Luttes indépendantistes - impérialisme Palestine

Communiqué, discours et photos de la manifestation “Stop au génocide à Gaza” du 10 février

Communiqué de BDS Genève sur la manifestation du 10 février 2024.

Nous étions plus de 3’000 dans les rues de Genève samedi 10 février 2024. Nous avons profité du parcours pour interpeller les représentations diplomatiques d’Allemagne et du Canada qui vraisemblablement tiennent à répéter l’histoire au vu de leur complicité dans le génocide du peuple palestinien actuellement mais aussi en considérant leur passé avec la Shoa et le génocide des population indigènes respectivement.

Nous voulons remercier toutes les personnes qui continuent de se mobiliser et qui ne lâchent rien alors que les crimes du régime israélien ne cessent d’augmenter. Nous tenons à remercier particulièrement tous les camarades qui ont donné les discours sur le Soudan, le Congo, la Bosnie et les voix juives antisionistes de Tsédek ! et qui montrent l’importance de l’intersectionnalité des luttes. Les différents peuples en lutte contre le génocide, l’impérialisme, le racisme et le colonialisme ont tout intérêt à développer la solidarité internationale afin de faire tomber les régimes criminels.

Les oppresseurs sont plus unis que jamais et les oppressions sont plus intersectionnelles que jamais. BDS s’inscrit dans un paradigme moderne de résistance et de solidarité mondialisées face aux dangers croissants des tendances d’extrême droite dans le monde.

Israël est devenu un modèle pour les dirigeants d’extrême droite, xénophobes ou autoritaires du monde entier, ce qui a entraîné une nouvelle baisse de sa popularité. En revanche, le mouvement BDS est de plus en plus reconnu comme un partenaire important dans la vague progressiste internationale qui lutte pour la justice indigène, raciale, économique, sociale et climatique contre les forces du fascisme, de la xénophobie et du néolibéralisme sauvage qui ont produit des richesses massives pour un nombre relativement restreint d’individus, d’entreprises multinationales et de banques.

Nous publions ici les discours de la manifestation. Malheureusement le discours pour le Soudan était en arabe et uniquement à l’oral. Nous n’avons donc pas pu le retranscrire. Photos de Pecorini.ch

Discours de la camarade congolaise Marie-Belle Kambila :

« Je viens d’un des pays les plus riches de la planète. Pourtant, le peuple de mon pays est l’un des plus pauvres de la planète ». Ces mots ont été prononcés le 10 décembre 2018 à Oslo, par le Dr Dénis Mukwege, lors de son acceptation du prix Nobel de la paix.

Il y dit également : " C’est avec humilité que je me présente à vous portant haut la voix des victimes des violences sexuelles dans les conflits armés et les espoirs de mes compatriotes."

Permettez-moi de reprendre ses mots à mon compte. Et de remercier le mouvement BDS de me donner l’occasion de partager avec vous les épreuves douloureuses que le peuple congolais subit depuis tant d’années. La souffrance des congolaises et congolais pourrait se traduire par quelques chiffres :

  • Plus de 10 millions de morts
  • 7 millions de personnes déplacées
  • Plus de 25’000 femmes victimes de violences sexuelles
  • L’UNICEF et ses partenaires estiment que dans la seule région du Kasaï, entre 5.000 et 10.000 enfants ont été associés aux milices.
  • Des enfants soldats ont été et sont encore utilisés dans les conflits en cours dans le pays !
  • Quelque 40 000 enfants travailleraient toujours dans les mines, dans des conditions particulièrement périlleuses, spécialement à Kolwezi.
  • Le taux d’analphabétisme du Congo est élevé à l’instar de beaucoup de pays africains, il est estimé à 30,3 %, dont 17,5 % pour les hommes et 42,8 % pour les femmes.
  • D’après les estimations, 19 000 femmes meurent chaque année en RDC de causes liées à la maternité. Le risque de décès maternel au cours d’une vie étant de 1 sur 24 . Aussi, un enfant sur 35 décède à la naissance. Parmi les raisons qui expliquent ce taux de mortalité élevée à l’accouchement figure le manque de moyens financiers des familles.
  • Le revenu mensuel moyen par habitant au Congo s’élève à 49 $, soit 590 $ par habitant et par an. En 2022, environ 62 % de la population du pays — soit 60 millions de personnes — vivait avec moins de 2,15 dollars par jour.

Le Congo est déterminé, selon certains experts, comme “... Un excellent exemple de la manière dont le colonialisme économique s’est imposé historiquement et comment il fonctionne encore aujourd’hui”. Quels sont les acteurs de ce “colonialisme économique” ? Le décor du pillage des ressources en République Démocratique du Congo commence à être planté il y a fort longtemps, le “colonialisme économique actuelle ...reprend la même dynamique d’exploitation des ressources qu’à l’époque où le pays était une colonie belge”. En ce temps déjà la population ne bénéficiait qu’à la marge de l’argent de ses ressources, tandis que les groupes étrangers exfiltraient les bénéfices. S’en est suivi des siècles d’exploitations, jusqu’à nos temps modernes ! Un pressurage qui atteint des summums dans les années 90.

Depuis trois décennies les congolais et congolaises perdent la vie dûe à des conflits provoqués par l’avidité de beaucoup. Les terroristes du M23 sont appuyés par des unités du Rwanda, massacrent les populations congolaises et pillent ses ressources. Cobalt, or, diamant, coltan, fait la prospérité de certains et non pas de la majorité des congolais et des congolaises ! Un génocide est en cours dans un silence assourdissant...

Des crimes dénoncés par les plus hautes instances internationales, ainsi que par les organisations non gouvernementales sur le terrain. Des ONG dont les membres sont emprisonnés sans autres formes de procès. A qui profite le crime ? Au géant suisse des matières premières Glencore spécialisé dans le cobalt congolais. A l’industrie de la tech, Apple, Tesla et Microsoft qui ont tous besoin de minéraux extraits de République Démocratique du Congo pour fabriquer leurs produits. On pourrait s’attendre à ce que ces experts de la surveillance technologique soient capables de savoir tout ce que font leurs sous-traitants. Le Congo prévoit bien de taxer les profits de ces groupes, mais les succursales locales de ces entreprises sont structurées de manière à perdre de l’argent et ainsi à échapper aux impositions, avec la complicité de responsables politiques, d’industries et de certaines collectivités locales.

Des hommes d’affaires comme le sulfureux milliardaire israélien Dan
Gertler obtiennent des concessions de manière opaque et à la hâte pour l’exploitation de mines de cobalt ou de cuivre, soutenu par Washington et la communauté européenne ! Qui fait fi des demandes incessantes des membres d’organisations de la société civile congolaises et internationales. Qui, font part de leurs profondes inquiétudes en ce qui concerne la situation au Congo, en demandant des actions immédiates. Prendre des mesures concrètes et efficaces « ... contre ceux qui privent les citoyens congolais des moyens nécessaires pour reconstruire leur pays ».

De quelle manière pouvons-nous tous agir ?!
Dans un premier temps en se renseignant sur ce qui se passe actuellement au Congo, les sources sont nombreuses ! En soutenant des organisations qui défendent la sécurité et la dignité des congolais et congolaises. En agissant directement de son pouvoir de consommateur ! En portant une attention particulière à la provenance de ses objets technologiques et en mettant la pression sur les politiques en exigeant des mesures strictes pour des industries responsables ! En votant en faveur de ces initiatives !

Ces actions concrètes peuvent être des leviers d’émancipations du peuple congolais, prêt à se défaire de ses infidèles et de ses bourreaux. Un peuple qui exige aujourd’hui qu’on le libère de son oppression !

Discours d’une camarade de Solidarité Bosnie et de la Commission brassards blancs :

Le 12 janvier, la Cour de Justice Internationale. 
La défense israélienne a invoqué la jurisprudence de la Cour dans le cas de la Bosnie-Herzégovine. 
L’argument était de dire qu’aucune mesure conservatoire ne devait être prise car à l’époque, il y a 30 ans, la Cour n’en avait pas prise dans le cas de la Bosnie. C’était en 1993, j’avais 1 an. À ma naissance, ma mère avait été laissée pour morte, à se vider de son sang parce qu’elle était musulmane. Dans ma ville, les populations musulmanes & catholiques devaient déjà porter des brassards blancs parce qu’ils n’étaient pas serbes, à poser des draps blancs à leurs fenêtres. La famille de ma mère s’est retrouvée dans des camps, la plupart de mes cousins ont fêté leur premier anniversaire dans des camps de concentration.

Aujourd’hui, j’ai 31 ans, je cherche encore des cadavres de certains de mes oncles. 
La justice n’a pas été faite dans le cas bosniaque. La guerre a continué, le blocus de Sarajevo qui a été connu comme l’un des plus longs sièges de l’histoire moderne. Ensuite, Srebrenica. Srebrenica, c’est une enclave protégée par les casques bleus de l’ONU. Srebrenica, c’est une population qui allait se réfugier pensant qu’elle était à l’abri. Srebrenica, c’est 8’000 hommes qui ont été massacrés en quelques jours. Srebrenica, c’est Rafah demain. L’armée se prépare à aller sur Rafah. On le sait. À l’époque, on avait des vidéos, on les a vu entrer. Aujourd’hui, on a nos portables, on voit ce qui se passe. Chacun de vous pendant deux jours a cherché la petite Hind. On a vu des cadavres d’enfants, on a vu des lambeaux de chair, on a vu des snipers tirer sur des moutons. On a vu tout ça. On voit tout ça. Et demain. Demain, si on ne fait rien, s’il n’y a pas de cessez-le-feu, ce sera trop tard. Ce n’est pas parce qu’on le voit que ça ne va pas arriver. 
Et je vais ajouter autre chose : qualifier ce qui se passe à Gaza d’acte génocidaire, parler d’intention génocidaire quand on parle de Gaza, ce n’est pas relativiser l’Holocauste. À l’inverse. C’est au contraire faire honneur et hommage à l’héritage de l’Holocauste. C’est appeler à ce que tous les outils…qui ont été mis en place par les organisations internationales, par nos propres gouvernements soient appliqués.

On le sait. Parler de génocide à Gaza ce n’est pas relativiser l’Holocauste. C’est lever la voix contre une parole fasciste. À nos États, aux instances internationales, regardez, je vous appelle à regarder : si les enfants de Gaza ne vous importent pas, si les Palestiniens ne sont pas importants, pensez un instant à ce que vous faites à votre jeunesse, à ma génération, aux générations qui viennent. Parce que pendant 75 ans, on a cru à un ordre mondial et à un système où les valeurs universelles des droits de l’Homme valaient quelque chose. On se battait pour ça. Aujourd’hui, vous nous apprenez en quelques mois, vous nous avez appris qu’on ne pouvait même pas se raccrocher à nos faux-semblants. Vous êtes en train de nous apprendre que les droits de l’Homme, l’universalité des droits de l’Homme n’est valable que dans la mesure où elle respecte vos intérêts Étatiques. Prenez conscience de ce que vous faites. C’est l’histoire que vous écrivez et demain vous répondrez de ça.


J’ai un dernier message pour mes amis palestiniens et peut-être pour tous les palestiniens de manière générale. En discutant avec certains d’entre eux, je pense vraiment qu’il y a quelque chose de très profond qui s’instaure quand nos peuples, quand on a été victime dans sa chair d’une discrimination pour ce qu’on est. C’est quelque chose, qu’heureusement, quand on ne vit pas on ne peut pas comprendre. C’est un message, et là je parle au nom de la communauté bosniaque, à mes amis palestiniens et à vous palestiniens s’il y en a devant moi. On est vraiment de tout coeur avec vous et votre souffrance fait écho, ne serait-ce qu’un fragment d’elle en nous. 
Et j’aimerais, si vous m’autorisez encore quelques instants vous lire quelques vers d’un très cher ami à moi Mehmeros Merovic, un jeune poète bosniaque. Les vers que je vais vous lire, il les a écrit en pensant à ma ville en Bosnie, mais aujourd’hui c’est la Bosnie qui dédie ces vers à la Palestine :


« Je pars et jamais je ne reviendrai. Gardez tout ce que vous voulez de moi. Prenez ma liberté. Prenez ma vie. Je vais tout dire à Dieu. Moi je pars de ce monde sans aucun masque. Et vous. Vous, vous cachez vos visages sous des masques. Je n’ai pas peur, je n’ai pas mal de mon départ. Ce qui me fait mal, c’est votre injustice. Je ne pleure même pas parce que vous m’avez fait mourrir de faim. Je pleure parce que j’ai pitié de vous. En vous, il n’y a rien d’humain. Ma tombe, c’est un Océan. Et si quelqu’un me trouve, il me trouvera. Mais en vous, ce n’est que mensonges. En vous, ce n’est que fausse promesse et espoirs mensongers. Mensongère sera ma mort car en vous il n’y a rien d’humain. Et je vais tout dire à Dieu. »

Discours du camarade de Tsédek ! collectif juif antisioniste et décolonial :

Bonjour à toutes et à tous,
Je prends ici la parole en tant que membre de Tsedek, organisation juive decolonial et antiraciste française.

Nous sommes une fois de plus réunis devant le siège des Nations Unies pour réclamer la fin du génocide et un cessez-le-feu immédiat à Gaza, attendant toujours un sursaut de la communauté internationale alors que la situation s’aggrave encore.

Non seulement près de 30 000 personnes ont été tuées, mais Netanyahu évoque dorénavant publiquement sa volonté d’expulser définitivement 1 millions et demi de Palestiniens à Rafah, ville dans laquelle plus de la moitié des gazaouis sont entassés.

La cruauté du gouvernement d’extrême-droite de Netanyahu semble ne pas avoir de limite alors que cette même ville de Rafah subit actuellement une offensive totalement aveugle de Tsahal qui vise uniquement à faire fuir les civils et continuer l’anéantissement de Gaza.

En tant que militants juives et juifs antiracistes, il s’agit pour nous de perpétuer notre mémoire et de faire de la phrase “plus jamais” ça une ligne de conduite là où la dignité humaine est bafouée.

Aujourd’hui refusons que notre mémoire soit salie pour justifier la terreur
Commémorer notre histoire, celle des victimes des génocides dus au colonialisme, des génocides rwandais, arméniens ou bosniaques et des victimes des crimes de guerre et du fascisme en manière générale a un sens. La Shoah possède incontestablement ses spécificités de par l’ingénierie industrielle de l’extermination des juifs et le mariage morbide de la barbarie et de la rationalité moderne. Il n’est de toute façon pas question de comparer l’horreur, de la hiérarchiser et encore moins de la mettre en compétition. Mais d’en analyser les faits, les causes et les conséquences, afin d’en décrypter les aspects structurels.

Le cas de la Palestine nous rappelle encore une fois à quel point les grandes puissances sont incapables de prendre des décisions à la hauteur de l’histoire.
Plus que de la lâcheté, il s’agit dans le cas français d’une complicité à peine masqué avec le régime d’apartheid.

Toutes les grandes puissances occidentales se sont fondés sur le colonialisme, le pillage des ressources, le genocide des indigènes, l’enlèvement d’enfants
Au contraire, des pays ayant subi le colonialisme tel que l’Irlande, et l’Afrique du Sud donnent une véritable leçon de dignité face aux instances de la communauté internationale. C’est majoritairement le Sud global qui prend ses responsabilités !

L’apartheid et le processus de colonisation est documenté par toutes les grandes ONG. Cela n’a que trop duré !

Non, il ne s’agit pas d’un conflit opposant le Hamas à Israël, mais d’une guerre coloniale qui vire au génocide et n’a pas commencé le 7 octobre mais dure depuis maintenant 75 ans sur l’ensemble du Territoire palestinien. La solidarité internationale dont nous faisons preuve ici doit nous pousser à nous positionner et à ne pas oublier l’ensemble des minorités et des peuples actuellement opprimés de par le monde.

Nous pensons notamment au Congo, dont les suites du terrible génocide des Tutsis de 1994 soutenu par la France au Rwanda se répercute actuellement dans l’Est du pays à travers une guerre civile épouvantable qui en trente ans a tué des millions de personnes sous fond de pillages des minerais et de travail des enfants.

Nous pensons au Soudan, et notamment les populations du Darfour de nouveau sous la menace des milices descendantes janjawids et qui après avoir été massacré par le régime El Bachir se retrouvent aujourd’hui tenue en joue par la guerre civile qui oppose deux généraux contre-révolutionnaires.

Nous pensons aux victimes de l’islamophobie qu’elles soient ouïgours, Rohingyas, ou en Inde dans une situation pré-pogromiste soutenu par le premier ministre fasciste Modi.

Nous pensons à la quasi totalité des arméniens déplacés de force dans le Haut-Karabakh. Aux kurdes qui subissent des bombardements incessants de la Turquie au Rojava et des exécutions sommaires en Iran.

Nous pensons à tous les peuples en lutte et aux victimes du racisme et de la guerre en général.

La question palestinienne est centrale pour l’internationalisme, elle regroupe actuellement ces éléments et sa libération devra constituer le renouveau d’un front pour la justice sociale partout sur l’ensemble du globe.

Vive la Palestine, Vive le peuple palestinien, solidarité avec les peuples en lutte !

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