Logement - Squat Précarité mouvements sociaux

43M2 lève le camp

Cela faisait plus d’un mois que le collectif 43m2 avait ouvert un centre d’hébergement d’urgence dans le jardin de l’HETSL pour répondre au besoin concret des personnes en situation de rue. Une occupation qui fait suite aux fermetures des structures d’accueil en ville de Lausanne en mai. Une fermeture saisonnière dénoncée par le collectif, qui s’insurge contre la politique dite du thermomètre, à savoir diminuer le nombre de place d’accueil au sortir de l’hiver.

Lausanne |

Mise à jour

    Voilà, on lève le camp !

  • 43m2 lève le camp ce lundi 4 juillet

    Voilà, on lève le camp ! Mais on ne le lève pas avec le sourire de la
    victoire. On le lève avec la lourdeur de la fatigue et de la
    désillusion. Une fois n’est pas coutume, mais aujourd’hui ce n’est pas le bras armé de la municipalité qui nous tire de là. Nous nous retirons nous-même en trainant des pieds. Nous nous retirons car nous sommes arrivé.exs au bout de nos énergies et peut-être de nos espoirs du moment. Cet hébergement se voulait transitoire dans l’espoir d’un relai politique. Nous n’avons jamais eu la volonté de normaliser le travail
    social gratuit, nous le faisons déjà touxstes suffisamment. Nous avons
    été bien naïf.ves de croire que notre action pourrait soudainement
    susciter l’intérêt de politicien-nes bien logé.es.

    L’objectif de 43m2 a toujours été double : le premier objectif était de
    mettre la pression sur les conseiller-ère-xs et municipaux afin de
    tordre le cou à cette politique du thermomètre tellement déconnectée des réalités de la rue et de cette honteuse pénalisation du « camping
    sauvage ». Cet objectif n’est malheureusement pas atteint dans
    l’immédiat. Le canton et la municipalité n’apporteront aucune solution aux personnes dormant à la rue. La réponse qui nous a été donnée suite à notre invitation à venir visiter le campement et à évaluer de leur propre yeux les besoins, a été de nous demander de renvoyer les personnes vers le bureau des réservations pour trouver un lit. Nous leur parlons d’une pénurie de plus de 100 lits et iels osent nous répondre d’envoyer ces personnes, pour la plupart dans la « dernière » catégorie des priorités, aux bureaux des réservations. Si la situation n’était pas tragique, nous en rigolerions presque. Malgré cette réponse méprisante, nous doutons qu’iels osent reproduire le même geste de fermeture le printemps prochain. Mais cela, nous le savons d’avance, ne sera pas grâce à nous car la municipalité ne réagit pas à la pression. Si les hébergements ne ferment pas, ça sera sûrement grâce à l’évaluation du canton sur les besoins de la rue.

    Le deuxième objectif était de proposer une solution très concrète aux personnes à la rue. Celui-ci, on peut dire qu’on l’a atteint, du moins
    temporairement. A vrai dire on est nous-même surpris.exs de ce côté-là.
    Lorsqu’on a installé le campement, on a presque eu honte de ce qu’on
    proposait en terme de confort. On ne voulait pas tomber dans le piège de
    « iels sont sans logement, c’est toujours mieux que rien ». On
    souhaitait vraiment proposer une solution digne, même temporaire. Mais muni.exs de nos quelques tentes, de nos palettes et de nos matelas fins, franchement, on n’était pas sûr.exs de nous. On avait même déjà préparé notre discours si notre campement restait vide, ou peu utilisé. Et en fait, c’est autre chose qui s’est passé. On a été plein en
    quelques jours. Évidemment, la première raison d’y venir était
    simplement de pouvoir dormir à l’abri. Par la suite, c’est devenu
    un choix pour certain-exs personnes. Le confort du lit et la solidité
    des murs semblaient secondaires par rapport à la liberté éprouvée dans
    le lieu, à l’absence de contrôle, de réservation, à la possibilité de
    rester en journée ou de rester avec sa famille au complet, de se faire à
    manger à toute heure et de créer du lien. Ce campement qui semblait indignes sous certains aspects s’est révélé plus digne que d’autres hébergements.

    Là-dessus, on est quand même un peu fier-ère-xs. On ne va pas non
    plus tomber dans un romantisme stérile ni tenter de créer une lutte sexy pour nourrir l’imaginaire de nos camarades. Très sincèrement, ce n’était pas toujours facile. Héberger sur un terrain d’environ 600m2 (on est bien loin de notre fameux 43m2) 60 personnes , venant de cultures différentes, avec des vécus très différents (pour beaucoup d’entre elleux plutôt chaotiques) et n’ayant pas décidé de vivre ensemble…bon…c’est un gros morceau.

    On est arrivé avec nos idéaux autogestionnaires. Assez rapidement on nous a demandé plus de cadre. On a donc pris le rôle par moment d’une autorité qui nous déplait mais qui nous semblait importante
    à prendre puisque c’était une demande. Il y a eu des bagarres
    soft, des insultes un peu moins soft, mais franchement - par rapport à la
    situation, aux vécus, à la promiscuité, aux préjugés dont on est touxstes pétri.exs, à l’impossibilité de trouver une langue commune, à des murs en cartons (enfin des toiles de tentes), aux 2h de silence complet par nuit environ compte tenu des personnes ultra couche-tard et d’autres ultra lève-tôt, (sans compter les ronfleureuses), à l’absence de douche et aux 30 degrés à l’ombre…bref - nous sommes surpris.xes d’à quel point les choses se sont bien déroulées.

    Selon les dires de beaucoup d’usager-èrexs du lieu et ayant l’habitude d’autres hébergements, iels étaient étonné.exs de voir des gens de différentes communautés communiquer, tenter de collaborer, manger ensemble. Bon selon les dires d’autres mécontent.e.s, on était de mauvais.exs travailleureusxes sociaux qui ne savions pas mettre un cadre strict (ok, on le prend comme un compliment aussi).

    On continue à dire que les hébergements d’urgence ne sont pas une solution sur le long terme, encore moins tels qu’ils sont pensés par des institutions n’ayant aucune connaissance des problématiques de la rue (catégorisation, horaires, pas d’accueil de jour, séparation des
    familles…). Il faut une réflexion bien plus large sur le logement.

    Nous avons tenté de notre côté d’apporter déjà quelques réflexions et réponses à travers notre expérimentation et nous souhaitons continuer à le faire. La municipalité semble dire que nous ne sommes pas des partenaires sociaux fiables. Nous lui conseillons d’aller parler avec
    les usager-èrexs du lieu pour connaître notre fiabilité.

    Alors voilà, on lève le camp. Dès lundi prochain, ce seront à nouveau 60 personnes de plus dans les rues, en plus de tous les autres invisibles.
    On était un peu fier-èrexs de ce qu’on avait fait, mais on est
    tellement tristes et en colère de ne rien pouvoir proposer d’autres. En
    un mois, on a eu le temps de créer des liens forts et ça nous troue le
    bide de ne pas pouvoir faire plus.

    Ca nous met aussi en colère que ca soit encore nous qui portions la
    responsabilité de mettre des personnes à la rue pendant que les
    politiques dorment tranquillement dans leur villa. Nous allons retourner
    dans nos maisons collectives, roulottes, apparts et les croiser dans la rue. Nous allons garder des liens avec certain.exs. Trouver peut-être
    des solutions temporaires pour quelques personnes. Mais globalement, iels retournent à la rue avec cette phrase qui raisonne en nous « ce n’est pas la météo qui tue, c’est la rue ».

    Si vous avez des idées, même pour une personne, n’hésitez pas à nous
    écrire à 43m2@riseup.net
    Il y a aussi plusieurs personnes qui souhaite retourner en Bulgarie et
    nous souhaitons les y aider.
    N’hésitez pas à nous verser un petit don financier :
    https://43m2.ch/don.html
    Et si vous voulez venir, dès mardi 10h, nous aider à remettre les lieux
    en ordre, que vous avez un véhicule et des bras, welcome, très welcome.

    Merci

    43m2

Le collectif lève le camp, sans pour autant pouvoir offrir une solution aux personnes qui ont bénéficié du lieu. Les raisons de leur départ font écho à leurs premières revendications : le collectif dit avoir poussé aussi loin que possible son engagement, mais sans relai des institutions, le maintien de cette structure n’est pas possible. Les personnes qui y sont accueillies seront de retour à la rue, dès lundi.

Manque d’action politique

Interrogé, le collectif confie qu’avec la mise en place de cet hébergement, l’intention était de rendre visible et concret l’existence de ce besoin, dans le but d’obtenir ensuite du relai. La Municipalité et le Canton se renvoient la balle, et aucune réponse concrète n’est apportée au collectif qui déplore le manque de réactivité des autorités. Ce dernier avait envoyé aux politiques une invitation à les rencontrer et visiter le campement, à laquelle aucune réponse n’a été donnée jusqu’à présent.
“Encore une fois, nous ne demandons pas la lune, mais le respect de notre constitution. Un toit, c’est un droit fondamental. Pour seule réponse, nous n’obtenons que la promesse de discussion et une énième évaluation des besoins. Assez discuté, il faut agir, des personnes en dépendent.”
Une table ronde sera organisée fin août pour discuter de la politique du logement et du sans- abrisme. Des interpellations et questions urgentes ont déjà été déposées au Conseil communal et au Grand Conseil notamment concernant cette question.

Un bilan intermédiaire néanmoins positif

Repenser l’hébergement d’urgence ;
Le collectif 43m2 dit tirer un bilan positif de l’expérience vécue, en ayant démontré le besoin concret d’un accueil 24h/24 et inconditionnel. Le fait d’avoir un lieu où se reposer, discuter, cuisiner, dessiner en journée a été apprécié grandement par les bénéficiaires. Au final, un total d’à peu près 1540 nuitées ont été comptabilisées dans ce lieu, et encore plus de personnes y sont passées, notamment pour y rester en journée.
L’occupation du jardin de l’HETSL par le collectif a permis d’explorer de nouvelles manières de penser l’hébergement d’urgence. Déjà, la sortie du fonctionnement du système de réservation et/ou de priorisation de certaines personnes, ainsi que, par exemple, la possibilité pour les familles de pouvoir être accueillies sans être séparées.
Mais surtout, ce que le collectif souligne, c’est qu’un autre modèle de gouvernance est possible.
En effet, le camp fonctionne sur un modèle qui se veut le plus horizontal possible : les tâches gérées collectivement, les règles fixées ainsi que le cadre d’accueil ont été co-construits et sont souvent rediscutés lors de réunions collectives.

En fait, redonner la possibilité aux personnes de vivre à leur rythme, en utilisant les espaces communs quand elles le souhaitent - notamment la cuisine - c'est le premier pas vers leur autodétermination. On essaie le maximum d'éviter les rapports paternalistes et directifs aux quotidiens. Les personnes savent de quoi elles ont besoin et peuvent s'organiser collectivement. Une militante du collectif

Malgré la fermeture du lieu, le collectif confie qu’il ne va pas cesser son action militante, pour une politique du logement respectueuse des droits des personnes.
Des nouvelles actions de visibilisation de la question du sans-abrisme sont déjà en discussion. Affaire à suivre donc.

Pour les suivre :

Telegram : https://t.me/mouvement43m2 site internet : https://43m2.ch
pétition : https://chng.it/tRZyxxT8 contact public : 43m2@riseup.net contact presse : 078 797 58 98

CE N'EST PAS L'HIVER QUI TUE, C'EST LA RUE !

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