Antifascisme - Extrême-droite Répression

Après #BaselNazifrei : une méga campagne afin de recueillir un demi-million pour les antifascistes accusé.e.s

“Lourdement endetté.e.s !” La campagne 500k poursuit l’objectif ambitieux de couvrir les coûts gigantesques des procès #BaselNazifrei (Bâle sans nazis). Le tribunal pénal de Bâle prononce actuellement des peines draconiennes contre les antifascistes. Rarement les autorités de répression ont tiré avec autant de véhémence sur la résistance antifasciste. Que s’est-il passé ? Qui est derrière tout cela ? Et comment pouvez-vous aussi faire preuve de solidarité ? Article d’Ajour Magasin traduit en français.

Bâle | Suisse |

Le 21 septembre 2020, la Cour pénale de Bâle a prononcé la première peine de prison ferme de la série de procès contre au moins 40 antifascistes : la militante condamnée sera emprisonnée pendant huit mois. Ceci malgré le fait que l’activiste condamnée n’a pas exercé de violence, même aux yeux de la cour. Mais elle faisait cependant partie d’une foule qui avait commencé la violence et elle était donc coupable de “trouble à l’ordre public” et de “participation passive à la violence et aux menaces contre les autorités”. De plus, l’antifasciste ne s’est pas distanciée de la manifestation, mais l’a justifiée ainsi que la nécessité d’un “mouvement révolutionnaire”. Elle a critiqué les lois comme étant des “lois de la classe dirigeante”. Cette attitude politique a certainement joué un rôle dans le jugement porté. Le juge du PS René Ernst l’a même déclaré ouvertement. Au vu des circonstances, c’est très surprenant, étant donné que la manifestation #BaselNazifrei en novembre 2018 avait pour but d’empêcher la propagation des idées fascistes et nazies. La cinquantaine de participants au rassemblement du PNOS ont crié des slogans antisémites. Presque toutes les personnes présentes sont des nazis connus ayant de bons réseaux avec la scène d’extrême droite. Ils avaient reçu un permis de la police pour leur rassemblement. Ce n’est pas le cas du Juso (Jeunes socialistes) de Bâle, qui voulaient qu’un contre-rassemblement se tienne au même endroit et obtenir l’autorisation. Mais finalement, les flics amenés de plusieurs cantons ne se sont pas contentés de protéger les nazis. Ils ont plutôt affronté les opposant.e.s aux nazis par la force brute - l’utilisation de grenaille de balles en caoutchouc, les grenadiers ne se souciaient pas des distances minimales, ont causé plusieurs blessures et dans certains cas ont laissé des lésions oculaires permanentes.

Malgré une présence policière massive, le rassemblement nazi a été acculé dans un coin sombre.

Préjudices par des déclarations publiques

Depuis des semaines, le comportement du juge René Ernst fait l’objet de discussions intensives à Bâle. Dans une interview accordée au Basler Zeitung, un journal de droite, il a défendu le verdict sévère du 21 septembre. Cela a suscité l’indignation des accusés, de la politique mais surtout des avocats. Dans une réponse, plusieurs avocats des militant.e.s accusé.e.s ont même demandé un transfert vers un tribunal extra-cantonal impartial. “Les avocats de la défense choisissent rarement de rendre public leur dossier, car le risque de préjudices est élevé. Nous n’intervenons que si le jugement préalable est déjà en cours”, ont expliqué les avocats dans leur décision.

Dans son interview au Basler Zeitung, le juge René Ernst évalue la contre-manifestation dans son ensemble. Les avocats ont ajouté que cela était en contradiction flagrante avec le principe de la présomption d’innocence. Et lorsqu’on lui pose la question, l’avocate Eva Schürmann explique : “Lorsqu’un article paru dans Schweiz Aktuell disait que l’entretien avait été organisé avec les autres présidents du tribunal, il était clair que tout le tribunal était derrière cette procédure et ces déclarations. C’est pourquoi certaines avocates de la défense ont demandé un retrait. Ces procédures sont toujours en cours”.

Pas de repos pour la justice de classe - Rassemblement de solidarité devant le tribunal

D’un point de vue juridique, on peut certainement observer une augmentation de la répression à Bâle : “Cela vaut non seulement pour le niveau de la peine, mais aussi pour le déroulement de la procédure elle-même. A Bâle, par exemple, cela se traduit par l’imposition de la détention préventive et de mesures coercitives ou par la manière dont les mineurs sont poursuivis”, a poursuivi l’avocat. D’autres observateurs sont arrivés à des conclusions similaires. Par exemple, l’ancien président de la cour de Bâle, Peter Albrecht. Il estime que la peine de huit mois de prison sans sursis est “très élevée”. Après tout, on ne peut généralement pas supposer qu’il existe un danger de récidive simplement à cause des opinions politiques. En outre, la liberté d’opinion et de réunion s’applique. Cela donne une image d’intimidation officiellement décrétée contre un mouvement de gauche. Selon M. Schürmann, il est unique qu’une telle approche répressive soit adoptée dans une manifestation dirigée contre une marche nazie, dans laquelle les contre-manifestant.e.s ont commis des actes relativement inoffensifs :

“Je n’ai connaissance d’aucun procès dans lequel des peines comparativement élevées ont été exigées et imposées”

. Il est remarquable de constater, outre l’emprisonnement sans condition pour simple participation, le nombre élevé de condamnations avec sursis et les très longues périodes de probation, souvent de quatre ans.

Le contexte menaçant du ministère public et du tribunal

Le ministère public de Bâle ne cache pas son projet. Il exige des sanctions draconiennes, même pour des délits mineurs. Le 21 octobre, le procureur Camilo Cabrera, qui avait déjà attiré l’attention en tant que partisan de la ligne dure et avec des déclarations douteuses lors des procès de Bâle 18, a exigé l’absurde, cinq ans d’expulsion et 17 mois d’emprisonnement avec sursis pour un accusé antifasciste. S’il avait été condamné, il aurait été menacé d’être expulsé vers la Turquie, où il est persécuté par le régime Erdogan en raison de ses prises de position politiques. En fin de compte, la peine a été plus légère : neuf mois conditionnels et pas d’expulsion. Néanmoins, les condamnations antérieures sont toutes d’une sévérité considérable - surtout si l’on tient compte le fait qu’une foule hétéroclite s’est opposée à un groupe de néo-nazis connus. Selon M. Schürmann, un total de 60 procès ont été programmés, bien qu’il soit difficile d’en donner un nombre exact, car les procès sont généralement menés individuellement.

Grande solidarité - Plus de 300 personnes ont participé à un manifestation spontanée après une condamnation, 21.09.2020

Bruno (nom modifié) est l’un des nombreux accusés. Et il parle d’un contexte menaçant mis en place par les autorités : “Il semble y avoir un véritable accord entre le ministère public et le tribunal. D’abord les perquisitions matinales, puis la menace de détention préventive, le pilori de l’internet et maintenant les peines élevées et les sévères sentences. Tout cela fait partie de la même stratégie”.

Le message est clair : “Si vous descendez dans les rues de Bâle en dehors des circuits agréés, c’est hautement criminel”.

L’avocat Schürmann est d’accord : “L’intensification de la répression est plus que délicate. Par-dessus tout, les faits de trouble à l’ordre public, la violence et les menaces contre les fonctionnaires jouent un rôle important. Ils ont été créés pour pallier les difficultés à apporter des preuves et sont très problématiques d’un point de vue juridique”. De tels paragraphes créeraient la base permettant de justifier des condamnations par la simple présence à une manifestation. Schürmann : “Cela peut conduire à une justice de condamnation. #BaselNazifrei est un bon exemple pour montrer comment de telles infractions sont utilisées : à savoir intimider un mouvement politique avec des moyens légaux”.

Pas d’image symbolique : les autorités répressives de Bâle traquent les antifascistes.

“L’extrémisme de gauche” en point de mire

L’attention des autorités n’est pas surprenante et se reflète, par exemple, chaque année dans les “rapports de sécurité” du Service fédéral de renseignement (SFR). Dans le rapport “Sécurité Suisse 2020” récemment publié, l’extrémisme de droite et l’extrémisme de gauche sont traités dans la même section, conformément à la célèbre théorie du fer à cheval. La théorie du fer à cheval établit des similitudes entre l’extrémisme de droite et la politique de gauche radicale et considère les deux comme des écarts par rapport au centre raisonnable. Compte tenu des fantasmes de violence et d’extermination inhérents aux idéologies de droite, de telles analyses sont non seulement stupides mais aussi dangereuses. Actuellement, les services secrets le voient de cette façon : le danger de l’extrême gauche est basé sur leurs activités dans les mouvements de masse. La scène d’extrême droite, en revanche, “utilise actuellement la violence avec retenue”, selon la maigre analyse du SFR, qui dans la même section évoque assez calmement la “disponibilité d’armes fonctionnelles” dans les milieux de droite. Sur fond de publications récentes sur la participation des néonazis suisses à la guerre d’Ukraine et sur leur mise en réseau à l’échelle européenne, cette analyse fait probablement grincer des dents et pas seulement dans les milieux de gauche. Entièrement conforme au récit de l’auteur unique, longtemps réfuté, le rapport du SFR conclut en outre :

“Le plus grand risque d’une attaque à motivation d’extrême droite en Suisse émane de personnes agissant seules avec des sentiments d’extrême droite, mais sans affiliation ferme à des groupes extrémistes violents établis”.

En ce qui concerne les violences d’extrême droite et racistes de ces dernières années, ces analyses sont une pure moquerie. En termes de répression, cependant, ils montrent la direction de la répression : les extrémistes de droite sont des auteurs individuels, tandis que les gauchistes agissent collectivement et doivent être persécuté.e.s en conséquence. Les procès de Bâle suivent également cette ligne d’approche.

500’000 francs contre la répression

Les procès soulèvent une variété de questions, mais mobilisent également à l’échelle nationale pour la solidarité antifasciste - par exemple à travers la campagne 500k ou le Bloc Gris de Bâle.

Tous les modes de paiement courants sont acceptés : www.500k.ch

Le 24 novembre 2019, exactement un an après la manifestation de Bâle-Nazifrei, un groupe s’est fait connaître par une action inhabituelle. Une soixantaine de militant.e.s, principalement âgé.e.s, se sont rassemblé.e.s devant le poste de police de la Claraplatz à Bâle. Les militant.e.s y ont volontairement déposé leurs données personnelles et ont déclaré que tous et toutes avaient également participé à la manifestation de Bâle-Nazifrei. Les “vieux sacs” se sont appelés Grauer Block. Le Bloc Gris se réunit régulièrement depuis lors et fait partie de l’alliance Bâle sans nazis et sont également présent.e.s aux procès en cours. L’une des participantes était alors Astrid (nom modifié), 56 ans, co-fondatrice du Bloc Gris. Elle dit :

“Bien sûr, nous ne nous sommes pas dénoncé.e.s, mais avons déclaré au public que nous considérons comme notre devoir de citoyen.ne.s de descendre dans la rue contre le fascisme et les nazis. Nous avons donc dit : nous étions là aussi”.

L’action organisée à l’occasion de l’anniversaire de la manifestation s’est concentrée sur la répression qui a suivi la contre-mobilisation : "Les enquêtes n’ont été menées que contre les jeunes militant.e.s, c’est-à-dire ceux qui pouvaient encore être actifs pendant de nombreuses années. Les jeunes ont été mis au pilori sur Internet dans le but de les intimider et de les museler. Mais Astrid voit aussi une chance dans l’action du ministère public :

“La répression fait aussi de l’antifascisme un sujet d’actualité. Et cela donne une impulsion aux activités antifa. Il existe un nouveau réseau entre les générations et les régions Pour parler franchement : le ministère public obtient le contraire de ce qu’il veut.”

Faites un don par SMS : SOLI “montant” au 488. ou sur www.500k.ch

Bruno est également d’accord avec cela. Il est impressionné par le large soutien qu’il reçoit : “C’est certainement une évolution qu’ils ne trouvent pas formidable. Beaucoup de gens ne font que secouer la tête lors des procès. Il est tout simplement légitime de descendre dans la rue contre les nazis - nous n’avons pas besoin de permis pour cela”.

C’est exactement ce que la campagne 500k a mobilisé récemment. Elle veut collecter pas moins de 500’000 francs suisses pour couvrir les frais des procès. La campagne est une association d’activistes antifascistes et comporte trois piliers, comme l’explique une porte-parole pour le magazine Ajour : financer, informer, activer. On veut ainsi contrer la stratégie dissuasive des autorités collectivement et aussi se mobiliser pour des questions antifascistes au-delà des processus.

“Le message est clair : Hé, cela se passe en ce moment même, dans un contexte global et cela nous concerne aussi”, dit-elle au téléphone. Une campagne de dons de cette ampleur est une nouvelle expérience pour tous. Mais l’infrastructure et le personnel sont bien préparés. Et : "Malgré le Corona, nous avons déjà construit une bonne base. Mais nous navons pas encore le demi-million. Il devrait être possible d’estimer dans quelques mois au plus tard quand cela se produira et quelle sera l’ampleur de la mobilisation de la campagne :

“Le facteur décisif sera de savoir si nous parviendrons, avec cette campagne, à obtenir de larges cercles de solidarité avec les accusé.e.s. et donc avec la résistance antifasciste en tant que telle”.

Mais il est déjà clair que la collecte de fonds doit se poursuivre car déjà les coûts de la répression en rapport avec Bâle sans nazis augmentent constamment. Le ministère public de Bâle a récemment commencé à poursuivre les participants aux rassemblements de solidarité pour les accusé.e.s qui ont été traduit.e.s en justice. Ces derniers jours, des procédures préliminaires ont été engagées contre plusieurs de ces plaideurs solidaires. Pour “violence et menaces à l’encontre de fonctionnaires” (une bouteille s’était envoyée quelque part). Ou pour “coercition” (le trafic avait été bloqué).

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