Antiracisme - Luttes décoloniales Police Violences policières

Compte rendu de la manif justice 4 Nzoy à Lausanne

Hier, cela faisait exactement trois ans que Nzoy avait été tué à Morges, victime d’un crime policier raciste qui reste à ce jour impuni. À cette occasion, 400 personnes se sont rassemblées dans les rues de Zurich, et aujourd’hui, le samedi 31 août, nous étions plus de 600 personnes à Lausanne. Ce communiqué concerne en premier lieu la manifestation
lausannoise.

Lausanne |

Le 10 octobre 2023, après avoir déjà baladé les proches de Nzoy pendant près de deux ans et demi, le ministère public vaudois (MP), incarné dans cette affaire par le procureur Laurent Maye, annonçait son intention de classer la procédure concernant d’une part l’homicide en tant que tel mais également l’omission de porter secours à la victime. Il précisait donner un mois aux différentes parties pour fournir de nouveaux éléments, sans quoi le classement serait prononcé.

Le 10 novembre 2023, les proches de Nzoy et la commission d’enquête indépendante qui suit l’affaire avec elleux, firent parvenir au MP un rapport et une vidéo réalisés à partir de pièces du dossier démontrant l’omission de porter secours dont se sont rendus coupables les policiers de manière extrêmement percutante. Le même jour ces documents furent également présentés à la presse.

On attend depuis que le Ministère public se prononce sur la suite de la procédure.

C’est dans ce contexte, celui d’une enquête bâclée, d’une procédure qui n’avance pas, confiée à un procureur proche de la retraite qui s’est illustré par sa partialité et par la violence de ses propos dans le cas de Mike Ben Peter, que nous nous sommes rassemblé.es ce samedi.

La manifestation a démarré Place de la Gare avec deux discours. La Coordination romande Justice 4 Nzoy a rappelé le lien entre cette affaire et celles de Hervé, Mike et Lamin.

Le collectif Afro-Swiss qui soutient les personnes afrodescendantes, notamment lors de plaintes pour discrimination raciale, a ensuite pris la parole pour dénoncer le racisme du système judiciaire : "quoi qu’il en soit, que l’on veuille ou non, le racisme
systémique existe en Suisse dans la police, dans le système judiciaire. La Suisse a d’ailleurs été condamnée en février 2024 par la Cour européenne des droits de l’homme pour profilage racial."

Le cortège s’est ensuite élancé dans la rue du Petit-Chêne en scandant des slogans et les noms de ceux qui ont perdu la vie entre les mains de la police vaudoise ces dernières années.

Nous nous sommes ensuite arrêtés sur la Place Saint-François où Outrage collectif, le Bündnis Justice 4 Nzoy Zurich et le collectif genevois le Silure ont pris la parole.

Le Bündnis s’est exprimé sur la souffrance des proches et a souligné combien celle-ci était ignorée par la société : “Dans le système capitaliste, aucune pause n’est prévue. On ne peut pas s’absenter du travail [...] Un mois ne suffit pas pour combler le vide que le meurtre que Nzoy a laissé”. La solidarité, les proches de Nzoy l’ont trouvée dans la lutte collective : “Tandis que l’Etat et la police dispose de ressources illimitées, nous nous sommes auto-organisé.es”.

Outrage nous a rappelé l’importance de notre présence, dans les rues pour se rappeler de la vie de Nzoy car “qui fait vivre sa mémoire ? C’est noux, ici et maintenant et touxtes les personnes qui font vivre son souvenir !”. Le Silure a cité Farid El Yamni, dont le frère Wissam a été tué par la police en 2012 à Clermont-Ferrand. Lors d’un discours, il disait qu’il ressentait du dégoût pour les policiers, mais qu’il avait encore plus de rage contre les magistrats qui avaient mis des bâtons dans les roues de l’enquête. Il disait que la mise à mort de son frère avait duré quelques heures, mais qu’ensuite la violence des magistrats s’était étalée sur des années. Le collectif a souligné qu’on assiste à la même chose aujourd’hui dans le canton de Vaud.

Le cortège s’est ensuite dirigé vers la place du 14 juin où le collectif Kiboko et le collectif zurichois Organisiert Autonomie ont pris la parole. Organisiert Autonomie, membre du Bündnis, nous a enjoint à prendre nos responsabilités face au racisme quotidien “que nous soyons nous-mêmes victimes de racisme ou non : nous ne détournons pas le regard, mais nous intervenons lorsque nos collègues de travail, nos voisins, nos amis sont harcelés par les flics.”

Kiboko, qui est engagé auprès des proches de Mike Ben Peter, a rappelé comment s’est déroulé le procès des policiers responsables de sa mort :"Noyer le poisson, ou tuer un homme, pour eux il n’y a pas de différence, l’essentiel c’est de faire en sorte que l’ordre public blanc ne soit pas égratigné, et surtout, qu’on ne crée pas de précédent qui prendrait force de jurisprudence. Face à cette institution, l’avocat de
la famille de Mike a amené des expertises médico-légales supplémentaires, a démontré l’implication du racisme systémique dans les événements qui lui ont coûté la vie, a fait témoigner des personnes qui ont raconté avoir entendu les cris de souffrance de Mike depuis chez eux, fenêtres fermées. Le juge n’a rien voulu entendre.“La manifestation a ensuite traversé la place de la Palud puis s’est arrêtée sous le pont Bessières où une grande banderole avait été déployée”Tué par la police, enterré par la justice“avec le portrait de Nzoy. S’en est suivi la lecture d’une lettre écrite à Nzoy par sa soeur à l’occasion de la manifestation. À propos du procès pour Mike et des conclusions qu’elle en tire elle raconte ceci : ”J’étais à l’audience de
jugement de Mike Ben Peter. Il y avait les mêmes protagonistes dans la partie adverse que pour nous. L’avocate qui représente ton meurtrier était là, le procureur aussi. Honnêtement, cela m’a découragée et je suis convaincue que nous n’obtiendrons pas justice pour toi de cet État, dans ce canton. Ils vont te tuer encore et encore, comme ils l’ont fait jusqu’à présent, et nous devrons les regarder faire. Ils vont te déshumaniser, ils vont te faire passer pour un criminel. Dans d’autres
cas, cela se passe de la même manière. Il est naïf de penser qu’il en sera autrement pour nous. C’est le système qui veut ça. Le système est comme ça. Le système protège la police. Nous devons trouver d’autres moyens de lutter pour que justice soit faite. C’est pourquoi nous sommes ici dans la rue aujourd’hui, levant le poing en l’air et criant avec douleur et colère : Justice4Nzoy. Comme tu me l’as dit un jour, certains combats se passent dans la rue. Nous allons continuer à nous battre.
Dans la rue !"

Nous serons à ses côtés dans ce combat, aussi longtemps qu’il le faudra.

Justice for Nzoy !

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