Les gars racistes occupent trop de sièges et leur soi-disant neutralité, hégémonique et blanche, est du côté du tueur. Qu’est-ce qui motive leur enquête ? Quel est l’angle privilégié ? Où est donc passée cette soit-disant neutralité suisse ? Est-il si difficile d’accepter, qu’en Suisse aussi, des policiers blancs tuent des hommes noirs ?
Dans cette affaire impliquant le meurtre d’un homme noir par un policier, la neutralité est difficile à trouver et la justice en est complice.
Nous ne sommes pas dupes : ce procès est politique. Il est le premier de trois procès de victimes noires. Ce procès est une bataille politico-médiatique menée dans le but de défendre l’Etat policier, et c’est toute la famille d’Hervé qui en fait les frais. Le coût d’une potentielle défaite est trop grand pour ceux qui représentent l’Etat, il est donc important de maîtriser le discours. Et c’est bien ce qu’ils font.
Aujourd’hui, pour la partie plaignante, la nuit semble avoir été longue et non sans peine. C’est pourtant confiante, un peu avant 9h, que la famille se dirige vers la salle d’audience. Cette fois, pas de caméra ni de photographe pour capturer la scène.
9h06
Le procès commence. Le procureur reprend les faits de la nuit du 5 au 6 novembre 2016, nuit du meurtre d’Hervé Bondembe Mandundu par le policier mis en accusation. Plusieurs incohérences sont alors mises en lumière sur la base de la version du voisinage qui ne corrobore pas celle des policiers.
Le procureur énonce plusieurs accusations à l’encontre de l’accusé pour meurtre. La proximité avec la victime lors des tirs ; la concertation avec les autres policiers et le déplacement du corps.
Proximité
Le procureur remet en doute la proximité de 1 mètre entre le policier et la victime lors des tirs. Selon son analyse des différentes pièces à conviction, ce policier n’aurait pas été aussi proche d’Hervé pendant les coups de feu. Il pense plutôt que ce dernier se dirigeait vers lui. Le policier devrait donc l’avoir vu arriver de loin.
La concertation
Le procureur rapporte, qu’après le meurtre, un voisin aurait vu les policiers sortir et prendre le temps de discuter avant d’appeler les secours.
Déplacement du corps
L’ambulancier présent sur la scène du crime et le médecin légiste ont témoigné que les policiers présents auraient déplacé le corps de la victime. Ils auraient, par la suite, partiellement essuyé le sang. Ces actions vont totalement à l’encontre de la procédure légale lors d’un quelconque crime. L’ambulancier aurait alors dit aux policiers : « Vous m’avez déçu ».
De plus, certaines contradictions ont été relevées :
Les policiers ont rapporté avoir entendu des bruits similaires à des coups de feu dans l’appartement d’Hervé mais les voisins réfutent avoir entendu de tels bruits.
Puis, les policiers ont dit avoir tiré deux fois. Mais le procureur a auditionné le mari de la concierge, qui soutient avoir bien entendu le policier tirer à trois reprises.
L’avocate de la défense, quant à elle, s’est alors basée sur ces éléments quelque peu bancals et sur des statistiques provenant des Etats-Unis. Peut-être n’avait-elle pas eu le temps d’y lire le taux élevé de meurtres policiers sur les hommes noirs.
Malgré toutes ces incohérences, le procureur demande l’acquittement du policier qui a tué Hervé Bondembe Mandundu en raison de l’hypothétique légitime défense. Alors qu’hier, la famille l’avait trouvé compatissant, elle a été très surprise, en ce deuxième jour, d’entendre ses conclusions, surtout après toutes les contradictions soulevées.
12h44
Fin du procès. C’est ainsi que le procès est écourté de moitié, malgré une affaire complexe et qui laisse, de fait, de nombreuses questions sans réponses. Le caporal devenu sergent sort du bâtiment la tête haute, passant à côté de la famille de la victime et de leur avocat. Ni les voisins, ni les policiers présents ce soir-là, n’auront été entendus lors du procès.
Nous en concluons que la Cour mise sur un enchaînement de détails arbitraires relatifs uniquement aux affects et aux témoignages de l’accusé du meurtre. A ce niveau, on ne comprend plus : qui est accusé de quoi ? La Cour occulte totalement toutes les incohérences des récits fantasmagoriques de l’accusé. S’appuyer sur ce qui pourrait mettre en cause la victime semble être privilégié : il s’agit, d’un côté, d’étudier et scruter la victime, et d’un autre côté, de faire de la rétention d’informations sur le passif policier. Des informations pourtant décisives pour un tel jugement. La justice refuse de voir l’affaire dans sa globalité. Nous attendons le verdict ce mercredi 31 mars 2021.
C’est avec cette appréhension qu’une partie de la fratrie a été trop affectée pour pouvoir être présente. Nous leur envoyons tout notre soutien. Leur soeur présente témoigne : « Mon frère s’occupait bien de nous. Il faisait tout pour qu’on ne manque de rien. Il nous donnait toujours des conseils sur la vie, il nous encourageait. »
La maman de l’enfant d’Hervé nous confie que l’existence même de ce procès lui avait donné de l’espoir. Elle y voyait de la compréhension de la part de la justice. Elle s’est toutefois sentie reléguée au statut d’étranger.e.s, d’africain.e.s, ce qui tend à nourrir son sentiment d’incertitude à ce que justice soit faite.
Elle a pris le temps de questionner son fils sur son ressenti face à la situation. Celui-ci est manifeste : les circonstances de la mort de son père lui apparaissent comme un puzzle auquel il manque une pièce.