La banalisation de l’usage de la force policière à l’université est inquiétante dans un contexte « démocratique ».
En sollicitant ces forces répressives, la direction de la HEAD, de l’HEPIA et des HES-SO Genève ont franchi un cap autoritariste inquiétant. Bien loin de protéger les étudiant.e.x.s et le personnel, les tactiques d’intimidation pour silencer les voix critiques sont honteuses. Ces interventions policières ont engendré plusieurs violences. Tout d’abord, en sollicitant ces forces répressives, des violences psychologiques ont été infligées à l’ensemble des étudiant.e.x.s présent.e.x.s. De plus, cet appel disproportionné par rapport à la situation pacifique et calme a également conduit à la perquisition et à l’endommagement de projets artistiques d’étudiant.e.x.s, dont certains étaient destinés à être présentés lors des jurys de fin d’année.
Nous déplorons ces actions répressives qui s’ajoutent à toutes celles déjà engagées à notre encontre. Nous rappelons que le principe de liberté d’expression s’applique à l’ensemble des étudiant.e.x.s, et ce même si les directions ont fait le choix de ne pas tolérer d’occupation dans les HES-SO.
Un des arguments émis par la direction de la HEAD pour ne pas répondre aux revendications des étudiant.e.x.s, a été que ceci « Ca ne respecte pas nos principes fondamentaux d’inclusion et de safe place pour tous ». Toutefois, faire appel aux forces de l’ordre, est en parfaite contradiction avec le concept de safe place et d’inclusion, principalement par le fait d’écarter sans négociations le questionnement légitime des étudiant.e.x.s quant aux partenariats de l’école.
D’autant plus, nous nous demandons ce que cache les réponses brumeuses et vagues du conseil de direction qui nous frappent particulièrement. Il nous paraît néanmoins que nous touchons à un point si sensible que la seule réponse qui paraît valable est le recours à la force et la violence démesurée. L’institution se rend ainsi complice du régime d’apartheid génocidaire d’Israël.
Il nous semble absolument nécessaire de mentionner le fait que lors de la rencontre entre le conseil de direction des HES-SO et les représentant.e.x.s de la CEP-HES-SO ayant eu lieu le 15 mai dernier, il a été ouvertement affirmé qu’aucune sanction ne serait infligée à l’égard de quiconque entreprendrait des tentatives de dialogue autour de nos revendications. Or, cette promesse est d’ores et déjà caduque dans la mesure où un enseignant de la HEAD-Genève, Yan Duvendack, a été convoqué pour un entretien de service pour avoir formulé son soutien aux étudiant.e.x.s durant la mobilisation en février et tenté d’initier un dialogue ouvert. Cette décision montre clairement que les HES-SO, sous la direction actuelle, ne sont pas des espaces sûrs pour l’expression et le débat démocratique. Et que la véritable menace pour la sécurité et la liberté sur le campus ne vient pas des étudiant.e.x.s qui manifestent mais de celles et ceux qui appellent les forces de l’ordre pour contrôler et étouffer nos voix. Cette attitude trahit les valeurs fondamentales d’une institution académique et culturelle qui prétend défendre les droits humains et la liberté d’expression.
Ce mouvement d’occupation étudiant n’est pas une sanction, c’est un geste politique, un outil accélérateur du dialogue, qui correspond à l’urgence morale et humanitaire liée à l’action génocidaire d’Israël en Palestine. Pouvoir se réunir en jouissant des droits à manifester et de la liberté d’expression sont des droits humains inscrits dans la constitution et différentes conventions internationales que la Suisse a ratifiées. Lorsque les institutions et gouvernements censés nous représenter restent silencieux face aux dizaines de milliers de victimes civiles, aux camps de torture et aux violations multiples des droits humains, il est de notre devoir, en accord avec la Convention sur le génocide, « de prendre des mesures pour prévenir et réprimer le crime de génocide ».
Nous sommes face à l’urgence, chaque jour et chaque minute compte.
Résumé des occupations à l’HEPIA et à la HEAD :
À l’HEPIA, l’occupation pacifique a débuté le mardi 14 mai. La directrice Claire Baribaud est intervenue quelques minutes après le début, soulignant que bien qu’elle comprenne nos revendications, l’HEPIA n’est pas un lieu de rassemblement. Elle a ensuite annoncé son intention de déposer plainte et a ordonné de quitter les lieux, en prévenant que la police serait appelée pour intervenir. Quelques temps après, elle nous a informé.e.x.s que la police était en route pour nous évacuer, puisque nous n’avions pas respecté ses instructions, alors que tout au long de l’occupation, nous avons pris soin à ce qu’en aucun cas, les accès au bâtiment ou le bon déroulement des cours ne soient perturbés. Un nombre démesuré de neuf fourgons de police entourait le bâtiment et une interdiction de sortir par l’entrée principale nous a fait prendre la décision de ne pas poursuivre l’occupation et de quitter les lieux de manière calme et pacifique.
Le mercredi 15 mai, nous avons rencontré la direction HES-SO Genève, mais celle-ci refuse d’entrer en matière de manière urgente et à la hauteur de nos demandes. Bien que nous soyons reconnaissant.e.x.s de l’ouverture du dialogue, nous étions clair.e.x.s pendant la rencontre que ce mouvement a ses modalités d’agir et d’expression. Nous ne nous plierons pas à un dialogue menacé d’une répression policière.
Le mercredi 22 mai, nous, la CEP, nous sommes à nouveau mobilisé.e.x.s et avons annoncé une occupation dans un bâtiment de la HEAD afin d’accélérer le dialogue et de pouvoir s’organiser ensemble pour acter nos revendications et maintenir notre position contre l’intimidation stratégique. Après un dialogue d’une heure avec la direction nous prévenant d’une intervention policière probable et d’un impact sur nos négociations, la CEP avait décidé de quitter le bâtiment aux horaires de fermeture.
Le jeudi 23 mai, la directrice de la HEAD, Lada Umstätter, au lieu de continuer le dialogue entamé la veille, a envoyé un email adressé à tout.e.x.s les étudiant.e.x.s et collaborateurice.x.s de la HEAD. Elle y informe de la fermeture de tous les bâtiments à 19h00 plutôt que 22h00 pour des raisons de sécurité liées à la présence du CEP-HES-SO. Nous considérons qu’il s’agit d’une stratégie de répression visant à diviser les étudiant.e.x.s, simulant une opposition entre les personnes militantes qui animent l’occupation pacifique (sans entrave au déroulement des cours) et la vie étudiante de l’école en cette période d’examens. Avant la première AG du jour, Lada Umstätter a menacé de faire intervenir la police si le mouvement n’a pas quitté les lieux avant 18h (soit une heure avant la fermeture décrétée dans la matinée), rompant sa promesse d’espace d’échanges. Suite à cela, une grande AG de soixante personnes a pris place. La décision de poursuivre l’occupation nocturne a été prise tant que nous ne serons pas satisfait.e.x.s des mesures engagées. De plus, la tentative de diviser les étudiant.e.x.s par une punition collective est inadmissible.
À 20h30, cinq fourgons de police avec une quarantaine de CRS armés et cagoulés ont acté la première sommation (pendant les heures d’ouvertures habituelles). Nous avons fait le choix d’évacuer pacifiquement les lieux. Ils n’ont pas relevé nos identités, mais ils ont fouillé pendant 45 minutes le bâtiment, et saisi les drapeaux et banderoles trouvés dans nos ateliers ainsi que celles suspendues et des affiches comprenant notre charte et nos revendications. Durant l’après-midi, nous avions contacté plusieurs médias en leur annonçant le risque d’une intervention policière et en rappelant l’importance, pour nous, d’avoir une couverture médiatique à ce moment. Hélas, le seul à nous avoir répondu n’a pas pris le temps d’entendre notre témoignage et a préféré recueillir celui de la police.
Nous le redisons encore une fois : l’indifférence complaisante des médias est sans appel. Elle contribue à la banalisation de l’usage de la force policière à l’université qui s’avère inquiétante dans un contexte dit « démocratique ».
Depuis le début de la mobilisation de la CEP-HES-SO, nos revendications ont été claires :
• Une prise de position claire sur le génocide perpétré par Israël à Gaza et un appel institutionnel pour un cessez-le-feu immédiat. Nous interpelons les HES-SO et réclamons de leur part le strict respect des valeurs qu’elles prônent et un engagement clair pour la défense élémentaire des droits humains.
• Un appel institutionnel et du lobbying auprès de Swissuniversities afin qu’un positionnement global des hautes écoles suisses vis-à-vis du génocide en cours perpétré par Israël soit prononcé, comme demandé par les signataires de la pétition "Ne soyons pas complices de crimes contre l’humanité, cessons toute collaboration avec les institutions académiques israéliennes !"
• Une liste complète et une enquête quant aux collaborations entre les HES-SO et les institutions académiques israéliennes ainsi que toute participation financière des HES-SO dans la perpétuation du régime d’apartheid israélien.
• Une politique proactive d’accueil et de soutien aux étudiant.e.x.s et chercheur.x.euse.s palestinien.ne.x.s, comme cela a été fait pour les personnes ukrainiennes, ainsi qu’avec les institutions palestiniennes d’enseignement (par exemple, par le biais de bourses d’études spéciales pour les étudiant.e.x.s palestinien.ne.x.s, l’ouverture de programmes d’échange avec les universités palestiniennes ou un encouragement à l’accueil de personnes palestinien.ne.x.s comme demandé pour les personnes ukrainiennes).
• Une sortie du silence, la fin de la censure et l’intimidation des personnes qui expriment leur support au peuple palestinien, la cessation du mouvement estudiantin à un discours politique et de haine lorsque celui-ci est pacifique, inclusif et appelle à la fin des violences de guerre, donc à la paix ; Une prise de position claire et ferme contre la destruction des universités, des écoles et des lieux d’enseignement et de culture à Gaza, ainsi que contre la répression et le meurtre des enseignant.e.x.s et étudiant.e.x.s palestinien.ne.x.s.
La Coordination étudiante pour la Palestine – HES-SO