Médias Médias

[Suisse] Agenda 2017 : l’économie sans l’exploitation

Pour la rentrée 2017, la Tribune de Genève souhaite bonne année à l’économie suisse, ses “exceptionnels” nouveaux patrons millionnaires, ses banques qui encouragent la fraude fiscale et ses boursicotages. Alors qu’on nous rabâche la crise et le devoir solidaire de se serrer la ceinture, on apprécie les bons vœux de la Julie aux porteurs de bretelles.

Suisse |

Que nous réserve l’année 2017 ?

Des salaires plus élevés, répond un.e ouvrier.ère enthousiaste. La fin de l’exploitation des travailleurs.euses se risque un autre, un peu rêveur. La fin du capitalisme financier, ajoute un trotskiste qui passait par là. L’introduction d’une éthique économique, essaie enfin un social-démocrate un peu plus prudent. Pour répondre à toutes ces questions, la Tribune nous convie à un « tour d’horizon d’un exercice 2017 riche en événement pour l’économie suisse. »

Parlons argent, l’économie attendra

Après avoir appris avec émotion les gains de 237 milliards de dollars des 500 personnes les plus riches de la planète pour 2016, saluons donc la nomination d’un « nouveau patron exceptionnel » chez Nestlé. Souhaitons-lui de gagner au moins 9’322’521 CHF, c’est-à-dire autant que son prédécesseur, Paul Bulcke, en 2014. Gageons en tout cas que « le meilleur manager allemand de l’année 2012 » saura augmenter les bénéfices de ce fleuron de l’économie suisse, quitte évidemment à exploiter des enfants en Afrique.

Un nouveau pas en avant pour le brevetage du vivant

Autre raison de se réjouir, l’absorbtion prochaine de Syngenta par l’entreprise ChemChina, qui concurrencera Monsento dans la course au contrôle du vivant et à la promotion et la distribution d’OGM. « Les semences anciennes ou locales qui ne répondent pas à ces critères [distinction, homogénéité et stabilité], bien que ne nécessitant pas de cultures chimiquement assistées, ne sont pas admises à figurer dans les catalogues officiels des espèces et variétés, condition imposée par les États pour pouvoir être commercialisées. » (Le champ du contrôle, 2014) Sortons les portefeuilles d’actions pour cette date cruciale dans l’anéantissement programmé de ce qui reste d’une agriculture résistant à l’industrialisation totale.

D’autres occasions de se réjouir

Après ces quelques joies bien compréhensibles, la Julie annonce un point noir. Deux banques suisses devront répondre de leur pratique en matière de fiscalité aux États-Unis. Dans le cas d’UBS, « les prévenus sont accusés de démarchage illicite et de blanchiment aggravé de fraude fiscale. » Heureusement, immédiatement en-dessous du sous-titre « Emplois menacés », on apprend l’existence à venir d’un « événement, nettement plus réjouissant », une entrée en bourse !

« Les idées dominantes sont celles de la classe dominante » (K. Marx)

Cette lecture un peu fastidieuses d’un article écrit avec les pieds par un cul-de-jatte, peut amène à une réflexion. L’économie, telle que définie par Tamedia (groupe propriétaire de la Tribune), c’est un monde abstrait, fait de chiffres incommensurables et « d’événements » qui font transiter artificiellement des milliards de riches vers d’autres riches. Nulle trace de la production, donc de l’exploitation dans un agenda 2017. Nulle existence de travailleurs, sinon comme indice de la réussite de ces grands projets.

Tamedia dégage un chiffre d’affaire de plus de 1 milliard par an, tandis que son directeur doublait son revenu en 2015 pour toucher 6.1 millions de francs. Traiter de l’économie de cette manière participe de la construction d’un monde d’exploitation, dont il n’est pas si difficile de trouver les bénéficiaires. C’est le propre de la révolution libérale d’avoir réussi à construire et ancrer le mythe d’une économie qui harmonise les intérêts individuels et collectifs dans l’intérêt de tous. Trouvons les mots, les images, et les évidences partagées qui nous permettent de penser et de dire le monde. Posons d’autres questions que celles qui nous empêchent par avance d’y donner de bonnes réponses.

« Qui est le plus grand criminel : celui qui vole une banque ou celui qui en fonde une ? » (Bertolt Brecht - L’Opéra de quat’sous)

Notes

DANS LA MÊME THÉMATIQUE

À L'ACTUALITÉ

Publiez !

Comment publier sur Renversé?

Renversé est ouvert à la publication. La proposition d'article se fait à travers l’interface privée du site. Si vous rencontrez le moindre problème ou que vous avez des questions, n’hésitez pas à nous le faire savoir
par e-mail: contact@renverse.co