Ces attaques se sont en premier lieu illustrées par un article à charge et mensonger publié par le média en ligne Watson [1] le 14 janvier et calomniant notre invitée Houria Bouteldja, ainsi que Rima Hassan, députée européenne. Suite à cet article, une lettre de « dénonciation » de notre conférence écrite par le Collectif C7 [2] a été envoyée à la Municipalité de Lausanne, à l’ensemble du conseil communal ainsi qu’à l’État de Vaud. Elle accuse le Collectif Sud Global, ainsi que nos invités, d’« apologie du terrorisme », d’être antisémites et de promouvoir la haine. Houria Bouteldja est la principale cible de ces attaques. Les auteurs de la lettre exigent des autorités “une prise de position claire” et même “des sanctions” à notre encontre ainsi qu’envers Pôle Sud. Le 28 janvier, la CICAD se joint à ces dénonciations et Johanne Gurfinklel, son secrétaire général, exprime son indignation dans le rubrique opinion du 24h dans un article intitulé « Houria l’intolérante s’invite à Lausanne » [3] auquel nous avons demandé un droit de réponse le 28 janvier, resté sans nouvel jusqu’à ce jour. Enfin, le 1er février, c’est au tour d’une antenne suisse du collectif français Golem, un collectif sioniste de gauche tout nouveau dans le paysage romand, - et semblant s’être constitué spécifiquement pour l’événement -, de s’offusquer de la venue d’Houria Bouteldja à Pôle Sud.
Ces attaques s’inscrivent de manière plus général dans un contexte national et local de répression et de criminalisation des mouvements en solidarité avec le peuple palestinien, dont un cessez-le-feu vient tout juste d’être négocié après 15 mois de bombardements incessants sur la population gazaoui.
Sommaire
- Introduction
- L’argent public comme arme de censure : une menace pour les espaces culturels
- Réponse au communiqué de la CICAD
- Le triangle rouge inversé : une abstraction historique
- Le slogan “From the river to the sea” : un symbole détourné
- L’IHRA : une définition qui criminalise la solidarité avec la Palestine
- Antoine Menusier et la fabrique de la panique morale : une attaque contre la pensée critique
- Démocratie sélective : quand le Collectif C7 cherche à imposer ses lignes rouges
- Collectif Golem : une impasse politique
- Golem Suisse : un import idéologique inadapté
- Le sionisme de gauche : une schizophrénie idéologique
- Golem et l’illusion de l’asionisme
- Un écran de fumée pour masquer la répression politique
- La loi Hamas : une loi en contradiction avec le droit international
- Conditions de vie en Palestine : nettoyage ethnique et génocide
- Trump, l’impérialisme américain et la Nakba continuée
- La responsabilité et l’obligation de soutenir le peuple palestinien

Introduction
La répression des mobilisations en solidarité avec la Palestine dans les universités suisses constitue une atteinte alarmante à la liberté d’expression et au droit à la contestation pacifique. Plusieurs établissements académiques ont adopté une posture autoritaire face aux étudiants dénonçant la complicité des institutions suisses avec l’occupation israélienne et également envers les enseignants et enseignantes qui s’étaient mobilisés en soutien pour exiger le respect des droits humains. À l’Université de Genève, les étudiants occupant le hall principal ont été expulsés manu militari par la police, également dans la partie alémanique, à Berne, à Zürich ou encore à Bâle, où des violences policières ont été signalées par les étudiants. À Lausanne, l’Université a saisi la justice et a déposé une dénonciation pénale auprès du Ministère vaudois [4] notamment pour les noms d’enseignants figurant dans un rapport constitué par les étudiants et faisant état des collaborations entre l’UNIL et les universités israéliennes, quand bien même toutes ces informations étaient déjà publiques auparavant. Ces mesures répressives traduisent une volonté systématique de réduire au silence les voix contestant l’ordre colonial et impérialiste, tout en empêchant un débat pourtant essentiel sur la responsabilité des institutions suisses dans les dynamiques coloniales en Palestine.
L’attaque contre notre conférence, tout comme celle menée contre des intellectuels comme Houria Bouteldja, vise à faire taire les voix qui osent remettre en question le soutien inconditionnel à Israël et la criminalisation de la résistance palestinienne.
L’argent public comme arme de censure : une menace pour les espaces culturels
Les attaques politiques et médiatiques ont également visé Pôle Sud, le centre socio-culturel de l’Union syndicale vaudoise financé par la FASL, avec notamment comme argument principal le financement (indirect) du centre par des deniers publics. Le même argument à été utilisé pour le festival Black Movie à Genève et l’espace culturel Fri-Son à Fribourg, dans les deux cas concernant une invitation de la députée européenne Rima Hassan. La venue de cette dernière à notamment été dénoncée par le député UDC fribourgeois Stéphane Peiry qui a qualifié l’événement de “pro-Hamas” et demandé son interdiction [5]. Cette utilisation rhétorique de l’argent public est devenu un outil de menace politique qui touche particulièrement les institutions culturelles alors que ces lieux ont toujours été des espaces de discussions et d’échanges sur des enjeux publics qui concernent une partie importante des citoyens et citoyennes de nos villes. Il est intéressant ici de souligner la convergence d’intérêts politiques entre des élus d’extrême-droite et un collectif comme Golem qui se revendique “de gauche” et pour une “société juste et égalitaire”. Certains auteurs de ces attaques sont les premiers à se réclamer de la démocratie et de l’État de droit mais n’hésitent pas à utiliser ce genre de menace pour faire taire des voix critiques. L’enjeu est de taille, car avoir une infrastructure qui puisse accueillir ce genre d’événements est plus que nécessaire pour faire vivre des discours pluriels qui s’opposent à certaines politiques étatiques, ce qui est normalement un acquis dans des sociétés supposément démocratiques comme la Suisse.
Réponse au communiqué de la CICAD
Le communiqué de la CICAD [6] , publié le 28 janvier 2025 à notre encontre est une tentative cynique de disqualifier et de criminaliser notre conférence. En nous attaquant, la CICAD cherche à détourner le débat et à masquer les véritables enjeux derrière une mise en accusation des voix contestataires. Cette offensive vise ceux qui, comme nous, défendent la justice en Palestine. Cette instrumentalisation de l’antisémitisme est désormais une méthode bien rodée de ceux qui cherchent à maintenir un silence complice autour des souffrances du peuple palestinien et à réprimer toute forme de solidarité internationale.
La CICAD fait écho, à travers ses diffamations, à une volonté politique claire : celle de protéger un système d’oppression qui, sous couvert de défendre la mémoire de la Shoah, cherche à étouffer la lutte pour les droits fondamentaux des Palestiniens. L’attaque contre notre conférence, tout comme celle menée contre des intellectuels comme Houria Bouteldja, vise à faire taire les voix qui osent remettre en question le soutien inconditionnel à Israël et la criminalisation de la résistance palestinienne.
Cela rappelle les stratégies de dénigrement utilisées à travers l’histoire contre ceux qui ont osé se dresser contre des formes de domination, qu’elles soient coloniales ou racistes. La CICAD, en rejoignant ce jeu de disqualification, se fait complice d’une dynamique de répression politique qui ne fait qu’aggraver la fracture entre les oppresseurs et les opprimés. En qualifiant notre travail de “diffusion de discours haineux”, elle nous associe à des ennemis politiques qu’elle s’efforce de déshumaniser, tout en cherchant à reléguer toute critique du sionisme au rang de tabou. Malheureusement, il nous semble encore une fois nécessaire de rappeler que le sionisme est une idéologie politique à laquelle les gens sont libres d’adhérer ou non. De ce fait, s’opposer au sionisme n’est pas antisémite en tant que tel. D’ailleurs, la CICAD reste aveugle au fait qu’il y ait toujours eu une opposition juive, que ce soit pour des raisons politiques ou religieuses, au projet sioniste ( Le Bund, Jewish voice for peace, Neturei Karta , ect ).
Il est également troublant de constater que la CICAD attaque notre conférence en écho aux groupuscules d’extrême droite qui ont relayé des informations de notre événement sur leurs canaux Telegram. Partager les mêmes priorités politiques que des antisémites notoires de Suisse devrait inciter la CICAD à s’interroger sur le véritable objectif de sa lutte : est-ce réellement la lutte contre l’antisémitisme ou un soutien inconditionnel à Israël ?
Le triangle rouge inversé : une abstraction historique
Le rapport annuel 2023 de la CICAD sur l’antisémitisme évoque l’utilisation du triangle rouge inversé par certains militants pro-palestiniens, et l’associe à un soutien au Hamas, en déclarant : “Ce triangle rouge inversé a d’abord été utilisé par le Hamas dans leurs vidéos de propagande pour indiquer des cibles israéliennes.” Cette interprétation ne se contente pas de déformer l’histoire, elle en fait une abstraction totale, ignorant délibérément la richesse de sa symbolique.
En réalité, le triangle rouge inversé est un symbole historique de résistance, un héritage des Juifs qui ont survécu à l’Holocauste. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les nazis utilisaient des triangles colorés pour marquer les prisonniers des camps de concentration, et les Juifs étaient désignés par un triangle rouge. Ce même triangle inversé fut adopté par des résistants juifs, en particulier ceux du ghetto de Varsovie, pour signaler leur lutte contre l’oppression nazie. Bien plus qu’un simple signe de persécution, il représente une mémoire collective de résistance face à la barbarie, et incarne les luttes menées pour la dignité humaine.
Réduire ce symbole à une simple propagande du Hamas, comme le fait le rapport de la CICAD, c’est non seulement ignorer cette histoire, mais aussi l’effacer pour la réduire à une abstraction politique décontextualisée. Cette démarche néglige toute la profondeur des luttes politiques et historiques des populations juives diasporiques en Europe, et transforme un héritage de résistance en un simple outil de propagande. Cette abstraction délibérée du contexte historique vise à simplifier le débat, à réduire la complexité des luttes pour la justice et à étouffer toute opposition à la politique israélienne sous prétexte d’une lutte contre l’antisémitisme.
Le slogan “From the river to the sea” : un symbole détourné
Dans son rapport, la CICAD attaque également des slogans entendus lors des manifestations pro-palestiniennes en Suisse, notamment “From the river to the sea, Palestine will be free”. Cependant, cette phrase, loin d’être un appel à l’éradication des Juifs israéliens, est un cri de liberté pour le peuple palestinien, une revendication d’autodétermination, un droit humain fondamental qui est trop souvent ignoré ou minimisé dans les débats internationaux.
Historiquement, ce slogan a circulé depuis les années 1960 et s’est affirmé entre la fin des années 1980 et le début des années 1990. Il n’est attaché à aucun groupe politique spécifique et a été utilisé à travers le monde dans des contextes extraordinairement variés. En Israël, ce slogan est même une partie intégrante du discours politique. Dès 1977, le Likoud, le parti israélien dirigé par Benyamin Netanyahou aujourd’hui, déclarait : “Between the Sea and the Jordan, there will only be Israeli sovereignty”, une expression équivalente à celle des manifestations pro-palestiniennes, mais qui ne suscite aucune accusation d’antisémitisme.
Alors la question se pose : pourquoi un slogan porteur d’une revendication politique légitime, qui exprime l’aspiration à la liberté du peuple palestinien, est-il systématiquement qualifié d’antisémitisme par la CICAD ? Pourquoi ce slogan est-il perçu comme une menace lorsqu’il émane des Palestiniens mais pas lorsqu’il est utilisé par des partis israéliens comme le Likoud ?
La polémique autour de ce slogan, alors qu’il reste accepté et utilisé dans le contexte israélien, démontre une distorsion flagrante du débat. Ce qui est vu comme une menace dans la bouche des Palestiniens devient une forme d’idéologie acceptable lorsqu’il s’agit des Israéliens. Cette double norme masque la réalité coloniale : celle où la lutte des Palestiniens, opprimés et privés de leurs droits fondamentaux, est étouffée sous l’instrumentalisation de l’antisémitisme en occident.
L’IHRA : une définition qui criminalise la solidarité avec la Palestine
Le rapport de la CICAD sur l’antisémitisme se base sur la définition de l’antisémitisme de l’IHRA (International Holocaust Remembrance Alliance), qui instrumentalise la lutte contre l’antisémitisme pour délégitimer toute forme de soutien à la cause palestinienne. Cette définition inclut des passages qui considèrent comme antisémites la critique de l’État d’Israël, en particulier lorsqu’elle porte sur ses politiques de colonisation et d’oppression des Palestiniens. Or, cette définition a fait l’objet de nombreuses critiques en raison de sa formulation floue et de ses répercussions sur la liberté d’expression. Même les autorités fédérales suisses ont pris leurs distances avec l’IHRA, comme en témoigne le rapport sur l’antisémitisme du Conseil fédéral de 2023, qui renonce à l’adopter afin d’éviter toute dérive vers la criminalisation des voix contestataires.
La définition de l’IHRA ne fait pas la distinction entre l’antisémitisme, qui est une haine raciale, et la critique légitime d’un gouvernement, fut-il israélien, ou d’une idéologie politique tel que le sionisme. Cette confusion permet de réduire la critique de l’occupation israélienne et du traitement des Palestiniens à une forme de haine envers les Juifs, ce qui constitue un véritable détournement du sens du combat contre l’antisémitisme. En adoptant cette approche, le rapport de la CICAD rejoint une tendance internationale qui cherche à faire taire les voix qui dénoncent l’injustice, en les réduisant à des accusations infondées d’antisémitisme.
Antoine Menusier et la fabrique de la panique morale : une attaque contre la pensée critique
Ces attaques malveillantes et relevant d’un procédé journalistique médiocre et sensationnaliste, ont pour but de discréditer nos invités et notre démarche intellectuelle. Un de ces principaux auteurs est le journaliste de Watson, Antoine Menusier.
Dans ses deux articles, il s’érige en procureur d’une prétendue radicalité qui menacerait la démocratie suisse. Derrière une apparence d’objectivité journalistique, il recourt à des procédés rhétoriques classiques : amalgames, insinuations et décontextualisation des propos de Bouteldja. Ce n’est pas un hasard lorsqu’on connaît son parcours. Ex-collaborateur du Figaro, il est un des propagateurs en Suisse de la panique morale autour du « wokisme », cette invention médiatique servant à disqualifier toute pensée critique sur les luttes progressistes, la race, le colonialisme et l’impérialisme.
Cette obsession n’est pas anodine. Comme le souligne la militante décoloniale Françoise Vergès, la dénonciation du « wokisme » par la presse conservatrice fonctionne comme un outil idéologique pour inverser les rapports de force : elle transforme les luttes antiracistes et anticoloniales en menaces civilisationnelles, et les dominants en victimes. En réduisant la pensée décoloniale à une simple « idéologie identitaire », Antoine Menusier ne fait que recycler des éléments de langage issus de la droite réactionnaire et de l’extrême droite.
Démocratie sélective : quand le Collectif C7 cherche à imposer ses lignes rouges
Derrière cette campagne médiatique orchestrée, le collectif C7 se distingue par un double discours : bien que Nadine Richon, porte parole du collectif, ait affirmé dans l’article du 24 Heures que leur objectif n’était pas d’interdire notre conférence, mais « de poser des questions », leurs actions réelles révèlent un engagement bien plus radical. Le collectif a en effet adressé une lettre de plusieurs pages aux autorités de la ville de Lausanne et du canton, dans une tentative manifeste de faire annuler notre événement. Cette lettre, loin de se limiter à des questions de forme, comporte des accusations graves et diffamantes, comme en témoigne par exemple cet extrait : « Nous sommes abasourdis et inquiétés par cette fascination pour la haine et la terreur. La liberté d’expression est un droit fondamental, elle a toutefois ses limites : la promotion de l’intifada et du terrorisme n’a pas sa place dans notre démocratie. »
Ce décalage entre leurs propos publics et leurs actions privées met en lumière leur hypocrisie. En privant le débat public de voix anticolonialistes et anti-impérialistes, leur objectif devient clair : ne pas simplement “poser des questions”, mais faire pression pour empêcher une discussion libre sur la question de l’antisémitisme et de ses instrumentalisations. Leur tentative de diffamation et de criminalisation de notre démarche démontre l’ampleur de leur volonté à restreindre l’expression politique de toute critique d’Israël.
Collectif Golem : une impasse politique
À l’origine, Golem est un collectif français né lors de la marche contre l’antisémitisme du 12 novembre 2023 en France. Ce jour-là, tandis que la gauche radicale dénonçait un appel ambigu occultant les responsabilités de l’État et de l’extrême droite dans la montée de l’antisémitisme, Golem a fait un choix différent. Plutôt que de s’opposer frontalement à la présence de figures comme Éric Ciotti ou des macronistes, engagés dans une offensive anti-migrants avec leur loi Asile et Immigration – qui introduisait notamment la préférence nationale –, le collectif a fait de l’extrême droite sa seule ligne rouge, plaçant son rejet de cette présence au cœur de son action.
Le paradoxe de leur posture est frappant : si l’extrême droite est une ligne rouge infranchissable, pourquoi ne pas voir que les macronistes qui défendent une politique anti-migrants et sécuritaire sont, eux aussi, des artisans de l’antisémitisme structurel ? Mais cette contradiction ne semble pas les déranger. Ce qui préoccupait Golem ce jour-là, ce n’était pas tant la lutte contre l’antisémitisme dans toutes ses dimensions, mais plutôt la volonté de marquer leur différence avec la gauche critique d’Israël.
Ce positionnement n’est pas anodin. Un des deux cofondateurs de Golem France, l’avocat Arié Alimi, était présent à la marche du 12 novembre et a défendu une ligne qui interroge. Scandalisés par la présence du Rassemblement national, des membres de Golem ont tenu à marquer leur opposition en se positionnant à proximité du cortège d’extrême droite pour leur signifier qu’ils n’étaient pas les bienvenus. Pourtant, s’ils ont dénoncé cette récupération politique, ils n’ont pas eu un mot pour critiquer l’islamophobie et l’invisibilisation des souffrances palestiniennes dans l’appel à la manifestation. Plus encore, le collectif a ensuite cosigné une tribune avec d’autres groupes reprochant à la gauche radicale de ne pas avoir manifesté… avec des figures ouvertement racistes. Une injonction absurde, qui illustre bien leur rôle : surveiller la gauche et la discipliner en fonction de certaines priorités politiques, plutôt que de combattre l’antisémitisme sous toutes ses formes et en lien avec les autres formes d’exclusion.
Golem Suisse : un import idéologique inadapté
L’implantation d’une antenne suisse de Golem ne relève pas d’une initiative spontanée, mais d’une réaction directe à notre conférence. Leur rôle est limpide : intervenir là où la critique d’Israël s’organise, en se posant comme rempart contre un antisémitisme qu’ils supposent intrinsèque aux luttes décoloniales. Leur communiqué d’attaque contre notre événement, fidèle aux tactiques classiques du sionisme de gauche, cherche à entretenir la confusion :
"Connue pour ses positions controversées et ses propos considérés racistes ou antisémites par beaucoup, elle [Houria Bouteldja] contribue par sa présence à légitimer une rhétorique qui divise et stigmatise."
Cette phrase repose sur un flou intentionnel : qui sont ces "beaucoup" ? Sur quelles bases reposent ces accusations ? Ce genre de formulations ne démontrent rien, mais laissent planer un soupçon, une stratégie bien rodée de diffamation.
De plus, Golem Suisse s’indigne que notre conférence soit accueillie par Pôle Sud, insinuant que cette institution aurait "failli" à sa mission en nous donnant la parole. Pourtant, que défend réellement Pôle Sud ? La possibilité d’un débat sur l’antisémitisme et ses instrumentalisations. Ce que Golem cherche à imposer, en revanche, c’est une définition unique et restrictive de l’antisémitisme, excluant toute critique structurelle du sionisme.
... chez les sionistes de gauche, le problème n’est pas tant le soutien à la Palestine que la remise en question d’Israël lui-même. Ce qu’ils jugent inacceptable, ce n’est pas de défendre des droits pour les Palestiniens dans une perspective humanitaire, mais d’en revenir aux origines du sionisme et de reconnaître la Nakba de 1948 comme un crime fondateur.
Le sionisme de gauche : une schizophrénie idéologique
Comme l’a analysé Maxime Benatouil, le sionisme de gauche est une impasse intellectuelle. Il prétend défendre un “antiracisme universaliste” tout en maintenant son attachement au projet colonial israélien. En dénonçant la droite israélienne sans jamais remettre en cause les fondements coloniaux de l’État d’Israël, il produit un double discours permanent : défendre les Juifs en Israël, tout en refusant d’admettre que cet État s’est construit sur la dépossession des Palestiniens.
Mais plus encore, chez les sionistes de gauche, le problème n’est pas tant le soutien à la Palestine que la remise en question d’Israël lui-même. Ce qu’ils jugent inacceptable, ce n’est pas de défendre des droits pour les Palestiniens dans une perspective humanitaire, mais d’en revenir aux origines du sionisme et de reconnaître la Nakba de 1948 comme un crime fondateur. Cette reconnaissance leur est insupportable, car elle implique d’admettre que l’existence même d’Israël repose sur l’expulsion et l’oppression d’un peuple.
Or, comme le rappelle Maxime Benatouil, la Nakba n’est pas un événement du passé mais un processus en cours. Depuis 1948, l’expulsion et la dépossession des Palestiniens ne se sont jamais arrêtées : elles se poursuivent sous diverses formes, qu’il s’agisse des démolitions de maisons, des restrictions de déplacement, de l’annexion progressive de territoires ou des bombardements récurrents sur Gaza. Reconnaître cela, c’est comprendre que la colonisation israélienne n’a pas de frontières fixes car Israël ne les a officiellement jamais délimités, mais qu’elle est un projet expansionniste et permanent.
comme le rappelle Maxime Benatouil, la Nakba n’est pas un événement du passé mais un processus en cours. Depuis 1948, l’expulsion et la dépossession des Palestiniens ne se sont jamais arrêtées : elles se poursuivent sous diverses formes, qu’il s’agisse des démolitions de maisons, des restrictions de déplacement, de l’annexion progressive de territoires ou des bombardements récurrents sur Gaza.
Golem et l’illusion de l’asionisme
Un des éléments les plus absurdes de leur posture est leur revendication d’être "asionistes", c’est-à-dire ni sionistes ni antisionistes. Cette prétention à la neutralité est un non-sens politique. Comme l’écrivait Sartre :
"Ne pas choisir, c’est encore choisir." [7]
Se prétendre "asioniste", c’est refuser de voir l’évidence : dans un contexte de colonisation, il n’y a pas de posture neutre. Affirmer ne pas être antisioniste, c’est déjà un choix, celui d’accepter l’ordre existant et de refuser d’affronter la réalité de la Nakba.
Un écran de fumée pour masquer la répression politique
L’implantation de Golem en Suisse s’inscrit donc dans un projet politique bien précis : neutraliser les espaces où se développe une critique d’Israël en les assimilant à un danger antisémite. En nous attaquant, ce collectif participe d’un climat répressif plus large, visant à museler toute expression décoloniale.
Mais si la lutte contre l’antisémitisme est véritablement leur priorité, alors il est urgent d’arracher le judaïsme au monopole d’Israël. Tant que critiquer Israël restera assimilé à de l’antisémitisme, la lutte contre l’antisémitisme restera incomplète et instrumentalisée. On ne pourra jamais combattre efficacement l’antisémitisme sans prendre conscience de ces instrumentalisations, qui servent à détourner l’attention de la réalité coloniale et à faire taire celles et ceux qui dénoncent l’injustice.
Comme l’écrivait Primo Levi :
"Tout pays peut devenir un pays étranger, toute terre une terre d’exil." [8]
La mémoire juive, façonnée par l’expérience de l’exil et de la dispersion, ne saurait être réduite à l’appartenance à un État. Au contraire, elle invite à la solidarité avec tous les peuples qui subissent oppression et dépossession.
La loi Hamas : une loi en contradiction avec le droit international
La loi fédérale interdisant le Hamas et les organisations apparentées entre en contradiction directe avec le droit international, pourtant ratifié par la Suisse. En vertu du droit international coutumier et des conventions internationales, un peuple sous occupation a le droit de résister, y compris par la lutte armée, contre l’occupant. Ce principe est notamment reconnu dans le Protocole additionnel aux Conventions de Genève de 1977, qui stipule dans son article 1(4) que les conflits armés dans lesquels des peuples luttent contre la domination coloniale, l’occupation étrangère et les régimes racistes sont considérés comme des conflits armés internationaux, conférant aux combattants engagés dans ces luttes les protections du droit humanitaire.
Or, en assimilant toute organisation liée de près ou de loin au Hamas à une entité terroriste, cette loi nie le cadre juridique légitime de la résistance palestinienne et réduit tout soutien politique ou moral au peuple palestinien à une forme de complicité avec le terrorisme. Cela place la Suisse en porte-à-faux avec le droit international qu’elle a pourtant ratifié et qu’elle prétend défendre sur la scène mondiale.
Le paradoxe est d’autant plus frappant que le droit à l’autodétermination des peuples, y compris par la résistance armée face à une occupation illégale, est consacré par l’ONU. La résolution 37/43 de l’Assemblée générale des Nations unies (1982) réaffirme que « le combat des peuples pour leur libération du joug colonial et étranger, y compris le droit d’user de tous les moyens disponibles, notamment la lutte armée, est légitime ». Si l’on suit la logique de cette nouvelle loi, cette reconnaissance du droit à la lutte armée par l’ONU ferait de cette institution une complice du terrorisme. Par ailleurs, le concept de terrorisme, tel qu’il est employé aujourd’hui, est profondément politisé. Comme le souligne le Rapport spécial du Rapporteur des Nations Unies sur les droits de l’homme et le terrorisme (A/73/361) ce terme est souvent utilisé de manière sélective par des puissances impérialistes pour délégitimer des résistances populaires tout en protégeant des actions étatiques qui violent ouvertement le droit international. C’est dans cette logique que la Suisse a suspendu temporairement sa contribution annuelle de 20 millions de francs à l’UNRWA, l’agence onusienne qui vient en aide à 5,9 millions de réfugiés palestiniens, suite à des allégations d’abus de pouvoir et de mauvaise gestion émanant d’Israël. De même très rècemment avec l’arrivé de Trump, les États-Unis ont officialisé leur retrait du Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies (CDH), cessé leur financement de l’UNRWA et du HCR accusant les agences de perpétuer le statut de réfugié des Palestiniens et de biais anti-israélien. Ces décisions illustrent comment l’aide humanitaire peut être instrumentalisée politiquement, remettant en question l’engagement de la communauté internationale envers les droits des peuples à l’autodétermination et à la résistance face à l’oppression.
Le glissement opéré par cette loi suisse, qui criminalise de fait toute forme de soutien à la résistance palestinienne, n’est pas anodin. Il traduit une instrumentalisation de la lutte contre le terrorisme à des fins politiques et un alignement sur la répression systématique des voix pro-palestiniennes. L’affaire Ali Abunimah en est un exemple flagrant : en l’empêchant d’entrer en Suisse sous prétexte de « menace à l’ordre public », les autorités zurichoises ne font que renforcer l’inquiétude face à l’utilisation abusive de cette nouvelle loi contre des journalistes et militants. Mario Fehr, conseiller d’État zurichois en charge de la sécurité nottoirement connu pour sa défense intransigeable d’Israël, n’a pas hésité à le diffamer en le traitant d’“islamiste antisémite” dans la NZZ et a ordonné directement la police zurichoise de l’expulser dans des conditions plus que choquantes.
Cette arrestation a suscité de vives réactions au sein de la communauté internationale. Irene Khan, rapporteuse spéciale des Nations unies sur la liberté d’opinion et d’expression, a appelé urgemment à une libération immédiate d’Ali Abunimah dès son arrestation. De son côté, Francesca Albanese, rapporteuse spéciale de l’ONU sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés, a soutenu cette position en affirmant : « Je partage le choc et j’exhorte à une enquête rapide sur cette affaire. Le climat entourant la liberté d’expression en Europe devient de plus en plus toxique, et nous devrions tous être préoccupés ».
Cette contradiction entre les engagements internationaux de la Suisse et sa législation interne montre bien le caractère profondément politique de cette loi, qui ne vise pas tant à lutter contre le terrorisme qu’à criminaliser une cause politique légitime et à bâillonner toute expression de solidarité avec la Palestine. Amnesty International Suisse a d’ailleurs dénoncé cette loi comme une menace pour les libertés fondamentales, notamment la liberté d’expression et d’association, en soulignant les risques d’une criminalisation abusive du soutien à la cause palestinienne.
Conditions de vie en Palestine : nettoyage ethnique et génocide
Les Palestiniens, aujourd’hui comme hier, vivent un déplacement sans fin, une errance forcée aux allures bibliques. Ce sont des vies suspendues, déchiquetées entre les murs de maisons rasées et les souvenirs d’une terre perdue. Chaque jour, de nouvelles maisons sont détruites, et avec elles, des vies brisées. Les familles sont disséminées dans des camps et des zones où la promesse de sécurité n’est qu’un mirage, un rêve auquel ils n’ont plus droit. Cette souffrance, ce déchirement, n’est pas un écho du passé, mais une douleur vivante, chaque instant renouvelée. Gaza et la Cisjordanie deviennent des symboles d’un exil perpétuel, un monde où l’horizon est sans cesse reculé.
Loin d’être un simple déplacement géographique, cette souffrance est un processus de déshumanisation, où les Palestiniens sont privés de leur dignité, de leur place dans le monde. Ils sont victimes d’un processus dont l’objectif est de les effacer de la carte, de les rendre invisibles dans un monde où ils sont pourtant si présents. La destruction systématique de leurs foyers, leur persécution et leur marginalisation ne sont pas de simples événements isolés, mais une réalité quotidienne qui façonne chaque instant de leur existence.
Trump, l’impérialisme américain et la Nakba continuée
Les actions de Donald Trump, notamment son intention de transformer Gaza en une "Côte d’Azur", ne sont qu’un symptôme de l’impérialisme américain. Une violence à peine déguisée, où l’avenir des Palestiniens est réduit à une question de marché et de politique de domination. Le projet de Trump n’est pas une simple aberration diplomatique, mais l’expression d’une vision coloniale qui n’a pas renoncé à déposséder un peuple de son droit à la vie, à l’existence.
Cette politique, prolongement d’une Nakba dont les blessures ne se referment jamais, vise à effacer la Palestine, à l’annexer et à éliminer le peuple palestinien de l’histoire du monde. Ce n’est pas une histoire lointaine, ce n’est pas un conflit du passé. La Nakba est une tragédie qui continue encore, jour après jour, dans les ruines de Gaza et les bidonvilles de Cisjordanie. La politique américaine, dans son soutien aveugle à Israël, s’inscrit dans une logique coloniale qui ne cherche pas à résoudre un conflit, mais à le perpétuer, en effaçant toute forme d’autodétermination palestinienne.
La responsabilité et l’obligation de soutenir le peuple palestinien
Face à cette situation, il est de notre devoir, nous qui vivons dans les sociétés dites "civilisées", de ne pas détourner le regard. La souffrance du peuple palestinien n’est pas seulement une question de politique étrangère, mais une question de justice fondamentale. Nous ne pouvons pas prétendre que ce génocide, ce nettoyage ethnique, ne nous concerne pas. Si nous restons silencieux, si nous fermons les yeux, nous devenons complices. C’est une responsabilité collective, une responsabilité humaine, qui nous appelle à prendre position. Ne pas dénoncer cette situation, c’est accepter que la déshumanisation d’un peuple soit le prix à payer pour la stabilité et la sécurité d’un autre.
Il est impératif, pour notre propre dignité, de soutenir la Palestine et ceux et celles qui, malgré tout, continuent de lutter.
Gramsci écrivait : "Le vieux monde meurt, le nouveau tarde à apparaître, et dans ce clair-obscur surgissent les monstres." Et notre tâche est de les combattre.
Pour le Collectif Sud Global,
Hamza Palma