Les théories féministes et queer ont placé le genre, le sexe et la sexualité au cœur de l’exercice du pouvoir et de la domination. Qu’il s’agisse de la division sexuée du travail, de l’hétéronormativité obligatoire en tant que logique structurante du contrôle de l’État et de l’ordre social, ou encore de l’intersection de la race, du genre et de la classe pour catégoriser les corps selon une hiérarchie de pouvoir, ces concepts ont pris de l’ampleur pour expliquer des systèmes de domination différents et croisés. Dans une perspective décoloniale, les chercheur.euse.x.s ont lié les constructions hégémoniques du genre et de la sexualité à la colonisation, car elles permettent l’organisation de relations de pouvoir qui placent le colonisateur blanc et mâle au sommet d’un système qui subordonne les masculinités, les féminités et les sexualités colonisées. Une grande partie du discours sur les luttes pour la libération des genres et des sexualités a cependant été assimilée par les États-nations occidentaux et libéraux. Dans ce que l’on a appelé l’homonationalisme, les États libéraux intègrent de plus en plus l’égalité des sexes et l’inclusion des LGBTQIA+ dans leur identité nationale libérale et dite progressiste, reproduisant simultanément la position des États non occidentaux, illibéraux, comme l’Autre primitif. De même, le discours sur l’égalité des sexes et les droits LGBTQIA+ a été adopté par Israël dans une tentative de pinkwashing du système d’apartheid imposé aux Palestinien.ne.x.s, de l’occupation illégale de la Palestine et des violations des droits humains par la colonisation de peuplement. D’autre part, les collectifs de femmes et les communautés queer de la (post)colonie ont continuellement critiqué leur marginalisation dans les luttes décoloniales. Les perspectives et les activistes de genre et de sexualité sont souvent exclues des luttes pour l’autodétermination, mettant de côté les oppressions croisées de la colonisation, du patriarcat et de l’hétéronormativité.
En mettant en avant les perspectives queer et féministes de Palestine, cet événement explorera les façons dont le genre et la sexualité sont enchevêtrés dans le colonialisme et le pouvoir. En se concentrant sur les expériences des activistes et sur la résistance queer et féministe, cette discussion posera les questions suivantes : De quelle manière le genre, la sexualité et l’hétéronormativité sont-ils impliqués dans la production de sujets (post)coloniaux ? Comment l’hétéronormativité et le patriarcat sont-ils mobilisés pour permettre la domination coloniale ? Comment le pinkwashing participe-t-il à l’exclusion des subjectivités LGBTIAQ+ “non occidentales” ? Quelle est l’expérience de l’activisme queer et féministe dans la résistance à l’oppression coloniale ? Sur la base de ces questions, cet événement part du principe que la lutte contre le colonialisme, le patriarcat et la cis-hétéronormativité ne peut pas être séparée de manière nette, et donc que les réseaux transnationaux de solidarité doivent être fondés sur les expériences des sujets LGBTIAQ+ et de l’activisme féministe luttant contre la domination coloniale.
Intervenant.e.x.s :
Haneen Maikey est une militante féministe queer, co-fondatrice et ancienne directrice d’Al-Qaws, une organisation politique queer militant sur le terrain pour la diversité sexuelle et de genre dans la société palestinienne.
Hala Marshoud est une militante féministe palestinienne active au sein du mouvement féministe “Tali’at” et une chercheuse en économie politique.
Modéré par Izzeddin Araj, doctorant en anthropologie à l’IHEID. Ses travaux portent sur les politiques de reproduction en Palestine/Israël.