Les faits
Après une garde à vue de 48 heures le 29 novembre dernier, notre ami, compagnon, camarade et frère Matthias a été transféré à la prison de Champ-Dollon. Sans que l’on puisse être informé-e-s des motifs de son incarcération, nous avions obtenu de la part du greffe du Procureur, l’information selon laquelle aucune visite ni précision ne seraient admises tant que l’enquête, qui inclut plusieurs personnes, serait en cours. Ce n’est qu’à partir de mi-janvier que nous avons pu le visiter et qu’il a eu accès aux appels téléphoniques.
Voilà 8 mois qu’il est retenu entre quatre murs 23 heures sur 24, qu’il subit des discriminations quant à son choix éthique de ne pas consommer de produits animaux (les repas qui lui sont servis ne sont pas adaptés en fonction de son positionnement politique et les moqueries sont récurrentes de la part du personnel, ainsi que de la Direction), qu’il doit faire face aux abus de pouvoir des gardiens (mise en isolation 2 jours pour une blague, déchirement de ses photos accrochées au mur, etc) et surtout, qu’aucune preuve n’a encore été établie sur sa participation soupçonnée à des actions directes de sabotage envers des institutions spécistes.
Quand bien même il y aurait eu des preuves, il s’agit d’une incarcération démesurément longue par rapport à la nature des infractions, qui se rapportent uniquement à des dommages à la propriété. Le risque de fuite et de collusion étant dérisoire, il paraît évident que Matthias est incarcéré en exemple pour la cause, sous prétexte qu’il y ait un “risque de récidive” retenu par le Procureur en charge de l’affaire. Il est nécessaire de rappeler qu’en droit, un tel risque doit se rapporter à des infractions identiques auparavant commises par la personne, et non pas simplement similaires (ce qui laisserait place à une large interprétation arbitraire). Or, c’est précisément ce qui est à déplorer, puisque Matthias n’a jamais été condamné pour des actes identiques à ceux pour lesquels il est soupçonné. Nous dénonçons son emprisonnement politique et demandons à ce qu’il soit libéré immédiatement !
Le contexte politique
Avant que Matthias* et les autres activistes désobéissant-e-s ne soient qualifié-e-s de criminel-le-s par certains médias et les personnes qui continueraient d’occulter le message politique prôné par le mouvement antispéciste, nous tenons à rappeler que chaque action militante, qu’elle soit dissidente ou non, a pour but de porter la voix des animaux que la société entière fait taire pour des raisons économiques. Qu’il s’agisse de manifestations légales ou d’actions de sabotage, le but final reste celui de la reconnaissance des animaux comme des individus dignes d’être respectés dans leurs droits fondamentaux : le droit de ne pas être maltraité, enfermé, abattu ni commercialisé. Si des actions perturbatrices du système sont actuellement condamnées, il n’en reste pas moins qu’un jour, elles seront reconnues comme la mise en oeuvre d’une responsabilité citoyenne face à un meurtre de masse, légal et accepté par les personnes profitant de l’exploitation animale. Au même titre que les Suffragettes en Angleterre, qui elles aussi ont dégradé des propriétés pour se faire entendre, les militant-e-s antispécistes qui ont/auraient fait le choix d’agir en dissidence face à la législation ne sont pas à considérer comme des délinquant-e-s, mais comme des citoyen-ne-s responsables qui se mobilisent autant que possible contre les injustices subies par les animaux, dont l’éthologie et le bon sens prouvent la capacité à ressentir la douleur.
La violence subie par les autres animaux dans les élevages où leur corps est meurtri par des mutilations légalement admises (écornage, débèquetage, limage des dents,...), dans les abattoirs où ils sont tués peu importe la force de leur résistance et de leurs cris, et dans les boucheries, restaurants, et autres commerces dans lesquels leur chair et leur peau sont vendues en toute impunité, est incomparable face au sabotage subi par certaines de ces institutions. Si Matthias* et d’autres militant-e-s sont poursuivi-e-s pour ce type d’actions, il serait judicieux de rappeler que tenter d’empêcher un massacre ne relève pas de la criminalité, mais bien de la responsabilité morale. D’autant plus qu’il ne s’agit que de dégradations matérielles, et jamais de violence physique ni de prise à parti personnelle d’un-e professionnel-le.
Nous encourageons la population à faire un effort d’empathie en se mettant à la place des animaux défendus par les activistes antispécistes, avant de juger de la légitimité de leur engagement. Nous l’encourageons à s’instruire sur les mouvements de lutte sociale passée et de prendre conscience qu’aucune de celles-ci n’a pu obtenir gain de cause sans affrontement. Nous l’encourageons à prendre conscience du fait que les personnes qui profitent de certains privilèges ne les abandonnent jamais d’elles-mêmes. Nous l’encourageons à se rendre compte de l’urgence à défendre la voix des animaux, dont l’élevage est la cause principale du réchauffement climatique (FAO, Livestock’s long shadow, 2006). Et que pour eux, l’urgence est quotidienne car leur vie dépend de nos choix de consommation ainsi que de nos choix citoyens.
L’antispécisme est une lutte politique au même titre que le féminisme, la reconnaissance des droits pour les personnes LGBTIQ+ et l’antiracisme. Prenons de l’avance sur l’Histoire et reconnaissons la nécessité de porter la voix des 77.5 millions d’animaux tués chaque année en Suisse, des 60 milliards tués dans le monde et des 3000 milliards d’animaux marins qui subissent les conséquences de la pêche.