Sommaire
- Pourquoi rester à Vufflens jusqu’au 3 avril ? Le soutien à une
dynamique locale et émergente - Elargir le mouvement et rester radicales : la composition dans les
luttes - Depuis les réalités territoriales, vers des victoires globales ?
- Ni ici ni ailleurs : renforcer les liens entre les luttes en pratique
- La première action d’un mouvement plus large
- Comité de veille contre l’industrie du béton
- Et après le béton, tout le reste !
- Ce qu’il s’est passé à la Contre-Expertise du Moulin d’Amour les 4-5
mars - À venir à Vufflens-la-Ville
Pourquoi rester à Vufflens jusqu’au 3 avril ? Le soutien à une dynamique locale et émergente
Cela fait plusieurs mois que des habitantexs se réunissent informellement
sur place, par rapport à ce lieu et les enjeux qui y sont liés. Le projet n’est pas encore validé, et il se pourrait bien qu’il n’aboutisse jamais : il n’est donc pas trop tard. Depuis des mois, des habitantexs réalisent un travail d’enquête méticuleux, qui a révélé les conflits d’intérêt d’un bureau d’études d’impact nommé Impact Concept SA et détaillé les informations sur les lieux, la source, la Venoge, les nappes phréatiques, ou encore le prix. Iels ont le travail d’enquête, et nous avons essayé d’amener l’occupation comme outil pour créer un débat public et amplifier médiatiquement cette lutte.
En créant un espace comme la Contre-Expertise du Moulin d’Amour, nous
avons permis aussi un lieu de rencontres entre habitantexs au sujet du projet de gravière, et un espace de rencontres entre habitantexs et autres personnes soucieuses de les soutenir, de se rencontrer, de créer et renforcer les liens qui permettront de poursuivre la lutte contre les industries qui s’accaparent et détruisent les terres, au niveau local. Car c’est bien à des endroits précis que s’implantent ces projets, et c’est par une connaissance et maîtrise des territoires que les industries parviennent à organiser leur gestion des terres. C’est donc à partir de dynamiques de luttes dans ces territoires que nous pourrons freiner ces industries.
L’occupation de la Contre-Expertise du Moulin d’Amour durera jusqu’au 3 avril. Cette date a été choisie afin de limiter nos impacts sur les écosystèmes locaux, et pour laisser place à la faune qui entamera sa période de reproduction. Et aussi afin de laisser la place aux habitantexs du coin de continuer la lutte contre cette carrière après avoir, pendant un mois, réalisé de nombreuses assemblées et des discussions ensemble. Il sera alors temps pour nous de penser à d’autres actions des Grondements des Terres, un mouvement qui souhaite soutenir des dynamiques de lutte.
Elargir le mouvement et rester radicales : la composition dans les luttes
La notion de “composition” est au coeur de certaines luttes territoriales en France, amplifiées médiatiquement depuis deux ans par le mouvement des Soulèvements de la Terre. Cette notion implique l’idée que les luttes victorieuses sont celles qui parviennent à mettre autour d’une table – et devant la barricade – un militant anarchiste, une écosocialiste, un défenseur de la faune président de ProNatura, des ouvrières de la CGT, des paysannes vénères, bref : une variété de mondes qui usent de méthodes différentes pour atteindre des objectifs partagés. Sans prétendre détenir cette composition, et surtout car elle se vit et se construit bien plus qu’elle ne se décrète, nous espérons vivement que les luttes de défense de territoires locales deviennent composites, diversifiées et parviennent à arracher des victoires et reprendre des terres et s’opposer à l’aménagement agro-industriel.
C’est ce qu’on a pu observer depuis l’occupation temporaire à Vufflens-La-Ville : le groupe des habitantes a chaque jour gagné en membres. Des voisinexs qui bossent dans la construction ou dans l’agriculture viennent nous parler et nous amener du bois de chauffe, et participent activement aux réunions et activités qu’on organise ensemble. Fernand Cuche, ancien conseiller d’État et porte-parole d’Uniterre a débarqué un matin pour affirmer qu’il rejoignait le mouvement. Des petites souris ont déboulonné des pneus de machines.
C’est au devant de cette diversité des modes de luttes, sans élimer la radicalité des buts, des gestes et des pratiques, que nous souhaitons continuer d’aller. Une composition qui nous semble former une piste tangible pour contourner la difficulté de gagner la bataille contre la marchandisation du monde.
Depuis les réalités territoriales, vers des victoires globales ?
Pour nous, le point de départ de Vufflens, ou d’une autre lutte, prend sens si nous parvenons à continuer de lutter à d’autres endroits. Nous ne voyons guère comment être victorieusexs face à l’accaparement et la marchandisation des terres en nous appuyant que sur des discours de théorie politique ou en nous positionnant comme sachants. Pour nous, c’est à travers des maillages territoriaux et depuis des endroits réels, ancrés, des forêts, des espaces et des épiceries villageoises, qu’on peut espérer mettre un frein à ce système. Ceci tout en maintenant une pression radicale sur les machines et engins qui servent à détruire les terres.
Gagner par le bas, par les territoires, en intensifiant des contestations qui ne sont pas “soit des recours juridiques, soit des ZAD” mais peuvent devenir hybrides et plurielles. Partir du village de Vufflens nous permet de s’engager dans le concret, freiner une industrie, relier des luttes et imaginer que c’est possible.
Ni ici ni ailleurs : renforcer les liens entre les luttes en pratique
Concrètement, partir d’un ancrage pour y mener la démarche politique que nous sommes en train de mener, c’est également un essai de créer des liens et des ponts entre des luttes. Qu’il s’agisse de la lutte des Grondements contre l’accaparement des terres et le système agro-industriel, que des villageois·es rejoignent ; ou qu’il s’agisse de la venue de l’Association du Mormont pour partager aux habitantes leurs expériences et les outils de lutte, il s’agit bien de mise en réseau par le bas, d’organisation collective, et de partage qui constituent les dynamiques politiques que nous rêvons de voir se
renforcer et y participer localement. Nous avons également cherché à élargir le combat proposé en accueillant la venue de Lourdes Huanca, militante péruvienne pour les femmes paysannes à propos de l’accaparement des ressources au Pérou, et par des autres interventions ayant eu lieu ces week-ends, pour affirmer concrètement qu’il s’agit de luttes liées.
La première action d’un mouvement plus large
Cette première action faisait le lien entre l’utilisation des sols, l’accaparement des terres par les bétonneurs, et l’absence de transparence et de démocratie dans ces procédures. Nous voulons créer des alliances entre les milieux militants climatiques, les luttes locales et les milieux paysans, pour lutter ensemble contre le industries du béton et celles l’agro-industrie, qui s’approprient et ravagent les terres. Pour continuer, plusieurs choses sont prévues.
Comité de veille contre l’industrie du béton
De l’enquête d’Heidi News “Béton la fin d’une ère” aux interventions d’architectes comme Alia Bengana ou Jeremy Morris, la remise en question du système qui soutient l’industrie du béton, dirigée par quelques grasses entreprises, et qui empêche un changement majeur de la production du matériau le plus polluant de suisse, trotte dans nos têtes. Il s’agit d’un sujet majeur en Suisse, d’autant que nous accueillons le plus grand cimentier mondial, Holcim, qui a vu “bondir” ses profits en 2022, sans vergogne et dans le plus calme des greenwashing. Si, Holcim doit rester dans le viseur de toute écologie déterminée, Orllati doit l’y rejoindre. En effet, cette entreprise use de méthodes terrifiantes pour s’accaparer des terres, en fixant elle-même des prix, et en retirant des marges financières énormes lors de la vente du vide pour stocker les déchets de chantier. Le dimanche 2 avril aura lieu, l’après-midi, une table-ronde discussion sur la fin du béton. Après ce mois de mars, nous initierons un comité de veille contre ces entreprises.
Et après le béton, tout le reste !
Grondements des Terres aspire à recréer des espaces comme celui-ci, en soutien à des luttes locales contre des grands projets d’aménagement. Mais aucun fétichisme d’un seul mode d’action : d’autres modes d’actions seront aussi les nôtres, en fonction de nos forces et possibles, et nous avons dans le viseur les industries colonialistes qui organisent le pillage du monde depuis les institutions suisses. Nous avons en tête les écoquartiers, les terres abandonnées ou accaparées. Nous avons en tête le duopole de la grande distribution suisse, Coop et Migros, qui précarise les paysans et paysannes. Pour ces sujets, se posera la
question du mode d’action pertinent et possible. Et on espère également que toutes ces luttes, contre les multinationales suisses qui détruisent le monde, contre l’artificialisation et l’accaparement des terres, se répandront en dehors de Grondements des Terres !
Ce qu’il s’est passé à la Contre-Expertise du Moulin d’Amour les 4-5 mars
Plateformes suspendues haut dans les arbres, banderoles, cuisine collective, yourte visant à accueillir les contre-expertises, radio et de nombreux panneaux donnant des informations sur les écosystèmes locaux et la Venoge, Orlatti et l’industrie du béton, sur le bureau d’études aux conflits d’intérêts ont vu le jour les 4-5 mars à Vufflens. Balades naturalistes, conférence sur le béton et le commerce d’Orllati et Holcim sur les terres cultivables, avec Claude Baechtold et Antoine Harari, journalistes de l’enquête “Béton, la fin d’une ère”. Des soutiens ont rejoint, dont Frédéric Pitaval (lanceur de l’appel du Rhône) ou Jacques Dubochet et Alain Chanson (Pro Natura). Le dimanche, discussion sur la notion de l’eau en lien avec la Venoge qui coule à côté du projet de gravière. Fernand Cuche (ancien conseiller d’État, agriculteur à la retraite et ancien porte-parole d’Uniterre), a annoncé rejoindre Grondements des Terres pour mener des actions contre l’agro-industrie et son monde.
Ensemble, on s’est rendu le dimanche devant le siège d’Orllati à Bioley-Orjulaz. On crie ensemble, on tag de jolis “Orlaloi” sur les surfaces, une banderole “Générateur d’impacts” est suspendue sur le toit de l’entreprise, quelques roues de camion Orllati sont dégonflées avec des gravillons (on a entendu les mésanges qui nous l’ont dit), et on repart joyeuses de ce petit cortège furieux. Le soir, une assemblée citoyenne a lieu, réunissant des habitantes du villages, des militantexs de Grondement des Terres et des personnes intéressées par les thématiques abordées. Lors de cette assemblée, beaucoup de thèmes sont abordés, et un consensus final est trouvé de chercher à rester un mois : en vue de ne pas déranger la faune dans sa période de reproduction début avril, et parce que l’enjeu à travers cette occupation est de visibiliser un projet en annonçant qu’on empêchera qu’il se fasse, à commencer par la mise au courant de la population.
En début de semaine, une rencontre s’est déroulée avec la municipalité du village, et un accord a été trouvé pour que l’occupation reste jusqu’à début avril. Rapidement, différentes activités sont agendées, qu’il s’agisse d’assemblées pour parler de l’industrie du béton, de partages naturalistes pour armer nos luttes (et s’inspirer du travail des naturalistes déter), les relier à des savoirs et des pratiques différentes. Qu’il s’agisse du théâtre, de la chorale ou d’activités pour enfants. Qu’il s’agisse d’assemblée sur les outils de luttes avec l’ASM (Mormont) à l’issue de laquelle les habitantes ont formé un groupe pour faire une demande selon la loi sur la transparence ; de discussion sur la Venoge, de visite de ferme à côté, de récolte d’ail des ours, de conférence sur l’agriculture paysanne...
À venir à Vufflens-la-Ville
Rapidement, le programme est saisi par le groupe d’habitant-e-s qui grandit de jour en jour et décide de se réunir en collectif. Par exemple, une visite pédagogique autour de la décharge toxique en dessus du site est prévue samedi 25 à 10h30 ; une visite de l’architecture rurale pour construire sans béton dimanche 26 à 16h, sont prévues par des habitantes. Nous proposerons également bientôt une rencontre avec des membres de l’association de protection de la Venoge (Venoge Vivante).
Le 24 mars, nous aurons la chance de recevoir Lourdes Huanca, militante
féministe et écologiste péruvienne en présence en Suisse.
Le 21 mars, nous rejoindrons la manifestation contre le sommet des
matières premières à Lausanne à 18h au Beau-Rivage.
Et le 1-2 avril, un programme de carnaval, fête, grande assemblée du béton et clôture est prévu.