Féminismes - Luttes Queer Avortement

L’avortement n’est pas un sujet de débat !

Le rapport du “comité scientifique” sur le “rôle des universités dans le débat public” est sorti. On avait aucune attente et on est quand même déçuexs et choquéexs par son contenu.

Genève | Université de Genève |

Il sort d’où ce rapport ?

Ce “comité scientifique” a été créé par le rectorat en mai 2024, dans le but officiel “d’élaborer un rapport sur le rôle des universités dans le débat public”. Le but en vrai, c’était juste de légitimer la répression des étudiantexs qui ont occupé l’UNIGE pour protester contre le génocide en Palestine et demander le boycott académique des universités israéliennes. Au lieu de répondre aux revendications, le rectorat a créé ce “comité scientifique” afin de gagner du temps et donner l’illusion d’un processus de réflexion sur ses collaborations scientifiques. Le 10 mars 2025, soit 9 mois après la fin de l’occupation pour la Palestine, le rapport est sorti.

En 61 pages de blabla, le comité scientifique affirme que l’université ne devrait prendre position sur aucun sujet, hormis des sujets qui “la concernent entièrement”. On rappelle que les revendications des étudiantexs concernent littéralement les liens DE L’UNIVERSITE avec les institutions israéliennes. Ils prêtendent que cette “neutralité” garantirait la liberté d’expression et académique des membres de la communauté universitaire - enfin à part si tu parles un peu trop fort de ce qui te dérange et/ou que tu n’es pas un vieux prof blanc fortuné. Entre les lignes, on comprend que l’UNIGE est en train d’esquiver une fois de plus tout commentaire par rapport au génocide en cours en Palestine. Pour mieux comprendre le tour de passe-passe tordu que le comité scientifique tente avec ce rapport, voir le texte de la CUAE "Rapport du comité scientifique de l’UNIGE : la neutralité ou comment choisir le camp de l’oppresseur et éliminer la contestation"

Noyer le poisson (et des décennies de lutte)

Dès les premières lignes du rapport, on a été écoeuréexs, mais en tant que féministes, un autre paragraphe nous a abasourdiexs. Dans la conclusion du rapport, en réponse à la question de savoir si les universités devraient se postionner sur le “débat public”, le “comité” écrit :

“le comité scientifique estime que les universités ne doivent généralement pas prendre position sur des sujets comme la politique pénale ou fiscale, la légalité de l’avortement ou de l’euthanasie, la guerre en Ukraine ou le conflit israélo-palestinien”.

Ce qu’on comprend de cette phrase, c’est que ce “comité” veut tellement pas prendre position sur le génocide en cours en Palestine qu’il a la glorieuse idée de le noyer sous une tonne d’autres “exemples” déplacés (alors qu’on ne l’avait pas sonné). Ce mélange devrait alors passer pour de la “neutralité”. Le fait que l’exemple de la légalité de l’avortement surgisse dans ce rapport, le fait qu’elle soit présentée comme un sujet légitime de débat, c’est cracher sur des décénnies de luttes féministes. On le sait, l’avortement, qu’il soit légal ou non, est pratiqué. La différence, c’est que dans un cas il est pratiqué de façon encadrée et safe par des professionnellexs, et que dans l’autre il est pratiqué dans la clandestinité, dans des conditions précaires, insalubres, et donc beaucoup plus dangereuses. Sans parler du fait que si l’avortement est illégal, en plus de prise de risques pour la santé, les practiciennexs comme les patientexs s’exposent en plus à des risques légaux. Sa prise en charge dans des conditions adaptées represente simplement un droit reproductif essentiel et un enjeu crucial d’accès à la santé. Qu’un conseil scientifique mandaté par le rectorat se permette oklm de présenter la légalité de l’avortement comme un sujet sur lequel il n’appartient à personne de trancher (et qu’on devrait donc indéfiniment débattre car tous les avis sur ce sujet sont valides ?) est une insulte envers nous et notre droit inaliénable à l’autodétermination de nos corps. Le mépris est encore plus atterrant, quand on sait que quelques jours avant la sortie de ce rapport, l’UNIGE avait organisé un fucking “hall de l’égalité” dans UniMail à l’occasion de la journée internationales des luttes féministes.

C’est quoi le rôle de l’uni ?

Alors elle sert à quoi, cette position “neutre” (ou cette “réserve” comme aime l’appeler l’UNIGE) ? A ne pas faire de vagues, en tout cas. Pour nous, elle montre aussi la place de l’université dans la société selon le rectorat actuel. Il rejette l’université comme un espace de recherche, de réflexion appliquée, une institution en lien avec le monde extérieur, un endroit au sein duquel les savoirs permettent une prise de position critique, nuancée et argumentée sur un objet. Le rectorat actuel prouve son oubli de l’histoire en faisant comme si les thèmes sur lesquels il refuse de se positionner n’étaient pas basés sur des luttes sociales et la création du savoir pour y parvenir, mais des questions éthiques privées que chacun.e.x devrait se poser chez soi (et uniquement chez soi). L’université se lisse, et devient un business. Il faut attirer des étudiantexs, des financements, se hisser dans le classement, être un espace de prestige. Et quand l’objectif est de plaire à tout le monde, il faut bien se garder de prendre position et d’affirmer des positions tranchées - même sur des droits humains.

L’université est une institution publique qui a l’obligation de respecter les droits fondamentaux et de contribuer à leur réalisation (c’est pas nous qui disons ça, c’est la Constitution). Le fait qu’elle ne défende pas ce droit fondamental d’accès à des soins basiques, mais qu’elle le présente comme un sujet de débat légitime, est choquant et indigne.

L’avortement n’est pas un débat, c’est un droit fondamental. Sa légalité n’est pas une question de morale individuelle mais un prérequis de santé publique.

NOS CORPS NE SONT PAS UN LIEU DEBAT. PAS TOUCHE À L’AVORTEMENT.

P.S.

Le cintre en métal symbolise les avortements clandestins et leurs dangers. Lorsque l’avortement est illégal, certaines personnes enceintes utilisent notamment des cintres en les insérant dans leur utérus pour essayer d’avorter, ce qui peut provoquer des blessures mortelles.

Notes

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