Nous n’étions pas moins de 300 samedi à prendre les rues de Lausanne pour dénoncer la répression policière et pénale des manifestations. Pendant quatre heures, nous avons tenu les rues de la gare de Lausanne au parc de la solitude munis·x·es de parapluies. Aux sons des tambours, nous avons exprimé notre colère envers la police, les institutions et les riches.
Le dispositif policier était impressionnant et ridicule, avec une réaction de malaise évidente de la part des passants qui assistaient à un déploiement démesuré au regard des évènements de ces dernières années dans la capitale vaudoise. Après plusieurs échecs avant l’arrivée à St·e François·e, les antiémeutes ont littéralement encadré le cortège durant trois heures. La manifestation s’est montrée déterminée à ne leur laisser aucune occasion de grappiller du terrain sur la route et les trottoirs en les repoussant à l’aide des parapluies, mais la situation était tendue. Les antiémeute et flics étaient provocants et vraisemblablement frustrés de ne pas pouvoir en découdre. Un activiste a été personnellement menacé par un antiémeute déjà « rencontré » au cours d’autres mobilisations. On n’insistera jamais assez sur l’intérêt de s’anonymiser afin d’éviter ce genre d’intimidation policière.
À St·e. François·e, des personnes sans-papiers ont décrit aux haut-parleurs leur difficulté à manifester dans les conditions répressives actuelles.
Des personnes de différentes diasporas ont témoigné des interdictions systématiques de manifester devant les lieux où des dictateurs se prélassent et se font botoxer ou négocient des partenariats économiques.
Un discours a dénoncé le quatrième meurtre raciste de la police vaudoise depuis 2016, avec un retour sur l’assassinat, il y a un mois, de Nzoy à la gare de Morges.
À la rue centrale, un·x·e MC a remis les élites à leur place lors d’une remise des prix des plus beaux parapluies du cortège. Des sponsors avatars, B. Nicod, Holcim, Orlatti et Hildbrand, ont présenté leur bilan annuel et ont offert des peluches aux vainqueurs·x·ses devants la trentaine d’antiémeutes présents et les passants·x·es curieux·ses.
Depuis quelques années, les mouvements contestataires sont durement réprimés et canalisés par des restrictions de parcours qui excluent les mouvements massifs loin des grandes artères, loin de la rue. Ce sont littéralement des relégations à des manifs de trottoirs, à l’exemple de la Grève féministe en 2021 qui a pourtant réuni pas moins de 15’000 personnes.
Ce dernier temps, plusieurs collectifs et mouvements dénoncent la restriction au « droit de manifester » et à la criminalisation des militants·x·es. Pourtant, les dernières publications Instagram de la Grève féministe Vaud se désolidarisent publiquement d’une partie de sa composante radicale en clamant que, puisque ielxs se revendiquent comme pacifistes, la répression de la police et du ministère public doit viser les personnes « à l’origine de tels actes violents ».
Plutôt que de stigmatiser les tactiques plurielles qui animent tous les mouvements sociaux d’envergure, nous pouvons prendre conscience de notre puissance collective et de notre capacité à imposer nos conditions aux autorités. La manifestation d’aujourd’hui nous a démontré que la rue se prend ; qu’entre 200 et 400 personnes, nous avons été en mesure de manifester dans les rues centrales de la capitale vaudoise pendant quatre heures. Des manifestations beaucoup plus mobilisatrices, en termes de nombre de manifestants·x·es, ne devraient plus se contenter des miettes. Nous pouvons jouer les rapports de force.
Par le refus de céder à la pression des flics, nous avons obtenu une autorisation avec le parcours que nous souhaitions, mais la police a quand même imposé ses exigences habituelles : services d’ordre et personne signataire de la demande d’autorisation attaquable pénalement pour les actions de l’ensemble de la manifestation. Un recours au tribunal administratif a été déposé samedi matin. Sur la décision de ce recours, nous pourrons discuter et redéfinir nos stratégies, avec et au sein des mouvements sociaux dans lesquels nous gravitons. Si la charge mentale et pénale des actions de l’ensemble des manifestants·x·es est maintenu sur les organisateurs·x·rices, il est peut-être temps d’imaginer de manifester sans autorisation partout et tout le temps.
À notre connaissance, il n’y a eu aucune arrestation. Si vous avez eu connaissance d’une arrestation ou de brutalité policière, vous pouvez contacter l’anti-rep au mail suivant : antirep_vd@riseup.net
Un retour sur l’issue du recours administratif sera communiqué ces prochains temps.