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Témoignages : actes de torture et exactions envers les migrant.exs en Croatie
(attention trigger)
« Les policiers croates ont tué une part de moi. Je fais beaucoup de cauchemars dans lesquels ils sont entrain de m’enterrer là-bas. […] C’est impossible pour moi de trouver les mots pour exprimer ce que je ressens vis-à-vis de la Croatie. J’ai vécu l’enfer là-bas. »
« Les policiers m’ont roués de coups de poing et ont emmenés ma femme et mon fils. Ils m’ont tabassé, pris mon argent, cassé mon téléphone. Je demandais où était ma femme et mon fils et personne ne me répondait. »
« Lors de mon arrivée en Croatie, j’ai été arrêté par des policiers qui m’ont violemment frappé. Je souffre encore de ces coups dans les côtes. Ils m’ont parqué dans un garage avec de nombreuses autres personnes, sans lumière ni toilettes, sans rien à manger. »
#STOPDUBLINCROATIE, « Dossier de presse »
Les témoignages des personnes qui ont déposé une demande d’asile en Croatie décrivent touxtes les violences policières, selon des pratiques atroces. Les centaines de récits récoltés par les collectifs Droit de rester Neuchâtel, Lausanne et Fribourg, concordent sur les violences, qui sont de tout ordre : physiques, psychologiques, racistes et sexuelles. Iels décrivent également l’absence d’accès aux soins médicaux et les conditions inhumaines dans les camps : logements non-chauffés et bourrés de cafards, nourriture insuffisante.
"Stop Dublin", c’est possible !
« Dublin » c’est quoi ? Lorsqu’une décision dite « Dublin » est rendue, il y a non entrée en matière (NEM) et les autorités ne se penchent même pas sur les motifs d’asile. La personne reçoit une décision d’expulsion vers le premier pays d’Europe où on a une preuve de son passage. Sur la route des Balkans, la Croatie est l’un des pays souvent traversé par les personnes en exil. Les décisions de renvois vers la Croatie sont donc nombreuses.
Au cours des dernières années, les renvois Dublin ont été « gelés » pour des périodes plus ou moins longues à destination de l’Italie ou de la Grèce, pays pour lequel c’est toujours le cas.
En 2021 et 2022, le Tribunal administratif fédéral (TAF) avait condamné à plusieurs reprises les autorités d’immigration (SEM) pour des décisions de renvois vers la Croatie, autorisant les personnes à rester en Suisse pour leur procédure d’asile.
À l’heure actuelle le TAF a modifié sa pratique et rend majoritairement, voire uniquement, des décisions qui confirment l’expulsion vers la Croatie, des décisions aberrantes. Pour n’en citer qu’un élément : Dans la jurisprudence, le tribunal reconnaît la violence d’État de la part de la Croatie lors des push-back mais toujours selon le tribunal, il n’y aurait pas de risque de violence lors d’un renvoi forcé par lequel la personne est directement livrée aux autorités à Zagreb et la procédure d’asile déjà enregistrée, ses empreintes digitales figurant dans le système. Conclusion insoutenable au vu des observations faites dans le pays et de la situation dans les camps.
Pourtant, les bases juridiques permettent l’arrêt des renvois. Il existe une « clause de souveraineté » selon laquelle la situation individuelle devrait être prise en compte. La Suisse pourrait traiter les demandes d’asile directement au vu de raisons humanitaires, telles que l’état de santé, la présence de membres de la famille en Suisse ou des conditions d’accueil insatisfaisantes dans le pays responsable des demandes.
Décisions de renvoi Dublin vers la Croatie : la Suisse coupable
Toujours plus d’organisations demandent aux autorités d’arrêter les renvois vers la Croatie, dont l’OSAR [1] et Amnesty [2]. Même le PS et les Verts ont demandé d’arrêter les expulsions [3]. Les milieux de la santé du canton de Vaud ont mis en place un monitoring des situations de personnes traumatisées qui décrivent violences et tortures vécues en Croatie, et reçoivent des décisions d’expulsion malgré tout [4].
Actuellement une dizaine de plaintes ont été déposées contre la Suisse pour des décisions d’expulsion vers la Croatie auprès d’organismes de surveillance onusiens. Ces organismes ont à chaque fois obligé la Suisse à suspendre les renvois en attendant leur décision –Comité des droits de l’enfant (CDE), Comité contre la torture (CAT) et Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF). La Croatie a aussi été condamnée en janvier par la Cour européenne des droits de l’Homme (CourEDH) pour atteinte à la vie : un incendie a tué des personnes sans statut légal enfermées dans le sous-sol d’un commissariat, la justice croate bâcle l’affaire et l’enquête, ne condamne personne et ne met rien en place pour que pareil meurtre ne se reproduise pas.
Des mobilisations et des dénonciations ont eu lieu depuis l’automne dernier, à tous les niveaux politiques et juridiques. Et alors ? Rien ne se passe et tout le monde est complice : Berne qui rend les décisions, le TAF qui les confirme et les cantons qui exécutent les renvois. Tous se renvoient la balle. Personne ne prend ses responsabilités. Combien de temps est-ce qu’il faut pour arrêter cette machine à crimes et drames humains ?
Vols spéciaux : violences d’État en Suisse
Le 15 mars, Charles* (prénom d’emprunt), demandeur d’asile dans le canton de Vaud, est renvoyé en Croatie par vol spécial. Transféré de la prison administrative de Frambois au poste de police de la Blécherette, Charles* est ensuite emmené à l’aéroport de Zurich à 3h du matin, puis expulsé : « On m’a menotté aux pieds et aux mains comme si j’étais un terroriste. Dans l’avion, j’étais tout seul avec huit policiers », raconte-t-il au téléphone. [5]
Le 16 février dernier, une vidéo tournée au camp Sonnenbühl – le centre fédéral de l’asile d’Oberembrach (ZH) – montre l’arrestation par la police d’une famille avec trois jeunes enfants. La famille est réveillée au milieu de la nuit par une dizaine de policiers qui séparent les enfants de leurs parents, le père est mis à terre et "neutralisé" par plusieurs agents : ils lui mettent un casque et un objet dans la bouche pour le bâillonner. Tout cela sous les yeux d’autres requérant.exs d’asile menacé.exs du même sort. La famille est amenée à l’aéroport avec deux cars affrétés pour l’occasion. [6]
Fiona* (prénom d’emprunt) est renvoyée par vol spécial avec ses enfants en Croatie où elle a été torturée par les autorités croates pour obtenir ses empreintes digitales, enfermée dans le noir dans une cave sans eau ni nourriture. À la suite à sa décision de renvoi Dublin, la santé psychique de Fiona* avait été atteinte et elle avait été hospitalisée, ses enfants placés temporairement. Cinq jour après sa sortie de l’hôpital, la police a réveillé la famille au foyer et Fiona* et ses deux enfants ont été renvoyés sous la contrainte par vol spécial. [7]
Demander l’asile en Suisse n’est pas un crime, et fuir des actes de tortures et des violences policières infâmes en Croatie non plus. Malheureusement, les violences commises en Suisse pour effectuer des renvois inhumains ne s’arrêtent pas à ces exemples de vols spéciaux. Toutes les décisions de renvois des personnes qui demandent protection en Suisse sont inacceptables. Les expulsions vers la croatie sont criminelles !
Décisions négatives qui signent le passage dans la clandestinité de victimes de torture et d’exactions, retraumatisation des personnes qui le sont déjà, adultes et enfants, non prise en compte des actes de tortures ni des violences sexuelles… À quoi rime encore l’asile ?
Rassemblement : Jeudi 23 mars 18h Lausanne, place du 14 juin (St-Laurent)
Manifestation romande : Samedi 1er avril à Lausanne
