Antifascisme - Extrême-droite Coronavirus Le Silure

Petit rappel des positions du Silure sur le Covid à destination des distrait-e-xs

Au Silure, nous recevons ces derniers temps des courriers de personnes qui regrettent notre absence dans les manifestations dites « Stop OMS », notamment celle du week-end prochain à Genève et notre absence de prise de position sur l’article constitutionnel soumis au vote le 9 juin prochain.

Genève |

Au Silure, nous recevons ces derniers temps des courriers de personnes qui regrettent notre absence dans les manifestations dites « Stop OMS », notamment celle du week-end prochain à Genève et notre absence de prise de position sur l’article constitutionnel soumis au vote le 9 juin prochain.

À vrai dire, ces correspondant·e·xs doivent avoir une lecture sélective des positions que nous publions depuis quatre ans au sujet de la pandémie de Covid-19. Nous avons toujours soutenu une ligne de solidarité face à la maladie dont nous avons constamment rappelé et documenté la gravité effective. Nous avons toujours considéré et répété que cette solidarité passait notamment par des restrictions des libertés individuelles dont nous ne pensons pas qu’elles sont illimitées, absolues ou sacrées.

La pandémie a provoqué des ruptures au sein de la gauche. L’interprétation selon laquelle la pandémie aurait été l’occasion de l’intensification de pratiques répressives de l’État d’un côté et une expérience collective de soumission de l’autre a malheureusement séduit beaucoup trop de monde à gauche. Cette lecture a conduit à occulter les éléments qui auraient dû être les premières préoccupations de la gauche à savoir : Comment se protéger collectivement face à un danger réel ? Comment éviter l’hécatombe dans les établissements médico-sociaux ? Comment être solidaires avec les soignant·e·xs confronté·e·xs à une situation hors du commun ? Comment un virus aéroporté pour lequel les mesures de protection sont simples et faciles à mettre en œuvre a-t-il pu provoquer une telle surmortalité ?

Pour notre part, il est clair que nous n’allons pas nous réconcilier autour d’une manifestation contre l’OMS avec celle·uxs qui ont choisi de s’allier à Ueli Maurer, à Mass Voll, à Chloé Frammery, aux Freiheitstrychler.

Comme tous les bons vaccins nécessitent des rappels, on remet ici quelques points mis à jour sur nos positions.

La votation du 9 juin prochain

Le 9 juin prochain, les heureu·se·xs détenteur·ices du droit de vote en Suisse pourront voter pour la quatrième fois sur un objet lié à la pandémie de Covid-19. Le 13 juin 2021, le corps électoral avait été mobilisé pour voter sur un referendum contre la Loi Covid. Un deuxième referendum avait abouti la même année provoquant un vote le 28 novembre, cinq mois après la première consultation. Enfin, le 18 juin 2023, le corps électoral s’est prononcé une dernière fois sur des modifications récentes de la Loi Covid.

Le 9 juin de cette année, c’est une initiative fédérale qui sera soumise au vote. Elle vise à ajouter un article à la Constitution qui serait rédigé ainsi :

« Les atteintes à l’intégrité physique ou psychique d’une personne requièrent son consentement. Si la personne concernée refuse de donner son consentement, elle ne doit ni se voir infliger une peine, ni subir de préjudices sociaux ou professionnels. »

Il s’agit d’une formulation volontairement floue sur la base de laquelle les groupes antivax espèrent sans doute pouvoir saisir le Tribunal fédéral au cas où des mesures de protection collectives contre la propagation d’une épidémie seraient prises.

Pour les promoteur·ices de l’initiative, l’objectif ne réside cependant pas dans l’introduction de ce paragraphe dans la Constitution.

De toute évidence, les principes portés dans ce paragraphe existent déjà dans la Constitution fédérale et sont largement reconnus par l’ordre juridique en vigueur. L’intégrité physique et morale des personnes est protégée par le droit libéral, c’est, à vrai dire, un de ses fondements.

Ensuite, s’agissant précisément des vaccins, il faut rappeler qu’il n’existe pas d’obligation vaccinale en Suisse. Les vaccins pédiatriques sont recommandés, mais ils ne sont pas obligatoires. C’est, par exemple, la raison pour laquelle des personnes qui refusent la vaccination pour leurs enfants s’installent en Suisse.

Enfin, toutes les mesures liées à la pandémie de Covid-19 ont été prises avec l’objectif de sauvegarder l’absence d’obligation vaccinale : les restrictions d’accès aux lieux publics ont été mises en œuvre de façon extrêmement limitée et des alternatives au certificat de vaccination (tests, allongement de quarantaine) existaient de manière systématique. Les restrictions ont en outre été appliquées sur des périodes de temps très courtes.

Ces trois éléments étant posés, demandons-nous à quoi sert alors cette initiative ? Elle sert, comme celles qui l’ont précédée, à maintenir une présence dans le débat public pour les groupes qui nient l’existence de la pandémie, minimisent les dégâts qu’elle a produits et/ou déploient un discours de victimisation sur les effets des mesures de protection.

Elle sert également à renforcer l’idée d’une santé qui relèverait uniquement de choix individuels : en présentant l’intégrité physique et psychique comme des principes qui ne doivent connaître aucune limitation, le texte de l’initiative installe une vision libertarienne de la vie en société, vision dans laquelle des individus libres de toutes contraintes sociales assurent leur survie au détriment de celle des autres. Elle déploie enfin une rhétorique trompeuse : en prétendant sacraliser l’intégrité physique et psychique, elle contribue en réalité à obscurcir les menaces réelles qui pèsent sur ces principes.

il n’est pas difficile de comprendre que les dispositifs juridiques qui protègent formellement l’intégrité des personnes ne manquent pas. Ce qui manque au contraire, ce sont les moyens et la volonté de les appliquer

En effet, il n’est pas difficile de comprendre que les dispositifs juridiques qui protègent formellement l’intégrité des personnes ne manquent pas. Ce qui manque au contraire, ce sont les moyens et la volonté de les appliquer : notre intégrité physique et psychique est formellement protégée, mais la médecine du travail est presque inexistante dans notre pays, le harcèlement au travail nécessite des procédures longues, pénibles et hasardeuses pour être reconnu, les personnes ayant un handicap sont constamment exclues de nombreux lieux et subissent en permanence des « préjudices sociaux et professionnels » pour reprendre les termes de l’initiative.

Curieusement, l’UDC, seul parti politique à soutenir le texte soumis au vote le 9 juin, est aussi le parti qui voudrait toujours moins de protection pour l’intégrité physique et psychique des travailleur·euse·xs et des travailleurs, toujours moins de prise en charge de la prévention des maladies, toujours moins de médecine accessible à touxtes. C’est aussi ce parti – même s’il est loin d’être le seul – qui ne voit aucun problème à s’en prendre violemment à l’intégrité physique et psychique des migrant·e·xs en les repoussant aux frontières de l’Europe, en les maintenant dans des conditions de vie indignes, en les mettant en détention administrative.

Le traité sur les pandémies de l’OMS

Nos correspondant·e·xs regrettent que nous n’appelions pas à la série de manifestations contre l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui ont lieu du 27 avril au premier juin dans différents endroits de Suisse.

Premièrement, ces manifestations sont portées par des alliances de groupes d’extrême-droite. La manifestation du 1er juin 2024, par exemple, sous le nom de Geneva project, est notamment soutenue par le Brownstone Institute qui est une création de l’essayiste libertarien et fondamentaliste catholique Jeffrey Tucker. Le site Freedom square soutient également le rassemblement. Parmi les valeurs qu’il fait sienne : le patriotisme, la liberté, l’intégrité et le progrès. Sa définition de l’intégrité ? « tout ce que nous faisons doit être réalisé dans le respect des valeurs américaines traditionnelles. »

Dans le même genre, We The Patriot USA Inc. appelle aussi au rassemblement. C’est une sorte de groupe juridique pour les patriotes états-uniens : « Nous sommes des Patriotes comme toi, engagés à reprendre notre pays un procès après l’autre », expliquent-ils sur le site. Une dizaine d’autres groupes anglo-saxons du même acabit signent encore l’appel à manifester. Deux organisations suisses figurent encore parmi les signataires : le Mouvement fédératif romand et les Freiheitstrychler. La présidente du MFR dresse elle-même une liste de ses priorités dans un entretien : après sa lutte contre l’OMS, elle veut s’engager dans « le combat sur le climat aussi, sur la thématique LGBTQ, etc. On assiste actuellement à une inversion des valeurs. Ce n’est pas admissible. » Quant aux Freiheitstrychler, ces types qui défilent en costume traditionnel avec des cloches de vaches, ils ont reçu le soutien du conseiller fédéral UDC Ueli Maurer – pas mal pour des gens qui se plaignent d’être marginalisés – et s’affichent dans des mouvements contre les centres de requérant·e·xs d’asile.

Si par hasard, nous partagions les objectifs de la manifestation, bien entendu nous n’irions pas, parce qu’il n’est pas dans nos habitudes de défiler avec l’extrême-droite.

Si par hasard, nous partagions les objectifs de la manifestation, bien entendu nous n’irions pas, parce qu’il n’est pas dans nos habitudes de défiler avec l’extrême-droite.

Il se trouve en outre que nous ne partageons pas les objectifs de la manifestation. Les négociations en cours à l’Organisation mondiale de la santé sont loin d’être satisfaisantes, mais les attaques portées par les groupes qui organisent le rassemblement du 1er juin ne peuvent être partagées par aucun groupe de gauche. Comme dans le cas de l’initiative fédérale, les critiques formulées à l’égard de l’OMS relèvent d’une conception libertarienne et souverainiste (ce n’est pas incompatible) de la santé. Il s’agit simplement de renoncer à toute forme de régulation de la santé au niveau international, ce qui signifie laisser jouer librement les forces capitalistes. C’est un programme de privilégiés et il n’est pas étonnant qu’il soit porté par des groupes d’extrême-droites issus des pays parmi les plus riches du monde.

Dans un entretien avec la revue du CETIM, Nicoletta Dentico fait un bilan très pondéré des négociations de ce Traité sur les pandémies et conclut son analyse en soulignant que « Bien sûr, la négociation complexe d’un traité contraignant visant à établir des règles convaincantes pour les sociétés transnationales en matière de droit international des droits de l’homme est essentielle. Mais c’est un parcours semé d’embûches. » On peut adresser de nombreuses critiques au processus d’élaboration du traité qui sont résumées dans cet entretien, mais celles portées par les groupes appelant à manifester ne sont pas recevables. Renoncer à une régulation multilatérale des mesures, c’est la garantie d’aggraver sans cesse les épisodes pandémiques et renoncer à une solidarité internationale face à la maladie.

Quelques ressources

Comme on le voit, le travail d’explication, à la croisée de l’antifascisme et de la lutte pour la justice sociale, n’est pas près de se terminer, on donne donc ici des ressources pour le poursuivre :

Pour les correspondant·exs distrait·exs, on rappelle que nos textes publiés sur la pandémie sont rassemblés ici avec un suivi hebdomadaire pour 2022. Nous avons publié un texte de Jacques Rancière qui explique beaucoup de choses très utiles et qu’on peut télécharger ici. Enfin, on a commis un petit livre qu’on se réjouit de présenter au public cet automne.

La fréquentation de Cabrioles – Carnet de recherche pour l’Autodéfense sanitaire est toujours vivement recommandée. On a envie de mettre en avant en particulier « Réduire la classe excédentaire. Handicap et réforme des retraites » de Théo Bourgeron publié tout récemment ainsi que les nouvelles Chroniques des Canards masqués.
autodefensesanitaire.fr reste une mine de ressources pratiques et politiques.

Contre le discours selon lequel ce serait désormais « aux plus vulnérables » de porter l’effort de prévention, on rappelle cet article déjà ancien du Huffington Post qui liste des athlètes de haut niveau touchés par le covid-long et on souligne également que même si nous ne tombons pas malade, nous participons à la transmission du virus.

Un petit zine très sympa en anglais pour des mesures pratiques et des rappels simples. Un guide pratique à l’intention des militantes et militants, produit par l’ARRA et relayé par Iataa.info

Enfin quelques articles qui élargissent la perspective, parus ces derniers mois et qui nous ont plu ou fait réfléchir.

« les espoirs du désastre », une lecture croisée de trois textes Collectif Out of the Woods, L’utopie maintenant ! Perspectives communistes face au désastre écologique. Présence(s). Sous-commandant insurgé Marcos, Mexique, calendrier de la résistance suivi de Chiapas : la treizième stèle, L’éclat poche. Georges Lapierre, La Commune d’Oaxaca. Chroniques et considérations, L’éclat poche, dans la revue En attendant Nadeau.

« Pandémie et canicule : pour un communisme du désastre », un article paru dans la revue Ballast qui propose « à l’issue d’une analyse matérialiste méthodique, un communisme du désastre. Ses principes : une solidarité radicale et l’autodéfense sanitaire » pour « tenter de reprendre la main face à des catastrophes désormais planétaires »

« Le naufrage réactionnaire du mouvement anti-industriel en France », un retour critique sur dix ans de mouvement anti-industriel en France qui permet d’expliquer en partie pourquoi les thèses eugénistes ont séduit certaines fractions de la gauche radicale.

P.S.

Le Silure, centre de luttes autonomes.
50C rue Jacques Grosselin, 1227 Carouge
silure-ge.net

Illustrations : ébauche et détail de Le choix des enfants de Sparte de Jean-Pierre Saint-Ours. Inspiré d’un passage des Vies parallèles de Plutarque, ce tableau illustre un moment de la vie publique des Spartiates : les patriarches sélectionnent les enfants aptes à résister aux conditions de vie dures et condamnent à mort les nouveau-nés jugés trop faibles.

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