Intro
Ce court tract "Marc Rudin, enfant de ’68" a été diffusé sous forme
ronéotypée au début des années 1990 en Suisse romande, au moment de
l’extradition de Marc Rudin (1945-2023) au Danemark. Des éléments intéressants de son parcours y sont relatés, à mettre en relation avec les nécrologies de Rudin qui sont parues dans Le Courrier, la WOZ et Vorwärts cette année.
Les personnes derrière ce texte ne pensaient sans doute pas qu’en 2023,
ce serait la Ville de Genève sous pavillon écologiste qui interdirait la tenue d’une exposition d’affiches de Rudin dans des locaux subventionnés.
Ce tract fait partie du fonds de l’infokiosque de Genève. Non-signé, il s’inscrit dans la continuité d’une réflexion menée par une partie de la mouvance radicale sur le devenir des luttes sociales dans l’après-1968, à lire notamment dans le numéro unique de "Lacrima" (1981 ; dispo à l’Infokiosque mais pas encore disponible en ligne).
Cet hommage à Rudin est à notre avis intéressant car de la même manière que l’ouvrage "La Horde d’or" sur le cas italien, il ne verse ni dans la dissociation, ni dans l’apologie de la forme armée comme solution à tous les obstacles rencontrés sur le chemin de la transformation sociale. A l’heure où les bombes pleuvent sans discontinuer sur Gaza et où une grande manifestation sera organisée le samedi 16 décembre prochain à Genève, cette contribution n’épuise bien sûr pas les discussions sur la solidarité à apporter dans la lutte du peuple palestinien pour sa liberté.
collectif Silure
Genève, 14 décembre 2023
Marc Rudin, enfant de ’68
C’est qui, Rudin ?
Pour les médias, c’est simplement un Suisse qui vient d’être condamné à
8 ans de prison au Danemark, accusé de complicité dans un hold-up au
profit du FPLP (Front populaire pour la libération de la Palestine)
commis en 1988. Pour ceux qui le connaissent, son histoire évoque 25 ans
de luttes radicales.
Militant et graphiste dans le mouvement bernois depuis ’68, Rudin s’est
beaucoup donné : le Vietnam, l’anti-franquisme, les premiers squats, la
culture alternative (il est aussi musicien), les grèves ouvrières des
années septante, la gauche prolétarienne à Paris, l’autonomie ouvrière
en Italie. Rudin a dû quitter la Suisse en 1979 à la suite de trois
explosions nocturnes devant des intérêts espagnols, protestation contre
la pratique de la torture dans l’Espagne post-franquiste. Il a travaillé
alors pendant des années comme graphiste avec les Palestiniens, en Syrie
et au Liban, jusqu’à son arrestation en Turquie en octobre 1991.
Les luttes radicales partent de convictions communes : Que ce qui est
illégal n’est pas forcément illégitime (et vice versa). Qu’on n’arrivera
à rien en respectant scrupuleusement la légalité d’un régime qui est
justement organisé pour que rien ne change. Que l’engagement derrière
certains actes pèse plus lourds que des torrents de parole.
Dans la radicalité il y a toujours une transgression, une odeur de
souffre. Manif non-autorisée, tomates, peinture, dommages à la
propriété, occupations, cailloux, cocks, sabotage, lutte armée… A chacun
et à chaque situation sa recette, que d’autres estimeront peut-être
faible, ou au contraire provo, contre-produisant, voire impasse
suicidaire. Et parfois, en effet, cela a fini dans l’isolement et la
défaite. Alors que d’autres actions radicales (dans les luttes
anti-nucléaires ou pour le logement, par exemple) ont pu être largement
comprises comme de légitime défense, non-violentes par comparaison aux
situations auxquelles il fallait réagir. Le pouvoir a parfois dû céder
quelques pas. Les squats, par ex., sont à peu près admis. « Récupéré[e]
» par ses victoires (et tant mieux s’il y en a !), la radicalité doit
aller squatter plus loin.
Cette histoire pose beaucoup de questions. Qu’a-t-on gagné, perdu,
appris ? A quel prix ? Quelles leçons pour la suite ? Sans réponses
toutes faites, réfléchissons au moins à comment cela s’est passé.
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De nombreuses affiches de Marc Rudin sont visibles sur le site de Palestine Poster Project.
https://www.palestineposterproject.org/artists/marc-rudinjihad-mansour-1945-2023
