Eisenjugend Schweiz est un groupe néo-nazi suisse-allemand fondé en janvier 2020 à Winterthour. Le type de néo-nazisme que prône le groupe porte le nom d’accélérationnisme : la vision selon laquelle la société actuelle est irrécupérable et doit être poussée vers l’effondrement par tous les moyens afin d’établir une nouvelle société fasciste. C’est dans cette optique que, sur leur canal Telegram, Eisenjugend va partager le manifeste du terroriste de Christchurch ou encore faire la lecture de textes de James Mason, un néo-nazi américain qui fait la promotion d’une « résistance sans leader », de la formation de cellules terroristes et d’une « révolution blanche ». Eisenjugend souscrit également à la théorie conspirationniste néo-nazie du génocide blanc, selon laquelle les juif.ve.s comploteraient secrètement en vue de l’élimination de la « race blanche » [1].
Eisenjugend est la branche suisse d’Iron Youth, un groupuscule accélérationniste américain créé par un adolescent californien en août 2018 [2].
Sur Telegram, Iron Youth a confirmé qu’Eisenjugend Schweiz était bel et bien la branche suisse du groupe. Il est précisé qu’Iron Youth donne carte blanche à Eisenjugend dans tous les domaines, sauf celui de l’idéologie. Selon le fondateur d’Eisenjugend, Iron Youth a aidé à la mise en place du groupe à ses débuts.
Avant qu’Eisenjugend n’efface l’intégralité de ses réseaux sociaux, ses activités consistaient principalement en la diffusion de propagande sur Internet. Le groupe a également mené quelques actions locales comme le collage d’autocollants antisémites dans le périmètre de plusieurs universités zurichoises et la perturbation de cours universitaire en ligne par des insultes racistes et des slogans nazis, notamment le 20 avril pour l’anniversaire d’Hitler. Des membres d’Eisenjugend s’en sont également pris à des manifestantes lors de la Journée internationale des femmes du 8 mars 2020 [3].
Il est estimé qu’Eisenjugend ne compte qu’une poignée de membres, tous des jeunes hommes, dont à peine plus de deux apparaissent dans les vidéos de propagande tournées par le groupe [4]. S’il est difficile d’identifier précisément les membres, l’identité du fondateur d’Eisenjugend, qui utilise le pseudonyme d’Eszil, a été dévoilée par des antifascistes suisse-allemand.e.s sur le site barrikade.info. Il s’agit de Manuel Corchia, un jeune de 19 ans vivant avec ses parents dans un immeuble de la banlieue de Winterthur et étudiant de Bachelor en visualisation scientifique à la Haute École d’art de Zurich (ZHdK) [5]. Il aurait fondé le groupe peu après une tentative ratée de faire une carrière militaire en tant qu’éclaireur-parachutiste en novembre 2019 [6].
Manuel Corchia possède plusieurs armes : une Kalachnikov, deux carabines, deux pistolets ainsi que probablement un SIG-522, qu’il conserve chez lui avec des munitions. Il a de l’expérience dans le maniement des armes et fait partie d’un club de tir [7].
Manuel Corchia est également membre depuis début 2020 de la Nationalistische Jugend Schweiz (NJS), un autre groupe néo-nazi de Winterthur et environs [8].
Le 12 août 2020, lors d’une opération conjointe des polices du canton de Zurich et de la commune de Winterthour, le domicile de Manuel Corchia ainsi que celui d’un autre jeune de 19 ans, également actif dans la scène d’extrême droite, ont été perquisitionnés et des armes à feu saisies [9].
Bien que les néo-nazis accélérationnistes soient en nombre très réduit et en grande majorité des adolescents et des jeunes hommes, il est nécessaire de ne pas sous-estimer leur potentiel de violence. Le groupe Atomwaffen Division est par exemple responsable du meurtre de 8 personnes [10]. Les idées accélérationnistes gagnent du terrain dans la scène néo-nazie et des groupes vont continuer de s’organiser en ligne afin de radicaliser leurs membres et de les encourager à commettre des actes de violence. En Suisse-romande, on peut notamment citer l’exemple de cet adolescent de 16 ans, membre de plusieurs serveurs Discord accélérationnistes, qui faisait part en 2018 de ses projets d’effectuer de « vraies actions » avec d’autres fascistes francophones rencontrés en ligne.
Malgré leur extrême marginalité, la menace que représentent ces groupes doit être prise au sérieux.