www.rutracker.org  ; https://cpasbien.tf/  ; https://www.limetorrents.info
  3. Stremio : interface très efficace et accessible. Il suffit de la télécharger et d’y ajouter, dans les options, les add-ons “Juan carlos 2”, “pirate bay addon”, “pop corn time” et “Rar”.

Se divertir contre - Episode I : Les scandales de l’industrie et de ses pollutions (I)

Woman at war (2018)

Halla, femme célibataire, la quarantaine passée, vit en Islande. Sensible aux luttes environnementales, elle est convaincue de devoir agir face à l’apathie générale. A côté des ses cours de chant et de yoga, elle part en excursion saboter les lignes à haute tension qui traversent les terres d’Islande pour alimenter les énergivores usines de fabrication d’aluminium. Le « problème » devient national et un bras de fer se met en place entre une femme qui défie la loi et l’argent, et un Etat qui ne veut pas se remettre en question. Une aventure à la Kusturica sur une femme en guerre dont le prénom renvoie aux dernières Bandit.es de l’histoire islandaise.

Même la pluie (2011)

Sébastian est en Bolivie pour tourner un film sur la colonisation espagnole et le sort des indigènes. Des manifestations populaires éclatent dans tout le pays quand Bechtel, une multinationale américaine qui a remporté l’appel d’offre pour la privatisation de l’eau, décide de fermer tous les puits, d’augmenter les prix et de marchander tout accès à l’eau courante. Le dilemme devient troublant pour Sebastian quand un des figurants principaux de son film, un autochtone bolivien, décide de s’engager pleinement dans la lutte pour la justice sociale. Un film basé sur les révoltes de « la guerre de l’eau » des années 2000, démarrée à Cochabamba, où la population avait pris les rues face à l’armée pour défendre ses droits les plus élémentaires face au capitalisme.

Dark Waters (2019)

Robert Bilott, avocat spécialisé dans la défense des multinationales de la chimie, est interpellé par un fermier de sa ville natale, dans l’Est des Etats-Unis, qui voit ses vaches mourir sans explications. Alors que personne, localement, n’ose se pencher sur cette histoire, Bilott va rapidement comprendre que les terres alentours de la ferme appartiennent à la multinationale Dupont, géant de la chimie et plus gros employeur local. Il commence une enquête de plusieurs décennies qui va faire éclater, début 2000, « le scandale du Téflon », un scandale sanitaire mondial toujours en cours et dont on réalise toujours pas toutes les répercussions.

There will be blood (2007)

Au début du XX ème siècle, le Nouveau Mexique vit sa ruée vers l’or. Daniel Plainview, prospecteur avide, ambitieux et misanthrope, tente sa chance aux côtés de son fils. Sur place, les logiques de pouvoir, qu’elles reposent sur l’argent, sur l’autorité ou la religion, entrent rapidement en conflits, chacun étant prêt à tout pour arriver à ses fins : obtenir plus, quel que soit le prix. Un western sur les côtés sombres de l’être humain face au pouvoir, et sur les fondements des grandes fortunes d’hier et d’aujourd’hui : mensonges, opportunismes et exploitations.

Erin Brockovich : seule contre tous (2000)

Erin Brockovich, mère élevant seule ses trois enfants, sans diplôme, se retrouve obligée de trouver rapidement un travail pour couvrir tous ses frais médicaux et de justice suite à un accident de voiture dont le responsable est acquitté. A coup d’audace et de ténacité, elle obtient de son avocat un emploi d’archiviste dans son cabinet. C’est en classant des documents qu’Erin déterre une affaire louche d’empoisonnement des eaux en Californie. Elle décide de se jeter dans la bataille en défendant les plaignant.es contre l’industrie PG&E, société de distribution et de gaz et d’éléctricité.

The Host (2006)

Park Hee-bong vit à Séoul avec sa famille et tient un petit snack au bord de la rivière Han. Un jour, un monstre géant surgit des profondeurs de la rivière et enlève Hyun-seo. La famille Park décide alors de partir en croisade contre le monstre pour la retrouver. Ce monstre amphibien et carnivore est issu d’une mutation génétique causée par le déversement de produits toxiques dans la rivière traversant la ville. Bong Joon Ho mélange, sans que son récit en pâtisse une seconde, le film de monstre et le réalisme du fait divers, le pamphlet anti-impérialiste et la comédie à l’italienne, la parabole kafkaïenne et la fable humaniste.

Promised Land (2013)

Steve Butler, travaille pour un grand groupe énergétique américain, Global. Il se rend dans une petite ville de campagne pour convaincre les fermiers d’une petite communauté rurale d’autoriser Global à forer leurs terres moyennant une très lucrative compensation financière. Butler est un idéaliste : il ne fait pas ce job uniquement pour gagner sa vie. Il croit sincèrement que le monde rural est à l’agonie et qu’il est l’ange providentiel qui apporte à ces fermiers désœuvrés les conditions de leur survie. Mais ce qui devait être un jeu d’enfant ne se passe pas comme prévu dès lors que des voix critiques s’élèvent et s’organisent. Gus Van Sant alerte sur le gaz de schiste avec un Matt Damon se croyant sauveur, mais dont toute la bonté ingénue sert les intérêts des exploitants contre les exploités.

Chernobyl (2019)

C’est l’histoire de la plus grave catastrophe nucléaire civile, celle de Chernobyl en 1986, près de Pripyat, en Ukraine. La série suit de manière rapprochée les évènements qui ont directement précédé et suivi l’accident : l’explosion du réacteur 4 de la centrale, et la propagation d’énorme quantité de matières radioactives dans l’atmosphère, le travail des “liquidateurs” sacrifiés pour limiter les dégâts, et les procès destinés à étouffer la vérité. Même si elle prend quelques libertés par rapport aux évènements historiques, l’essentiel est là. On se retrouve avec un accident dramatique dû à la mauvaise gestion, à la corruption et à l’opacité d’un Etat soviétique prêt à tout pour sauver la face en période de Guerre Froid où prime la course au nucléaire civile et militaire avec les Etats-Unis.

Pompoko (2006)

Dans les forêts des alentours de la mégapole vivent les tanukis. Ils voient la ville se rapprocher toujours plus de leurs habitats naturels, telle une tumeur de pollutions et de destruction en pleine expansion. Bien décidés à prendre leur destin en main, ils déclarent la guerre aux multinationales de la construction et passent à l’action ! Que ce soit en sabotant les machines de chantier ou tentant d’effrayer les humain.es à partir de leurs propres superstitutions, la riposte s’organise face à la forêt qui disparait chaque jour un peu plus. Avec Pompoko, le Studio Ghibli nous offre un manga magique comme à son habitude, une fable où les légendes passées nous permettent de comprendre et combattre un présent qui nous échappe.

Rubrique “Vous n’êtes pas obligé.es mais ça existe”

Thank you for smoking (2006)

Une comédie sur Nick Taylor, lobbyiste surdoué dans la communication et les relations publiques, qui est engagé par les lobbys du tabac états-uniens pour réhabiliter la cigarette face aux politiques de prévention du tabagisme qui se mettent place. Un film ambigu et problématique qui pose les « marchandes morts » (armes, tabac et alcool) du côté du politiquement incorrect, ce qui ne manque pas d’en faire des personnages désirables et sympathiques. Au final, tout le monde en sort grandit : les critiques y voient une critique du tabac, les lobbyistes y voient une critique du politiquement correct. Un film cynique sur le cynisme qui conforte le monde tel qu’il est.

Deepwater Horizon (2016)

Un film catastrophe à la nord-américaine (des grosses couilles et de l’action) qui a le mérite de parler d’une catastrophe écologique majeure qui aura coûté la vie à 11 ouvriers : l’explosion de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon en 2010. Les images et l’immersion dans une plateforme qui explose sont impressionnantes. Cependant, focalisé sur le drame humain, il relègue les conséquences environnementales à une simple et anecodtique phrase de fin, alors qu’il s’agit d’une des pires marées noires des Etats-Unis, et il réussi à ne pas vraiment parler des responsables de cet accident : le géant du pétrole, British Petroleum.

Blood Diamond (2007)

Danny Archer, trafiquant de diamants incarcéré en Sierre Leone, rencontre Solomon Vandy, un pêcheur d’origine Mende qui a été arraché à sa famille pour travailler dans les mines diamantifères. Ce dernier lui raconte qu’il a trouvé - et caché - un diamant rose extrêmement rare qu’il s’agit de récupérer en territoire hostile. Film d’action type blockbuster à gros budget, le film a coûté plus cher que le PIB du Sierra Leone. Même si ça ne le justifie pas, il a le “mérite” de parler de la guerre qui s’y est déroulé de 1991 à 2002, de l’esclavage dans les mines de diamants et des enfants soldats, le tout servant à une industrie du diamant au service des plus riches de ce monde.

The East (2013)

Sarah Moss travaille pour une agence privée qui défend les intérêts des multinationales. Elle a pour mission d’infiltrer un groupe “d’éco-terroristes” pour en savoir plus sur leurs actions futures. Mais plus elle passe du temps à leurs côtés, plus elle doute de ses choix. The east fait parti des films qu’on aimerait qu’il soit réussi parce qu’il s’incruste dans la vie intime et secrète d’un groupe d’activistes écologistes, ce qui n’est pas si fréquent. Mais il reste pauvre dans son analyse politique des modes d’actions, par son incapacité à se passer de la romance facile et des figures de gourou, et par sa mise en avant de l’idée de “prise de conscience” facile. Un film avec un excellent casting mais de trop bonnes intentions.

P.S.

Image de couverture : la raffinerie de Grangemouth, en Ecosse.

Notes

[1Une femme est tuée par son conjoint ou ex-conjoint tous les 2-3 jours et le confinement à domicile ne manque pas d’aggraver le féminicide en cours (Le Monde, 25.03.20)

[2L’idée de choisir des films type “grand public” et non pas des documentaires, ou des films d’auteurs, vient de l’objectif de pouvoir mettre en avant des productions qu’un plus grand nombre de personnes, au delà des cercles “militants”, serait susceptible de voir. On se retrouve forcément avec des listes très occidentalo-centrées et potentiellement mainstream, mais c’est un choix : être accessible et faire exister ces thématiques autour de nous, là où un documentaire militant serait vite rangé sur l’étagère

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