Éducation - Partage des savoirs Précarité

L’Université de Genève, combientième au classement de la précarité étudiante ?

“L’Unige, 62e meilleure université au monde où ¼ des étudiant-e-x-s renoncera à une consultation médicale pour des raisons financières”. Derrière les classements élogieux, l’Université de Genève compte une large partie d’étudiant-e-x-s et de son personnel en situation de précarité. Cela risque fortement d’empirer ces prochains mois dans le contexte actuel d’explosion du coût de la vie. La précarité a d’énormes impacts sur les études. Plutôt que de se soucier du classement de Shanghai, le Rectorat devrait davantage penser, prendre des mesures et mettre des moyens pour assurer des conditions d’études dignes à tou-te-x-s les étudiant-e-x-s sans exception. Nous dénonçons son manque de volonté politique et appelons les étudiant-e-x-s et le personnel à s’organiser, en se syndiquant et en agissant ensemble !

Genève | Université de Genève |

À l’Université de Genève aussi, la précarité est présente. De nombreux-se-x-s étudiant-e-x-s de l’Université de Genève (Unige) vivent dans une situation de précarité, c’est-à-dire d’incapacité ou de grande difficulté à subvenir à leurs besoins de base, et d’insécurité financière, faute d’emploi ou de revenu stable. Cette précarité engendre notamment de la souffrance sur le plan de la santé physique et mentale, de l’exclusion au niveau social, des difficultés relationnelles et dans les études.

La précarité étudiante - déjà dénoncée maintes fois par la CUAE (le syndicat étudiant de l’Unige), notamment lors du mouvement de revendication des repas à 3 CHF dans les cafétérias universitaires, qui a culminé avec l’occupation d’une des cafétérias en fin 2021 [1] - est toujours présente depuis et s’aggrave même fortement aujourd’hui.

Dans l’ "Enquête G3 sur les conditions de vie et d’études - Activité rémunérée, finances et niveau de vie" [2] réalisée en 2021, plusieurs indicateurs révèlent comment la pandémie notamment a engendré une précarisation grandissante des étudiant-e-x-s. En 2021, 52% des étudiant-e-x-s n’exercent pas d’activité rémunérée, alors qu’en 2020 iels n’étaient que 37%, une diminution extrêmement forte. 8% disent avoir perdu leur emploi, 19% n’avoir pas trouvé d’emploi qui leur convenaient et 31% n’avoir pas trouvé d’emploi du tout. Ces résultats s’expliquent en grande partie par la fermeture de nombreux établissements pendant la pandémie dans des secteurs engageant de nombreux-ses étudiant-e-x-s (restauration, loisirs, vente, etc.). 36% des étudiant-e-x-s ayant répondu à l’enquête jugent négativement leur situation financière, et 21% ont dû demander une bourse d’études. 58% des étudiant-e-x-s habitent chez leurs parents, souvent pour des raisons financières. Pour 47% des étudiant-e-x-s exerçant une activité rémunérée, celle-ci est “absolument nécessaire” d’un point de vue financier.

Et c’est une forte augmentation de la précarité qui risque d’arriver cet hiver. L’inflation, en particulier sur les prix de l’énergie, couplée à la hausse des primes maladies déjà exorbitantes, sans parler du montant des loyers, risque d’avoir des conséquences sociales terribles.

Alors que la situation se détériore pour les classes défavorisées dans tous les pays, les grèves se multiplient, en France notamment avec les salarié-e-x-s des raffineries et des stations essence, et ici aussi à Genève, avec la grève qui vient de se terminer du personnel de la fonction publique et du secteur subventionné (12 octobre) et des TPG (12-13 octobre), et avant celle des maçons programmée pour novembre (7-8 novembre).

C’est dans ce contexte qu’une action d’affichage (reprenant l’identité visuelle marquante d’une campagne passée de l’Unige) a eu lieu à l’Unige pour dénoncer la précarité étudiante, et l’absence de volonté politique du Rectorat de s’en soucier réellement.

Les étudiant-e-x-s dont l’emploi est “absolument nécessaire” évaluent de manière bien plus négative leur santé mentale.

Car la précarité d’une large partie des étudiant-e-x-s a des conséquences très négatives sur leurs études. Toujours selon les résultats de l’enquête menée en 2021 [3], les étudiant-e-x-s dont l’emploi est “absolument nécessaire” évaluent de manière bien plus négative leur santé mentale, notamment leur qualité de sommeil, leur alimentation, leur vision de l’avenir et leur confiance en soi, qu’iels jugent négativement pour près de 60% d’entre elleux. Leur situation de précarité est aussi symptomatique au niveau de leur épuisement moral et physique, qui les touche massivement. Cela se répercute aussi sur leur organisation du travail universitaire, la gestion de leur temps et leur préparation aux examens, qu’iels jugent mauvaise près de la moitié d’entre elleux.

De plus, une grande partie des étudiant-e-x-s en situation de précarité est déjà désavantagée dans les études de plusieurs manières (qui sont aussi en partie explicatives de leur situation de précarité) : plus de 40% des étudiant-e-x-s dont l’emploi leur est financièrement "absolument nécessaire" ont des parents qui n’ont pas été diplômé-e-x-s d’une haute école, chiffre qui s’inverse complètement lorsqu’il est question des parents des étudiant-e-x-s dont l’activité n’est "pas vraiment nécessaire" ; et près de 30% des étudiant-e-x-s dont l’emploi est "absolument nécessaire" ne viennent pas de Suisse. 21% des étudiant-e-x-s ne sont pas satisfait-e-x-s de leur logement pour étudier, en particulier celleux dont les parents ne sont pas diplômé-e-x-s d’une haute école [4].

Et les étudiant-e-x-s ne sont de loin pas les seul-e-x-s à subir la précarité à l’Unige : le corps intermédiaire (doctorant-e-x-s, post-doctorant-e-x-s, chargé-e-x-s de cours/d’enseignement,,...) est directement concerné, vu les bas salaires touchés, la charge de travail imposée, la pression subie et l’instabilité du poste, avec l’insécurité financière, mentale et relationnelle qui va avec, comme le démontre une autre enquête [5].

L’Unige doit mettre au centre de ses priorités les conditions de vie, de travail, la sécurité financière, la santé et le bien-être de son personnel, en particulier du corps intermédiaire, ainsi que des étudiant-e-x-s, plutôt que de se soucier des classements internationaux basés sur les prix reçus et les publications académiques [6] !

Les enseignements, les examens et travaux à rendre devraient être aménagés de manière à ce que tou-te-x-s les étudiant-e-x-s, cumulant des emplois et/ou du travail reproductif (travail non-payé effectué très largement par les personnes n’étant pas des hommes cisgenres, tel que le travail domestique, de soin, d’éducation des enfants, etc.) puissent réussir leurs études, et ce sans menacer leur santé physique et mentale. Le lien social et le bien-être de chacun-e-x étudiant-e-x devraient être considérés comme un objectif premier.

L’Unige devrait par exemple bien davantage prendre en compte les conditions de travail universitaire des étudiant-e-x-s souvent difficiles dans leurs logements, et garantir des espaces à disposition en conséquence pour le travail universitaire ainsi que le repos. Et plus profondément, l’Unige devrait s’activer pour permettre aux étudiant-e-x-s de bénéficier de logements dignes à des loyers abordables. Vu le nombre important d’étudiant-e-x-s qui s’endettent pour pouvoir être soigné-e-x-s ou qui ne se soignent pas pour éviter de devoir payer, l’Unige devrait garantir à tou-te-x-s ces étudiant-e-x-s la prise en charge des frais de santé physique et mentale. C’est une question d’égalité des chances pour réussir ses études ! Et pour élargir l’accès à l’Université de nombreuses personnes qui en sont économiquement exclues !

Ce n’est malheureusement pas la voie qui semble être prise à l’Unige, où 103 millions de francs sont consacrés à 366 profs, pendant que 19 millions sont prévus pour 18’865 étudiant-e-x-s [7], comme le disait une de nos affiches.

Discutons de nos conditions de vie et/ou de travail autour de nous, avec nos collègues, nos camarades, nos ami-e-x-s, et organisons ensemble des actions !

Etudiant-e-x-s ou salarié-e-x-s, face à la précarisation qui monte, à la dégradation des conditions de vie et de travail, une solution : l’organisation collective. Cela passe par la syndicalisation, que ce soit au sein du syndicat étudiant (CUAE) ou des syndicats du personnel de l’Unige, ainsi que par l’action !

La vie chère et les conditions de vie et de travail indignes ne sont pas une fatalité ! Discutons de nos conditions de vie et/ou de travail autour de nous, avec nos collègues, nos camarades, nos ami-e-x-s, et organisons ensemble des actions pour dénoncer la précarité et la logique néolibérale de focalisation sur la performance des mieux lotis dans laquelle elle s’inscrit ! Revendiquons des solutions qui mènent vers un système qui permette à tou-te-x-s de vivre dignement, d’étudier et de s’épanouir ! Soyons solidaires entre nous, posons les premiers jalons ensemble de ce nouveau système par nos actions et par notre organisation collective !

Notes

[1Retour sur l’occupation du Marx café, CUAE (13 mars 2022)
https://cuae.ch/retour-sur-loccupation-du-marx-cafe/

[2“Enquête G3 sur les conditions de vie et d’études - Activité rémunérée, finances et niveau de vie” Observatoire de la vie étudiante, Université de Genève (2021) https://www.unige.ch/dife/files/3816/4562/7899/Etu2021_-_Activite_remuneree_finances_et_niveau_de_vie.pdf

[3Voir note (2)

[4Voir note (2)

[5“Enquête 2021 sur les conditions de travail et de carrière du Corps des Collaborateurs et Collaboratrices de l’Enseignement et de la Recherche (CCER) à l’Université de Genève” https://www.unige.ch/doctorat/fr/enquete-2021-sur-le-ccer/

[6Classement de Shangaï des “meilleures universités du monde” https://www.shanghairanking.com/rankings/arwu/2022

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