Travail - précariat - lutte des classes

La face cachée de Montblanc - soutien aux travailleurs en lutte

Un sac à main à 1350 francs. Un porte-cartes à 230 francs. Un sac de course « mini format » en cuir à 1060 francs. Voici les articles siglés Montblanc que fabriquent des travailleuses et travailleurs dans la banlieue de Florence en Italie. Ils et elles travaillent 12 heures par jours, six à sept jours par semaines pour 900 euros mensuels. Une délégation est venue à Genève protester devant le siège du groupe Richemont qui possède la marque Montblanc et appelle à manifester solidairement mercredi à 12h.

Genève |

Compte-rendu du rassemblement du 11 septembre :

À la veille de la fin de leurs indemnités, fixée au 23 septembre prochain, une délégation de travailleurs sont venus à Genève pour protester contre le sort qui leur est fait par un groupe qui dégage d’extraordinaires profits. Lundi matin, ils ont tenu un piquet devant le siège de Richemont à Bellevue (Genève) et l’entreprise les a fait évacuer par la police. Ce mercredi matin, une délégation a tenté de faire connaître la situation aux actionnaires du groupe, mais leur action a également été empêchée par la police.

Un rassemblement devant une boutique de la marque

Finalement, grâce à la solidarité syndicale, un rassemblement de solidarité a pu se tenir devant une boutique de la marque Montblanc. Au cours de celui-ci, la Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS) a apporté, par la voix de Mireille Senn sa secrétaire, le soutien des syndicats genevois révoltés par ces pratiques d’un autre temps. La précarité et l’indignité des conditions de travail des ateliers de Prato Florence concerne toutes les travailleuses et tous les travailleurs. Les drapeaux du Syndicat interprofessionnel des travailleuses et travailleurs et de la CGAS ont flottés avec ceux du Sudd COBAS devant la boutique Montblanc à la Place du Port en signe de solidarité internationale.

Les responsables du syndicat Sudd Cobas qui s’étaient déplacés avec la délégation de travailleurs ont ensuite pris la parole. Ils ont souligné la gravité de la situation régionale et le mépris avec lequel les travailleurs ont été traités par le groupe Richemont. Une cinquantaine de personnes ont apporté le soutien de la population genevoise à cette action.

La région de Florence est une des plus grandes zones de production textile en Europe. Plus de 8000 entreprises y sont actives dans le secteur et beaucoup produisent des articles de luxe pour des marques mondialement connues. Ces marques profitent du label Made in Italy qui évoque une fabrication artisanale traditionnelle.

Ce label dissimule cependant des chaînes de sous-traitance à la base desquelles l’essentiel de la production est réalisée pour des coûts minimaux. Dans les ateliers des sous-traitants travaillent des personnes migrantes dont les autorisations de résidence sont précaires, parfois requérantes d’asile, parfois titulaires de permis temporaires. Les propriétaires des ateliers profitent de cette situation pour imposer des conditions de travail dignes de l’esclavagisme.

Délocalisation locale

Des travailleurs d’un de ces ateliers sont venus à Genève lundi pour dénoncer ces conditions de travail devant le siège de la holding Richemont. Leur expérience est particulièrement frappante. À la fin 2022, les travailleuses et travailleurs de l’atelier se syndiquent auprès de Sudd Cobas, un syndicat de base italien. Grâce à leur mobilisation, ils obtiennent, en février 2023, un accord diminuant l’horaire de travail et augmentant modestement les salaires. En mars, la holding Richemont annonce qu’elle va confier ses commandes à une autre entreprise. Luca, un responsable syndical, explique qu’il s’agit d’une « délocalisation locale » : les emplois sont supprimés dans une entreprise particulière, mais la production reprend dans la même ville ou dans la même région, dans une autre entreprise.

S’engage alors une lutte syndicale avec des grèves et des dénonciations publiques dans les rues de Florence de la politique menée par Richemont. Cette lutte semble faire fléchir la holding qui redonne des commandes à l’atelier. En décembre 2023, toutes les commandes sont à nouveau retirées à l’atelier et celui-ci est entièrement vidé de ses machines. Les quelque 70 travailleuses et travailleurs reçoivent une indemnité par le biais d’un dispositif étatique, mais cette indemnisation prendra fin le 23 septembre prochain.

Des pratiques esclavagistes généralisées dans le secteur du luxe

Luca souligne qu’il ne s’agit pas d’un cas exceptionnel. Toutes les entreprises du secteur fonctionnent sur le même modèle. Elles travaillent toujours pour un donneur d’ordre unique qui connaît très bien les conditions de travail et qui encourage la création d’innombrables entreprises dans lesquelles il peut « délocaliser » la production en fonction de la docilité des travailleuses et travailleurs. Dans le cas des camarades qui sont venus à Genève, le donneur d’ordre est la holding Richemont qui fait fabriquer dans ces ateliers la maroquinerie de la marque de luxe Montblanc.

Richemont est un groupe financier dont le siège est à Genève et qui possède de très nombreuses marques de luxe comme Cartier, Van Cleef & Arpels pour la joaillerie, Vacheron Constantin, Piaget et Jaeger Le Coultre pour l’horlogerie, Chloé ou Montblanc pour la mode et la maroquinerie. Il est classé troisième entreprise au monde dans le secteur du luxe, tout juste derrière LVMH. La fortune de son fondateur, le sud-africain Johann Rupert, était évaluée à 10,7 milliards de dollars en 2023.

Dénoncer la marque

Le syndicat Sudd Cobas mène en ce moment une campagne intitulée Shame in Italy qui parodie le Made in Italy et ses promesses de travail artisanal. Dans le cas de la délégation venue à Genève cette semaine, la situation de l’atelier, désormais vidé de ses machines, est si désespérée que la seule action qui semble encore possible est d’attaquer l’image des marques. Or, la holding Richemont tient cette semaine son assemblée des actionnaires. Ce lundi matin, un piquet a été organisé devant le siège de la holding : il a été brutalement dispersé par la police genevoise toujours très conciliante avec les esclavagistes.

Pour continuer à sensibiliser l’opinion publique, la délégation de travailleurs et leurs soutiens syndicaux appellent à se rassembler mercredi à 12h à la Place du Port, en plein centre des magasins de luxe, pour dénoncer la surexploitation dont font l’objet les travailleuses et travailleurs du textile de la région de Florence.

Le 10.09.2024, le Silure

Agenda

Rassemblement de soutien aux ouvriers de Mont-Blanc en lutte

 mercredi 11 septembre 2024  12h00 - 13h30
 mercredi 11 septembre 2024
12h00 - 13h30
 Place du port, Genève,

 

Place du port

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