43m2 lève le camp ce lundi 4 juillet
Voilà, on lève le camp ! Mais on ne le lève pas avec le sourire de la
victoire. On le lève avec la lourdeur de la fatigue et de la
désillusion. Une fois n’est pas coutume, mais aujourd’hui ce n’est pas le bras armé de la municipalité qui nous tire de là. Nous nous retirons nous-même en trainant des pieds. Nous nous retirons car nous sommes arrivé.exs au bout de nos énergies et peut-être de nos espoirs du moment. Cet hébergement se voulait transitoire dans l’espoir d’un relai politique. Nous n’avons jamais eu la volonté de normaliser le travail
social gratuit, nous le faisons déjà touxstes suffisamment. Nous avons
été bien naïf.ves de croire que notre action pourrait soudainement
susciter l’intérêt de politicien-nes bien logé.es.
L’objectif de 43m2 a toujours été double : le premier objectif était de
mettre la pression sur les conseiller-ère-xs et municipaux afin de
tordre le cou à cette politique du thermomètre tellement déconnectée des réalités de la rue et de cette honteuse pénalisation du « camping
sauvage ». Cet objectif n’est malheureusement pas atteint dans
l’immédiat. Le canton et la municipalité n’apporteront aucune solution aux personnes dormant à la rue. La réponse qui nous a été donnée suite à notre invitation à venir visiter le campement et à évaluer de leur propre yeux les besoins, a été de nous demander de renvoyer les personnes vers le bureau des réservations pour trouver un lit. Nous leur parlons d’une pénurie de plus de 100 lits et iels osent nous répondre d’envoyer ces personnes, pour la plupart dans la « dernière » catégorie des priorités, aux bureaux des réservations. Si la situation n’était pas tragique, nous en rigolerions presque. Malgré cette réponse méprisante, nous doutons qu’iels osent reproduire le même geste de fermeture le printemps prochain. Mais cela, nous le savons d’avance, ne sera pas grâce à nous car la municipalité ne réagit pas à la pression. Si les hébergements ne ferment pas, ça sera sûrement grâce à l’évaluation du canton sur les besoins de la rue.
Le deuxième objectif était de proposer une solution très concrète aux personnes à la rue. Celui-ci, on peut dire qu’on l’a atteint, du moins
temporairement. A vrai dire on est nous-même surpris.exs de ce côté-là.
Lorsqu’on a installé le campement, on a presque eu honte de ce qu’on
proposait en terme de confort. On ne voulait pas tomber dans le piège de
« iels sont sans logement, c’est toujours mieux que rien ». On
souhaitait vraiment proposer une solution digne, même temporaire. Mais muni.exs de nos quelques tentes, de nos palettes et de nos matelas fins, franchement, on n’était pas sûr.exs de nous. On avait même déjà préparé notre discours si notre campement restait vide, ou peu utilisé. Et en fait, c’est autre chose qui s’est passé. On a été plein en
quelques jours. Évidemment, la première raison d’y venir était
simplement de pouvoir dormir à l’abri. Par la suite, c’est devenu
un choix pour certain-exs personnes. Le confort du lit et la solidité
des murs semblaient secondaires par rapport à la liberté éprouvée dans
le lieu, à l’absence de contrôle, de réservation, à la possibilité de
rester en journée ou de rester avec sa famille au complet, de se faire à
manger à toute heure et de créer du lien. Ce campement qui semblait indignes sous certains aspects s’est révélé plus digne que d’autres hébergements.
Là-dessus, on est quand même un peu fier-ère-xs. On ne va pas non
plus tomber dans un romantisme stérile ni tenter de créer une lutte sexy pour nourrir l’imaginaire de nos camarades. Très sincèrement, ce n’était pas toujours facile. Héberger sur un terrain d’environ 600m2 (on est bien loin de notre fameux 43m2) 60 personnes , venant de cultures différentes, avec des vécus très différents (pour beaucoup d’entre elleux plutôt chaotiques) et n’ayant pas décidé de vivre ensemble…bon…c’est un gros morceau.
On est arrivé avec nos idéaux autogestionnaires. Assez rapidement on nous a demandé plus de cadre. On a donc pris le rôle par moment d’une autorité qui nous déplait mais qui nous semblait importante
à prendre puisque c’était une demande. Il y a eu des bagarres
soft, des insultes un peu moins soft, mais franchement - par rapport à la
situation, aux vécus, à la promiscuité, aux préjugés dont on est touxstes pétri.exs, à l’impossibilité de trouver une langue commune, à des murs en cartons (enfin des toiles de tentes), aux 2h de silence complet par nuit environ compte tenu des personnes ultra couche-tard et d’autres ultra lève-tôt, (sans compter les ronfleureuses), à l’absence de douche et aux 30 degrés à l’ombre…bref - nous sommes surpris.xes d’à quel point les choses se sont bien déroulées.
Selon les dires de beaucoup d’usager-èrexs du lieu et ayant l’habitude d’autres hébergements, iels étaient étonné.exs de voir des gens de différentes communautés communiquer, tenter de collaborer, manger ensemble. Bon selon les dires d’autres mécontent.e.s, on était de mauvais.exs travailleureusxes sociaux qui ne savions pas mettre un cadre strict (ok, on le prend comme un compliment aussi).
On continue à dire que les hébergements d’urgence ne sont pas une solution sur le long terme, encore moins tels qu’ils sont pensés par des institutions n’ayant aucune connaissance des problématiques de la rue (catégorisation, horaires, pas d’accueil de jour, séparation des
familles…). Il faut une réflexion bien plus large sur le logement.
Nous avons tenté de notre côté d’apporter déjà quelques réflexions et réponses à travers notre expérimentation et nous souhaitons continuer à le faire. La municipalité semble dire que nous ne sommes pas des partenaires sociaux fiables. Nous lui conseillons d’aller parler avec
les usager-èrexs du lieu pour connaître notre fiabilité.
Alors voilà, on lève le camp. Dès lundi prochain, ce seront à nouveau 60 personnes de plus dans les rues, en plus de tous les autres invisibles.
On était un peu fier-èrexs de ce qu’on avait fait, mais on est
tellement tristes et en colère de ne rien pouvoir proposer d’autres. En
un mois, on a eu le temps de créer des liens forts et ça nous troue le
bide de ne pas pouvoir faire plus.
Ca nous met aussi en colère que ca soit encore nous qui portions la
responsabilité de mettre des personnes à la rue pendant que les
politiques dorment tranquillement dans leur villa. Nous allons retourner
dans nos maisons collectives, roulottes, apparts et les croiser dans la rue. Nous allons garder des liens avec certain.exs. Trouver peut-être
des solutions temporaires pour quelques personnes. Mais globalement, iels retournent à la rue avec cette phrase qui raisonne en nous « ce n’est pas la météo qui tue, c’est la rue ».
Si vous avez des idées, même pour une personne, n’hésitez pas à nous
écrire à 43m2@riseup.net
Il y a aussi plusieurs personnes qui souhaite retourner en Bulgarie et
nous souhaitons les y aider.
N’hésitez pas à nous verser un petit don financier :
https://43m2.ch/don.html
Et si vous voulez venir, dès mardi 10h, nous aider à remettre les lieux
en ordre, que vous avez un véhicule et des bras, welcome, très welcome.
Merci
43m2