Logement - Squat 43m2

LIVE - FORUM DU SANS-ABRISME

Aujourd’hui commence le Forum du Sans-Abrisme à Lausanne, Renversé.co propose un suivi en direct avec des interviews, des comptes-rendus de conférences et des photos !

Lausanne |
  • Les jeunes sans-abris : une catégorie oubliée dans les politiques sociales cantonales (compte rendu)

    Yann Bochsler (HES-SO) vient nous présenter sa recherche sur les jeunes sans-abris, une catégorie particulièrement vulnérable et hétérogène.

    C’est difficile de s’accorder sur une définition du sans-abrisme, à part que c’est une forme extrême d’exclusion du marché du logement. Il peut s’agir de personnes vivant dans la rue, dans des hébergements d’urgence, dans hébergement pour immigréexs, avec un habitat précaire, menacéexs d’expulsoin, ou encore menacéexs de violences domestiques. Les chiffres sont aussi difficiles à estimer : selon des études [1], il y aurait entre 2’740 et 3’810 personnes sans-abris en Suisse. Pour Genève, ça représenterait 730 personnes [2].

    En Suisse, la confédération n’est pas responsable, ce sont les cantons et les communes qui sont compétentes au sujet du sans-abrisme. Pourtant, très peu de cantons ont des plans d’action contre le sans-abrisme, et la Röstigraben est forte : les cantons alémaniques sont bien moins impliqués que les cantons romands. Ainsi, Genève a été le premier canton à introduire une loi de lutte contre le sans abrisme et la ville de Lausanne a un plan d’action.

    Les causes du sans-abrisme sont multiples :

    • détresse financière (manque de revenu et dettes)
    • problèmes de santé (addictions, maladies chroniques)
    • migration (par exemple des personnes sans papier qui ne peuvent pas demander l’aide sociale)
    • violences domestiques, conflits familiaux ou discriminations anti-LGBTIQ+

    Les jeunes sans-abris sont parfois de jeunes femmes enceintes, des jeunes sans papiers, des jeunes avec dépendances ou des maladies psy, des jeunes queers qui ont dû partir de chez elleux... Iels sont en marge de la société (par exemple en n’arrivant pas à avoir un travail) et on peut parler de “yoyoisation des parcours de vie”, c’est-à-dire que les trajectoires scolaires et professionnelles sont de plus en plus discontinues. De plus, le passage à la majorité est souvent un moment charnière car les mesures de protection de l’enfance s’arrêtent et les jeunes se retrouvent à devoir gérer leurs problèmes seulexs.

    Il y a un réel besoin de structures d’accueil ! A Zurich et Berne, deux centres d’hébergement (Nemo et Pluto) ont ouvert récemment et ont été direct remplis. Comme toutes les personnes sans-abris, les jeunes sans-abris ont un accès inégal à un soutien. C’est dû au fédéralisme : il y a un système différent dans chaque canton, et la situation est très différente selon quels papiers les jeunes ont.

    Quand je devais rechercher un petit studio, c’était assez compliqué. Je n’étais plus chez mes parents. Il fallait que j’aille à Point Jeunes. Après j’ai demandé à avoir une assistante sociale et comme je n’avais pas de toit et pas de foyer, c’était beaucoup plus compliqué et il fallait que j’attende. J’ai eu l’opportunité à voir des amies... des escaliers... comme ça.

    20 ans, Genève

    Et puis je me suis fait virer de chez moi et puis j’ai été sans-abris pendant deux à trois semaines. Et là, j’ai pu être hébergé par des collègues. Je me suis adressé au service social, mais ils ne voulaient pas m’aider, Ils m’ont dit “oui tu peux être à la maison, tu dois voir chez toi si tu peux régler ça.”

    21 ans, Bâle

    Le principe de subsidiarité veut que l’Etat analyse au cas par cas si la détresse est vraiment réelle. Pour l’Etat, il faut donc en priorité réconcilier les jeunes avec leurs parents avant d’intervenir et de leur fournir du soutien. Ce principe de subsidiarité génère donc de fait des passages de sans-abrisme pour les jeunes. De plus, la formation professionnelle reste la priorité des cantons, et non l’accès au logement. L’aide sociale fait un tri dans qui est soutenu : la politique ciblée est teintée de l’idée de retour sur investissement, c’est-à-dire qu’on aide les jeunes qui ont l’air d’avoir un avenir (par exemple qui vont bientôt terminer un apprentissage). En gros, on favorise les “bons jeunes précaires”.

    La conférence se termine avec l’affirmation qu’il faut évidemment plus de structures d’accueil, mais pas n’importe lesquelles. Par exemple, le partage d’espaces ne permet pas une appropriation de l’habitat et l’ancrage qui est nécessaire pour des mineurs dont l’attachement premier a été rompu. Il faut donc plus de logements de qualité.

  • Incertains abris : pratiques et épreuves de l’habiter en situation précaire (compte rendu)

    Maud Reitz (Observatoire des précarités, HETSL) présente son étude sur les pratiques de recours à l’habitat précaire, qui recoupent beaucoup de situations différentes (caravanes, installations de fortune dans la rue, logements insalubres, squats…). Il s’agit ici de personnes privées de domicile personnel, qui ne sont donc pas vraiment sans abri. Leurs habitats sont souvent perçus à travers le manque, avec une vision misérabiliste et surplombante. Pourtant, ces espaces ne se résument pas à leur supposée inhabitabilité. Les personnes qui ont des habitats précaires sont soit perçues comme des victimes démunies (sans ressources économiques, sociales ou culturelles, en mauvaise santé...) soit comme des coupables ou des indésirables qui ne respectent pas les lois et les normes sociales. Cette vision est binaire et stigmatisante. Elle leur dénie la capacité de s’auto-organiser.

    La conférence se concentre sur 2 types d’habitat précaire : le camping résidentiel et l’hébergement chez des tiers. Dans ces deux cas, il s’agit de solutions de repli indispensables, mais qui contribuent à minimiser la responsabilité des pouvoirs publics dans la crise du logement, et relativiser le type de réponse qui doit y être apportée. L’étude se base sur une enquête ethnographique sur 15 mois avec 19 particpantexs, des entretiens et des observations.

    Le camping résidentiel

    Les personnes vivant dans cette situation sont souvent de jeunes adultes en formation, des travailleureuses saisonnierexs (surtout issuexs de l’UE), des personnes sans emploi qui survivent grâce à l’aide sociale), ou encore des retraitéexs avec de petits revenus.

    Le camping est une solution de repli opportune car le coût est plus bas que le marché libre. Il peut donc s’agir d’une alternative préférable et plus durable. Et ça peut aussi permettre à plus de gens d’être propriétaires de leur habitat. Donc ça offre une forme de stabilité et un cadre plus sécurisant, où il est possible de se poser et de plus bouger. C’est aussi un lieu de vie sociale, avec des moments de convivialité, des formes de solidarité. On peut s’approprier un espace de vie, y a pas besoin de répondre à un proprio, c’est un peu une reprise de contrôle sur son environnement de vie.

    Évidemment y a pas que du positif : les contraintes matérielles sont nombreuses. Les infrastructures sont complètement inadaptées à l’hiver (par exemple, l’eau est souvent coupée pendant l’hiver et les factures de gaz et d’électricité augmentent énormément). Si l’été, l’habitat s’étend sur toute la parcelle (avec des chaises, des tables,...), l’hiver représente un repli et une exigüité des habitats, ce qui limite l’entretien des relations sociales et qui représente donc un retour à l’isolement.

    Dans le canton de Vaud, l’habitat permanent dans un camping n’est pas reconnu, mais toléré sous conditions depuis 2010. Souvent, les gens bricolent une solution en déclarant une résidence principale chez unex proche. Une autre restriction, c’est que les proprios des campings peuvent fixer et modifier les règles concernant l’habitat (nombre de visites autorisé, pas le droit de tailler sa haie...). Et ça peut donner des pratiques abusives, comme des contrats rompus, des tarifs qui augmentent. Il n’y a pas d’homogénéité entre les tarifs sur tout le camping, comme on dit c’est fait “à la tête du client”. De plus, même si on est propriétaire de son habitat (par exemple un mobile home), on est quand même locataire de la parcelle. Donc si le camping ferme, on risque de devoir abandonner son habitat car le déplacement d’un mobile home est très coûteux et les gens se sont souvent endettés pour l’acheter. En plus, c’est dur de retrouver une place dans un autre camping qui accepte des résidentexs à l’année. Le camping, ça reste un marché, même si c’est un inframaché du logement : il y a une offre limitée et un grand pouvoir des gérants. Aussi, les campings pas chers se font rares, car les proprios adaptent les loyers aux montants de l’aide sociale.

    L’hébergement chez des tiers

    Ce type d’habitat concerne tout type de personnes : des jeunes adultes, des personnes sans statut de séjour ou en transition entre deux logements, des travailleureuses saisonnierexs... Il s’agit d’une solution fondée sur des arrangements informels, dans la sphère privée, ce qui invisibilise complètement la problématique. Habiter chez des tiers, ça peut être :

    • un hébergement chez des proches
    • un hébergement citoyen : une initiative d’acteurs civils (souvent collectifs, mais aussi des paroisses par exemple)
    • un hébergement chez des particuliers avec qui on a aucun lien
      Dans tous les cas, ça demande des ressources sociales

    Habiter chez quelqu’un, ça représente un moment de répit, l’occasion de faire des démarches administrative, de se reposer, de rechercher un logement plus pérenne. ça permet de créer, maintenir ou renforcer des liens sociaux. ça permet aussi de d’être soutenuex, par des proches par exemple.

    Pendant cette période où je vivais dans ma voiture, quand j’allais chez mes potes, c’était cool. Le fait d’avoir un support émotionnel, des gens qui me disaient : “c’est ok tu peux te laisser aller, t’es safe ici, on est dans un appart”. ça m’a beaucoup aidée à me sentir de nouveau écoutée et à me reconstruire

    Marie, 30 ans, au chômage, Suisse

    Mais habiter chez quelqu’un, c’est aussi une relation asymétrique, un sentiment de redevabilité et la mise en place de formes de compensation. Quand on a des ressources financières, on essaie de remplir le frigo, d’acheter des bières et des cigarettes, de payer un bout de loyer. Mais quand on a pas de thune, on essaie de compenser autrement, par exemple en faisant le ménage.

    Every morning, I wake up, I clean the kitchen, throw everything in the bin, throw the bottles in the trash, sometimes I cook, so everybody is happy, you know. Also, there are some stuffs I shouldn’t eat because I get sick, but I eat them because I don’t want to tell them. I don’t want to be rude, that’s why.

    Assan, 29 ans, sans statut de séjour, Etat tiers

    Cette asymétrie est source de mal-être et de tension. Parfois, elle expose à des formes d’abus, lorsque des contreparties sexuelles sont plus ou moins attendues.

    Ce qui est compliqué avec les mecs c’est qu’au début tu te dis “c’est cool, je vais pouvoir me poser, je vais être à l’aise” et puis très vite ils font des petites allusions où tu sens qu’ils attendent quelque chose de toi, C’est toujours ça qui est compliqué. Faire attention à ce que tu dis parce qu’il faut pas non plus froisser et prendre le risque de se faire foutre dehors. Et puis en même temps, être suffisamment sympathique, mais ne pas trop ouvrir la porte et que ce soit mal interprété. Franchement c’est épuisant.

    Laura, bénéficiaire AI, Suisse

    Le partage des espaces entraine parfois une proximité subie très compliquée, qui engendre un épuisement physique et psychique intense et restreint la capacité à maintenir des activités (sociales ou professionnelles). Pour faire face à ça, les gens mettent en place une stratégie de restreinte, en utilisant les espaces communs avec parcimonie ou en limitant l’occupation du logement autant que possible. En gros, iels se font “tout petits”, ce qui aggrave l’instabilité permanente. On a une absence de prise sur la durée du séjour, surtout quand les hébergeureuses ont aussi un statut précaire (ex : maison squattée).

    Conclusion

    Pour ces deux formes d’habitat, les solutions informelles constituent des variables d’ajustement invisible, c’est-à-dire que les autorités s’appuient dessus pour ne pas gérer les personnes sans-abris. Ce transfert de responsabilité minimise la responsabilité des pouvoirs publics et a de graves répercussions sur les conditions d’existence et le parcours des individus. Aussi, ça invisibilise le problème et empêche de poser un véritable diagnostique sur les phénomènes d’exclusion liés au logement.

  • Les revendications de 43m2

    Quand on arrive, il y a plein de ressources dispo. Notamment les revendications du collectif 43m2, c’est-à-dire :

    • davantage de places dans les hébergements d’urgence !
    • des hébergements d’urgence ouvert à tous.tes !
    • une décriminalisation du sans-abrisme et la fin de la répression !
    • des logements pour tout le monde !
      Les revendications sont à lire ici !

Aujourd’hui commence le Forum du le Sans-Abrisme à Lausanne, Renversé.co s’est entretenu avec un membre du Collectif 43m2 qui coorganise cet événement.

Pour rappel 43m² est né en 2022, dans le Canton de Vaud, à la suite d’un constat d’échec du dispositif cantonal d’hébergement d’urgence et du dispositif bas-seuil. Son nom, 43m², c’est la surface moyenne habitée par personne dans le Canton de Vaud. Derrière cette moyenne se cachent des réalités bien différentes : certains possèdent des surfaces immenses, souvent inutilisées, tandis que d’autres n’ont que la rue.

Entre occupations, autres actions et débats avec des institutions et des politicien.ne.s Renverse.co s’est intéressé à leur méthodes protéiformes. Renverse.co sera aussi au forum pour vous assurez quelques comptes-rendus des discussions et conférences.

Il semble que vous cumulez les stratégies allant de l’action directe jusqu’à des espaces de débats en collaboration avec des milieux institutionnels, comment le collectif a-t-il imaginé ça ?

On voit ca plutôt comme une seule stratégie plus globale composée d’éléments qui ne s’opposent pas. Une stratégie globale contre le sans-abrisme pour laquelle on joue, en tant que collectif , une multitude de rôles différents dont certains qui pourraient être pris par d’autres. Et c’est ce qu’on souhait justement à cette lutte. Si on était beaucoup plus, différents individu.e.x.s, collectifs et ou autres organisations pourraient alors s’occuper de chacun des aspect d’une telle lutte commune. Pour le moment, on est plutôt seul comme orga militante alors on réfléchit comme si on était plusieurs entités.

Concrètement, ça a quoi comme effet le fait que 43m2 ait mené a bien tant des occupations pour pour faire des espaces d’accueil autogérrés, que d’autres actions symboliques, et un forum sur le sans-abrisme ?

Pour ce qui est du cas de 43m2, on pense que le fait que ce soit le même collectif qui fasse ces différents types d’actions fait passer les actions directes comme presque normales. Ca participe d’une certaine façon à asseoir leur légitimité.

De manière générale, au-delà du système d hébergement d'urgence, il paraît nécaissaire que la lutte contre le sans-abrisme s’inscrive dans une lutte plus large pour la dépénalisation et la décriminalisation, conjointemment aux luttes anti-carcérales par exemple.

Tu parles là des modalités d’action, des différentes formes possible, qu’en est-il du contenu ?

Jouer le jeu du débat comme ce sera le cas lors de ce forum sur le sans-abrisme, c’est une façon de faire entendre aussi nos conclusions et revendications dans un autre genre de contexte et on l’espère avec un autre impacte possible.
De toute évidence, le personnes issues du mon académique/scientifique et qui travaillent sur le sujet arrivent aux mêmes conclusions que nous. Par exemple, l’étude sur les hébergements d’urgence de l’école de fribourg mandatée par le Canton de Vaud tire ces même constats évidents, comme une sous-évaluation du système d’urgence, un manque de place en tout temps mais surtout en été (qui montre les limites de la poitique du “thermomètre”) et le besoin de mettre en place des hébergements ouvert 24h sur 24h.

On peut penser que, c’est triste d avoir besoin de scientifiques pour valider un discours militant. On voit pas le truc comme ça. Pour nous, c’est plutôt qu’on attend des politiques qu’ils prennent des décisions rationnelles en se basant sur des travaux pertinents et approfondis sur le sujet ainsi que sur les expériences de terrain. Dans le collectif, on est une bonne majorité à être des travaileureuse.x.s sociale.x.s en lien avec ce terrain et il nous a semblé évident d’embarquer ces personnes plus scientifiques et académiques dans cette lutte pour porter avec nous nos revendications. Cet événement c’est aussi ça, une rencontre entre des gens de terrains et des académiques.

Tu dis qu’une bonne partie de vos constats et réflexions sont partagées par le côté académique représenté par l’HETSL(Haute École de Travail Social) qui coorganise et accueil l’événement. Dès lors, quels sont vos apports qui sont propres à un collectif militant comme 43 m² ?

Un projet que nous présenterons le jeudi, c’est une base de données en forme de frise chronologique de le mise à l’agenda politique de la question du sans-abrisme dans le Canton de Vaud. Un des éléments que soulève cette frise c’est l’importance des des activités militantes et de leur relais via les médias pour faire du sans-abrisme un sujet politique. Ce rôle propre à des organisations militantes, de politiser et de médiatiser un sujet par des actions concrètes et symboliques, est crucial et nous sommes effectivement les seul.e.x.s à en parler.

Un deuxième élément qui me paraît primordial, c’est l’importance selon nous d’élargir la question du sans-abrisme aux politiques raciales et racistes et à la criminalisation des personnes étrangères. Alors que d’autres disent qu’il n’est pas pas sérieux de mélanger ces sujets, nous affirmons aux contraires que ces problèmes systémiques ont un lien et se nourrissent parmi.

De manière générale, au-delà du système d hébergement d’urgence, il paraît nécaissaire que la lutte contre le sans-abrisme s’inscrive dans une lutte plus large pour la dépénalisation et la décriminalisation, conjointemment aux luttes anti-carcérales par exemple.

retrouvez le programme ici

Notes

DANS LA MÊME THÉMATIQUE

À L'ACTUALITÉ

Publiez !

Comment publier sur Renversé?

Renversé est ouvert à la publication. La proposition d'article se fait à travers l’interface privée du site. Si vous rencontrez le moindre problème ou que vous avez des questions, n’hésitez pas à nous le faire savoir
par e-mail: contact@renverse.co