Éducation - Partage des savoirs CIRA

Concours d’anarchitecture

À l’occasion des 30 ans de la construction du bâtiment actuel et désormais à l’étroit dans ses murs, le CIRA de Lausanne lance un concours d’anarchitecture. Faut-il construire, surélever, creuser le sol, repenser l’espace intérieur ? On propose ici une forme de cahier des charges pour un projet anarchitectural auquel chacun·e peut apporter une contribution, dans l’espoir d’ouvrir des possibles et d’explorer tous les jeux envisageables avec les contraintes réelles.

Lausanne |

Il y a 30 ans, le CIRA, ses ami·es et les ami·es de ses ami·es s’attaquaient à la vieille grange attenante à la maison de Beaumont pour édifier rien moins qu’une bibliothèque ! Ils allaient prouver que disposer d’un lieu à soi où conserver des trésors de papier et favoriser leur étude n’est pas l’apanage des seuls riches bourgeois de la rive gauche genevoise.

En trente ans, les bibliothécaires ont fait preuve d’une ingéniosité toujours renouvelée pour faire face à l’accroissement des collections, mais nous approchons des limites de cette méthode. Faut-il construire, surélever, creuser le sol, repenser l’espace intérieur ? On propose ici une forme de cahier des charges pour un projet anarchitectural auquel chacun·e peut apporter une contribution.

Ces contributions pourront prendre des formes variées : plans, dessins, textes, maquettes, vidéos, simulations 3D, etc. Elles seront montrées au CIRA à l’occasion de la fête des trente ans de la construction, reportée en 2021 suite à la pandémie. Il va de soi qu’aucun classement, short list, tirage au sort, sélection ou vote n’aura lieu. Il s’agit de contribuer à une réflexion en cours, d’ouvrir des possibles et d’explorer tous les jeux envisageables avec les contraintes réelles.

De toute évidence, l’option retenue pour le bâtiment actuel est celle de la simplicité : simplicité des techniques constructives, simplicité des espaces. On se souvient que l’essai de Colin Ward intitulé La Maison anarchiste s’ouvre sur l’idée que le biscornu et l’extravagant ne sont pas nécessairement les marques d’une esthétique anarchiste, ceci valant en art aussi bien qu’en architecture.
Ward poursuit en soulignant que « le principe premier d’un logement dans n’importe quelle société, indépendamment de l’idéal social anarchiste, c’est le contrôle par les habitants. » Ici encore, qu’elles l’aient pensé ou non, les concepteurs·trices du bâtiment actuel ont pris en compte ce principe. Les espaces intérieurs sont dépourvus de cloisons autres que celles nécessaires à la statique du bâtiment et seules les toilettes et la salle des affiches peuvent être isolées du reste de l’espace.

L’intérieur du CIRA, en dépit de la quantité de documents stockés, est donc relativement modulable au gré des besoins des utilisateurs·trices : il est occasionnellement transformé en lieu de discussion publique et les espaces de travail des bibliothécaires se confondent avec les espaces de consultation des documents.

Il nous semble que ces deux principes devraient être préservés dans toute intervention à venir : simplicité d’une part et adaptabilité aux décisions des utilisateurs·trices d’autre part.

Le CIRA doit rester une bibliothèque de consultation ouverte au public. Il ne s’agit pas de transformer le bâtiment en bunker à atmosphère contrôlée et d’exiger des lecteurs·trices qu’ils remplissent des formulaires pour accéder aux documents. Le libre-accès, comme disent les bibliothécaires, devra être maintenu pour les numéros récents des périodiques et une partie aussi large que possible des monographies. Cela étant, les collections de périodiques, les archives, les brochures, au milieu desquelles la déambulation n’est de toute manière pas possible pourraient être stockées de manière compacte, même si cela suppose des manipulations supplémentaires pour y accéder.
Outre la déambulation dans les collections, il faut compter avec des espaces qui permettent la consultation des documents, mais également leur traitement par les bibliothécaires.

On évitera d’envisager la numérisation des collections comme une solution au problème de l’espace. L’usage actuel veut que les instances physiques des documents numérisés soient conservées, même si l’accès y est restreint.

Enfin, il faut rappeler que la conservation de documents anciens nécessite une certaine stabilité climatique. Le bâtiment actuel est assez remarquable de ce point de vue. Il profite sans doute, à cet égard, de son insertion dans un îlot végétal. La gestion du climat devrait, elle aussi, rester simple et ne pas nécessiter de machinerie complexe et dispendieuse en argent comme en énergie.

À côté des fonctions classiques d’une bibliothèque que nous venons d’évoquer, il faut souligner que le CIRA est inséré dans un magnifique jardin et mitoyen à un bâtiment dans lequel vivent une dizaine d’habitant·es. La conception d’un projet concernant la bibliothèque devrait s’envisager dans le contexte de l’ensemble de l’îlot et inclure ses habitant·es et ses usager·ères (jardiniers et jardinières, pizzaiolis et autres boulangères occasionnelles).
D’une manière générale, on se souviendra de la proposition l’architecte anarchiste John Turner (1927*) :

« Quand les habitants contrôlent les décisions majeures et sont libres d’établir leur propre contribution à la conception, à la construction ou à la gestion de leur logement, tant le processus que l’environnement qui en résultent stimulent le bien-être individuel et social. Inversement, quand les gens n’ont aucun contrôle ni responsabilité dans les décisions clé du processus d’habitation, le cadre du logement peut, au contraire, devenir un obstacle à la réalisation personnelle et un poids pour l’économie. »

Pour conclure cet appel à contributions, nous voudrions souligner qu’il excède très largement les questions techniques et fonctionnelles. Les difficultés spatiales liées à l’accroissement des collections ne sont, en définitive, qu’une accroche pour se projeter dans l’avenir du CIRA. Quelles étaient les perspectives des constructeurs·trices du bâtiment actuel en 1980 ? Quelles sont les nôtres aujourd’hui ? Telles pourraient être les deux questions fondamentales auxquelles ce concours d’anarchitecture pourrait apporter des pistes de réponses.

Un cahier des charges et des plans de l’état actuel sont à disposition des personnes intéressées. Les contributions sont à faire parvenir au CIRA avant le 18 mars 2021 !

P.S.

Dossier avec cahier des charges et plans à télécharger sur https://www.cira.ch/actualites
(également en allemand et en italien)

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