Condamnation du policier sur la photo de la honte : la disquette d’Hildbrand
Notre réaction au baratin qu’on nous sert depuis l’acquittement des 6 policiers. On revient vite avec d’autres anaylses des suites de ce procès
la Ville de Lausanne annoncait le 10 juillet dernier que le policier ayant posé en uniforme devant un tag “Rest in Peace Mike” avait été identifié, qu’il avait quitté la police en 2020 et qu’une procédure administrative avait été ouverte à son encontre, ordonnée par le municipal en charge de la sécurité Pierre-Antoine Hildbrand.
Comme s’il fallait encore le démontrer, l’État fait mine de réagir que lorsqu’il en est véritablement contraint par une révélation médiatique, tant le racisme y est solidement ancré. Et encore, cette condamnation n’a pas coûté grand-chose à la police : nous rappelons ici qu’il n’y a pas eu “identification” de cet ex-agent vu que celui-ci s’est dénoncé tout seul (un sursaut de conscience inattendu pour lui qui a admis revenir de loin dans ce domaine). Ni la hiérachie policière, ni les autorités politiques n’ont levé le petit doigt pour tenter de lutter contre cet acte violemment insultant. Soi-disant, Les chefs n’étaient au courant de rien.
Pour qu'un agent de police se permette de faire ce genre de photo dégueulasse en uniforme et en pleine journée dans les rues de Lausanne, c'est que le contexte le lui permet, c'est qu'il se sent en confiance, qu'il est dans sa zone de confort... Le climat ambiant au sein des forces de police est si crade que cet agent s'est senti invité à réaliser ce cliché pour prouver sa "loyauté" et garantir son adhésion au corporatisme dans une police lausannoise raciste en roue libre. Un groupe de professionnels qui partage "sans conscience" une idéologie indigne en toute tranquillité.
La Ville tente de nous rassurer en expliquant que cet agent a quitté la police en 2020 et qu’il travaille actuellement dans un autre service. Tout va bien dans le meilleur des mondes, la “morale” est sauve. Mais, est-ce que la police aurait communiqué autour de cela si l’agent avait été encore en service ? On parie que non, la hiérarchie n’aurait jamais sali l’image de l’institution policière de son plein gré.
P-A Hildbrand ouvre une “procédure administrative” à l’encontre de l’ex-policier sur la photo. Il est important de rappeler que le municipal en charge de la sécurité avait rechigné à suspendre - à l’aide d’une telle procédure - les 6 agents qui ont tué Mike. Cela sous prétexte qu’une enquête pénale était déjà en cours.
Alors qu’Hildbrand aurait pu lancer une poursuite administrative en parallèle à la procédure pénale (preuve en est qu’il le fait aujourd’hui), il a choisi de laisser entre les mains du procureur et de la justice la décision de punir les assassins de Mike. Pourquoi ? Hildbrand savait pertinemment que la procédure pénale aboutirait plus efficacement à blanchir les policiers de leur crime. S’il avait lancé une procédure administrative, cela aurait mis en évidence la culpabilité de ces derniers. Aujourd’hui Tout est donc savamment mis en scène pour nous faire croire qu’il existe une prise en main sérieuse contre le racisme au sein de la police en faisant sauter un fusible qui n’en est même pas un.
Qu’impliquera cette procédure administrative à l’encontre de l’agent maintenant qu’il n’est plus dans la police ? S’agit-il d’une petite tape sur les doigts ou de véritables mesures visant à bannir ces comportements intolérables ? Mais ne nous faisons pas d’illusion, même si l’ex-agent se retrouve à trier des clés tout seul au 4e sous-sol du Service cantonal des objets trouvés jusqu’à sa retraite, ça ne changera rien au racisme structurel de l’Etat et de son bras armé.
L’institution policière profite par ailleurs de l’occasion pour répondre aux accusations de “délit de faciès” et de “profilage racial”. Elle rétorque ainsi dans le “24 Heures” du 11 juillet 2023 que le “deal de rue ne peut être séparé de la question de la couleur de peau”. Le contexte politique est si délétère que la police ne se cache même plus et ose déclarer : “Les stérérotypes et les préjugés sont bien réels.” On comprend alors que ce ne sont pas tant leurs propres pratiques qui les inquiètent mais uniquement la possibilité d’être accusés d’être racistes. Le caractère structurel du racisme institutionnel reste impensé : preuve en est l’hypothèse absurde qu’une police plus diversifiée racialement pourrait régler le problème. (Notons que la police de Lausanne ne compte que 4 agents noirs sur 501. On se demande pourquoi...)
L’impossibilité d’accèder à un travail rémunéré autorisé pour les personnes en situation administrative irrégulière n’est même pas esquissée. La question du profil de la grande majorité de la clientèle de la drogue (blanche, bourgeoise et suisse) n’est évidemment pas abordée. La police est donc ouvertement invitée à cibler systématiquement les personnes noires soupçonnées en permanence d’être des criminelles. S’ensuit alors “une prophétie autoréalisatrice” : plus les personnes sont contrôlées, plus la probabilité de déceler une quelconque irrégularité est forte. Ainsi, les policiers sont confortés dans leur racisme. La spirale discriminatoire enfle.
Cette photo n'est qu'une infime représentation du racisme au sein des forces de police lausannoises et vaudoises. Lorsque la Ville de Lausanne prétend ne tolérer aucun comportement de la sorte, on s'attendrait alors à ce que le fameux groupe WhatsApp de policiers sur lequel cette photo a été partagée soit étudié et qu'une véritable enquête soit entreprise, mais rien n'est fait.
Cette photo n’est qu’une infime représentation du racisme au sein des forces de police lausannoises et vaudoises. Lorsque la Ville de Lausanne prétend ne tolérer aucun comportement de la sorte, on s’attendrait alors à ce que le fameux groupe WhatsApp de policiers sur lequel cette photo a été partagée soit étudié et qu’une véritable enquête soit entreprise, mais rien n’est fait. Et d’ailleurs, comment espérer que celle-ci aboutisse à quoi que ce soit de sérieux ? Les policiers membres de ce groupe devraient-ils enquêter sur eux-mêmes ? Une fois encore, la mise en place d’une instance indépendante d’enquête paraît cruciale pour garantir un minimum l’État de droit. En effet, combien d’autres clichés et théories néfastes circulent encore sur les réseaux internes d’une police suprémaciste et dangereusement armée ? Combien de temps encore ces agissements seront tolérés, voire encouragés, par l’inaction politique et institutionnelle ?
Nous continuerons toujours à nous battre contre le racisme politique. Rassemblons-nous, mobilisons-nous, agissons. Nous ne lâcherons jamais rien.
Collectif Justice pour Mike - Kiboko