Violences policières Justice Procès entretien

Justice pour Hervé : le combat n’est pas terminé

Plus de 4 ans après le meurtre d’Hervé Bondembe Mandundu, suite à 1 jour et demi de procès puis 7 jours d’attente, ce mercredi 31 mars la cour criminelle du Tribunal d’arrondissement de l’Est vaudois rendait son verdict. L’assassin d’Hervé a été acquitté et indemnisé de 35’000 CHF par l’État. Ce procès est le premier de trois affaires de meurtre raciste par la police romande. Nous avons encore une fois la preuve que les non-blancs doivent se battre deux fois plus pour leur justice et pour leur dignité. Nous sommes prêt-e-s.

Lausanne |

N’oublions jamais, Hervé Bondembe Mandundu était un homme noir de 27 ans, père de famille et comme on dit au Congo : « l’enfant de quelqu’un ». Il a été abattu à balles réelles par un caporal de la Police du Chablais vaudois – lui-même accompagné de 4 de ses coéquipiers formés et entraînés – la nuit du 6 novembre 2016 au cours d’une intervention de routine à Bex. Le caporal, devenu sergent depuis le meurtre, a tiré 3 balles dans le corps d’Hervé, dont deux qui lui ont été fatales. Ce policier formé aux arts martiaux et muni d’armes non-létales, a fait le choix d’utiliser son arme à feu au péril de la vie d’Hervé Bondembe Mandundu et de viser le thorax, plutôt que d’envisager les nombreuses alternatives dont il disposait. C’est notamment pour ce fait qu’il a été prévenu pour meurtre. 

Les nombreuses incohérences de l’affaire ont été énoncées par le procureur avant de plaider pour l’acquittement du meurtrier d’Hervé. Notamment, la distance entre le tueur et sa victime aurait été plus grande que dans le témoignage du meurtrier. Il aurait donc pu voir Hervé arriver de loin, ce qui remettrait en cause, selon le procureur, la légitimité du policier à tirer. De plus, les policiers ont déplacé le corps du défunt et ont tenté de nettoyer le sang. Finalement, selon le témoignage de voisins, les policiers auraient pris le temps de se concerter avant d’appeler les secours. 

Depuis le début de l’affaire, la couverture médiatique ainsi que l’angle du procès ont contribué à rendre cet homicide justifiable, voir justifié, aux yeux de l’opinion publique. Il y a eu une confusion nette et délibérée entre qui était la victime et qui était l’assassin. Nous avons ainsi assisté, d’un côté, aux calomnies à l’encontre d’Hervé Bondembe Mandundu : la victime a été salie, dégradée, humiliée et condamnée comme si elle était sur le banc des accusés. De l’autre, nous avons été témoins de la mascarade médiatique – tant dans les médias dits « de gauche » que dans les médias institutionnels – et de son parti pris pour l’assassin. La presse a inventé à Hervé des tares qui, même si elles étaient vraies, ne justifieraient pas sa mort, alors qu’en revanche elle déplore la situation dans laquelle se trouve son assassin.

Une famille prête : leur témoignage 

Quelques jours avant le procès, lors de notre rencontre, la famille était prête à se livrer à un bras de fer. Nous leurs avons alors posé quelques questions :

OC : Comment vous sentez-vous en attendant le procès ?

Mme et M. Mandundu (parents) : On connait notre fils, sa manière d’être, c’était quelqu’un de bien. Donc voilà : nous attendons et nous serons là pour écouter. S’ils nous le demandent, nous sommes prêt-e-s à intervenir pour parler. Nous sommes positifs et venons en paix. On a attendu quatre ans. Quatre ans… On a subi beaucoup de choses. Nous avons été suivi-e-s par des professionnels. Donc voilà maintenant, après quatre ans, c’est le procès. Nous attendons le jour J et comment ça va se passer. Nous sommes confiant-e-s.

OC : Avez-vous connaissance de la stratégie du prévenu et de son avocat ? Ce qu’il va plaider ?

M. Mandundu : Nous ne connaissons pas leur stratégie. Nous, nous sommes là, si on arrive déjà jusqu’au procès c’est bien qu’il y a quelque chose, qu’ils ont trouvé quelque chose du côté du policier. Donc nous attendons, comme tout le monde, de voir ce qu’il va se passer.

OC : Quelles sont vos attentes ? Est-ce que vous allez témoigner ?

Mme Mandundu (mère) : Témoigner… L’avocat nous a dit de décrire Hervé parce que pour la police, Hervé était méchant. On entend : « Hervé était ci Hervé était ça ». C’est important aussi en tant que famille de parler de Hervé, parce que ça fait maintenant quatre ans qu’il n’y a personne d’autre que la police qui parle de lui. C’est le moment de venir en tant que famille dire qui il était.
M. Mandundu : C’est le moment de parler, il faut en parler de manière générale. (On a confiance, nous allons gagner. On sait que ça va bien se passer.) Ils sont un peu excités parce qu’ils ont tué. Voilà. Ils ont assassiné. C’est pour ça qu’ils disent « il a fait ci, il a fait ça, il était comme ci ou comme ça ». Si vous n’aviez rien fait, vous seriez juste calmes.

OC : Dans ce sens, vous voulez qu’il soit jugé coupable ? Vous voulez qu’il soit puni ?

Mme Mandundu : Nous sommes une famille chrétienne, nous ne sommes pas là pour punir les gens, mais nous voulons que la justice soit faite. Ce n’est pas à nous de condamner. Nous voulons la vérité sur les événements et que les policiers puissent avoir le courage au moins de dire ce qu’il s’est réellement passé, parce qu’ils avaient d’autres moyens de maîtriser Hervé. 

OC : Que pensez-vous de ce discours médiatique, du discours de la police dans la presse ?

M. Mandundu : C’est leur façon d’accuser quelqu’un qui est innocent. Parce que quand tu ne trouves rien sur la victime, il faut aller dans ce sens : « Nooon il avait fait ça, il est ça, il est drogué… » On l’accuse devant le monde, devant les gens. C’est comme ça. En vérité, Hervé n’est pas comme ça. Nous connaissons notre fils. Nous connaissons Hervé.

À l’issue de l’entretien, nous avons pu discuter de la visibilité extra-nationale du meurtre de Hervé dans les milieux militants et associatifs. La famille a pu voir le nom de Hervé sur une fresque murale à Lausanne. Elle était très touchée de savoir que son nom résonne encore, en manif, dans les espaces publics comme dans les espaces politiques, et dans nos cœurs.

Un verdict qui fait froid dans le dos

Acquitté et indemnisé à hauteur de 35 000 francs suisses avec l’argent du contribuable. Nous ne pardonnerons jamais ce verdict abject, de la part d’un État policier qui protège ses hommes au détriment de la vérité. 
Habitée par la colère, mais aussi par leur amour pour leur fils, c’est la tête haute que la famille a quitté le tribunal ce matin sans même recevoir d’excuses. Nous pouvions voir, à quelques mètres, l’avocate de la défense jubiler et parader devant les caméras.

Avant même le verdict, Mme Mandundu s’interrogeait : « Je ne comprends pas pourquoi ils nous ont fait venir si c’était pour vivre ça, on aurait dû me laisser chez moi  ». Pour la famille et leur avocat, ce procès n’est qu’une étape : « On va se battre, on va rien lâcher, oui… c’est un combat qui se gagne sur le long terme  ». 

En effet, à leurs côtés nous nous battrons sans relâche pour que justice soit faite pour Hervé Bondembe Mandundu. Ce combat n’est pas vain. Il ajoute une pierre à l’édifice de toutes les familles en lutte depuis des décennies contre les meurtres policiers.

LA POLICE ASSASSINE, JUSTICE COMPLICE, DÉSARMONS LE BRAS ARMÉ DE L’ÉTAT !

À Hervé Bondembe Mandundu, Mike Ben Peter, Lamin Fatty, Nicolas Manikakis et tous les autres,

Nous porterons vos noms haut et fort et nous ne cesserons jamais de les scander, à nous-mêmes et au monde. Et de là où vous êtes, nous vous savons à nos côtés.

Une attaque contre l’un-e de nous est une attaque contre nous tou-te-s.
Rest in Power !

Outrage Collectif 

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