Antiracisme - Luttes décoloniales Migration

Revue de presse antiraciste du 21 juillet 2020

Antira.org est une revue de presse hebdomadaire suisse-alémanique dont l’objectif est de constituer une ressource pour les luttes antiracistes grâce à une analyse de l’actualité et des transformations du racisme systémique.

Suisse |

La Suisse, une usine d’armes

Les entreprises, les fournisseurs, les marchands d’armes : dans sa nouvelle publication “Rüstungsexport”, la WOZ [1] donne un aperçu du commerce discret des armes en Suisse. Jusqu’à présent, seul le Secrétariat d’État à l’économie (Seco) publiait des statistiques annuelles sur le type d’armements exportés et sur les pays cibles. Mais quels sont les noms des entreprises impliquées dans le commerce des armes, combien tirent-elles profit du commerce de guerre, dans quels produits sont-elles spécialisées ? Tout cela est resté l’un des secrets les mieux gardés en Suisse.
Après un conflit juridique de cinq ans avec le Seco, la WOZ publie maintenant les noms des fabricants d’armes basés en Suisse. Les données que le Secrétariat d’État a été obligé de publier suite à un arrêt du Tribunal fédéral permettent d’avoir un aperçu très détaillé de l’industrie suisse de l’armement. Pour chacune des quelques 150 entreprises actives dans le secteur, elles contiennent le montant des exportations autorisées chaque année. En outre, la catégorie dans laquelle elles ont été autorisées à exporter des armes ou des composants est maintenant indiquée : munitions, armes légères, chars, avions, etc. Quant à savoir si les exportations autorisées ont effectivement eu lieu et quelles marchandises ont effectivement été livrées à quels clients (qu’il s’agisse d’armées, d’unités de police ou d’autres entreprises d’armement), aucune donnée n’est publiée par le Seco... Le secret commercial !

  • La plus grande usine de production de munitions se trouve dans l’Oberland bernois et ce n’est pas une coïncidence. Le lien entre Thoune et la poudre à canon remonte à plusieurs siècles. En 1586, un moulin à poudre y avait été construit. Au milieu du 19e siècle, la fabrique fédérale de munitions suisse lui a succédé avant la Ruag Ammotec après la fin de la guerre froide. Aujourd’hui, celle-ci produit des munitions de petit calibre.
    La propriétaire actuelle de la Ruag Ammotec - entreprise d’une valeur de 300 à 400 millions de francs suisses - est la Confédération suisse. Mais cela va bientôt changer. La Confédération veut vendre la Ruag à la seule condition, imposée par le Conseil fédéral, que l’acheteur provienne d’un “pays occidental” et continue de produire à Thoune.
  • RWM Schweiz à Zurich et Altdorf UR est le deuxième plus grand exportateur de munitions. La troisième place est détenue par le RWM Zaugg au Lohn Ammannsegg, à Soleure (détonateurs). Tous deux sont la propriété de la société allemande Rheinmetall.
  • L’affirmation constante des partis bourgeois de droite dans leurs campagnes électorales selon laquelle les PME sont l’épine dorsale de l’industrie suisse de l’armement perd encore plus de crédibilité avec le rapport sur l’armement : manifestement, l’épine dorsale de l’industrie suisse de l’armement est formée par ces multinationales.
  • Deux grandes entreprises sont actives dans la production de fusils et de pistolets en Suisse : B&T à Thoune et SIG Sauer à Schaffhouse. B&T a réagi durement aux demandes de renseignements de la WOZ : leurs avocats ont envoyé une lettre recommandée informant le journal que si de fausses allégations étaient formulées un procès s’ensuivrait.
  • De nombreux marchands d’armes se trouvent exclusivement en ligne : par exemple la boutique en ligne de Zurich, Custom Defense Solutions AG. Le site web déclare entre autres que “les développements politiques sur notre continent vont dans une direction que la plupart des citoyens suisses ne veulent pas suivre” et que “la possession privée d’armes à feu est une question clé pour maintenir l’indépendance par rapport au détenteurs de pouvoir”.
  • Selon une étude de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), la Suisse était le 13e exportateur d’armes au monde entre 2015 et 2019, avec une part de 0,9 % du marché mondial des armes. Le classement des exportateurs d’armes est mené par les États-Unis, la Russie, la France, l’Allemagne et la Chine. Selon le Seco, le montant total des exportations réalisées en Suisse en 2019 a fortement augmenté pour atteindre 728 millions de francs suisses, une valeur record pour les dix dernières années. Au premier semestre 2020, il a littéralement explosé : comme cela a été annoncé cette semaine, les entreprises suisses ont déjà exporté du matériel de guerre pour une valeur de 501 millions de francs - presque deux fois plus que pendant la même période l’année dernière.
  • Il est prouvé que des armes en provenance de Suisse ont été utilisées à plusieurs reprises dans des conflits armés. Par exemple, le lance-roquettes M72 du groupe Nimmo. Il a été utilisé dans les guerres d’Irak et d’Afghanistan, entre autres. “Cette arme supérieure sera un élément important dans les combats du futur”, dit dans la vidéo un ranger américain qui a pris d’assaut des maisons dans la province afghane de Kandahar - armé d’un lance-roquettes dont une pièce a été fabriquée en Suisse. On pense aussi au fusils-sniper B&T qui ont été utilisés contre des manifestant·e·s en Ukraine.
https://www.rüstungsreport.ch

Accès inégal à l’assistance pour les victimes de traite des êtres humains

Il y a régulièrement des personnes dans le système d’asile qui sont victimes de traite d’êtres humains. Souvent, il est très difficile pour ces personnes d’obtenir l’asile parce que le Secrétariat d’État aux migrations ne les croit pas et qu’elles ne peuvent pas “suffisamment” prouver leur expérience. Conséquence : leurs demandes d’asile sont régulièrement rejetées et les personnes sont expulsées, souvent vers des pays où elles sont à nouveau exposées au risque de traite.
Celles qui sont cru peuvent obtenir l’asile en Suisse, mais pour beaucoup d’entre elles, le soutien n’est pas suffisant. Cela est dû à la loi suisse sur l’aide aux victimes. En vertu de cette loi, le principe de territorialité, les personnes qui ont été victimes de traite d’êtres humains à l’étranger ne reçoivent pas de prestations si elles ne résidaient pas en Suisse au moment du délit.
En vertu de la loi sur l’assurance maladie et de l’aide d’urgence prévue à l’article 12 de la Constitution fédérale, les personnes touchées par la traite ne peuvent actuellement prétendre qu’à trois des six prestations minimales : soins médicaux d’urgence, aide psychologique et matérielle. Elles n’ont pas droit aux trois autres droits minimums - logement convenable, services de conseil et de traduction. En raison de cette inégalité de traitement, l’Unité spécialisée dans la traite des femmes et la migration des femmes [2] a lancé un appel l’année dernière. L’appel demande que toutes les personnes touchées par cette violence aient accès à une aide spécialisée, quels que soient le lieu où elles ont subi le crime et leur statut de résidence.

Yvan Perrin

L’ancien conseiller national de l’UDC neuchâteloise Yvan Perrin a été acquitté par le tribunal de police pour discrimination raciale. Il avait été accusé d’avoir propagé des propos anti-musulmans. Il avait lancé une polémique sur son compte Facebook au sujet du Musée des civilisations islamiques de La-Chaux-de-Fonds. Il a laissé les commentaires publiés en-dessous de son post, dont ceux qui appellaient à la haine et à la violence contre des personnes sur la base de leur religion. Toutefois, le juge Bastien Sandoz a estimé que le fait de laisser les commentaires en l’état ne signifie pas que le politicien les diffusait activement. Yvan Perrin a affirmé que son propre commentaire “l’infection s’étend”, n’était pas dirigé contre tous.tes les musulman·ne·s, mais contre les Frères musulmans.

Yvan Perrin

Berne décrit les revendications du groupe “Stop Isolation” comme non solidaires et non démocratiques

La semaine dernière, le groupe “Stop Isolation” s’est réuni devant le SEM [3] à Berne pour protester contre les conditions inhumaines des réfugié·e·s ayant fait l’objet d’une décision négative en Suisse . Dans une lettre adressée au canton de Berne et au gouvernement fédéral, le groupe a formulé des demandes concrètes :

  1. Permis de séjour
  2. Pas d’isolement dans les camps de renvoi
  3. Pas de contrôles permanents, d’amendes et de peines de prison
  4. Respect et dignité.

Le canton de Berne a maintenant répondu à la lettre (qui se trouve ici) et prend position contre toutes les demandes du groupe “Stop Isolation”. Pour le canton, ces revendications - qui visent à une égalité de traitement et de droits fondamentaux pour tous·tes - manquent avant tout de solidarité envers les réfugié·e·s ayant fait l’objet d’une décision positive, qui devraient être mieux lotis que ceux ayant fait l’objet d’une décision négative. Deuxièmement, les revendications seraient antidémocratiques, le traitement discriminatoire des personnes ayant fait l’objet d’une décision négative étant justifié par la loi.
Tout simplement malhonnête. Les représentant·e·s de la politique d’asile inhumaine de Berne accusent les personnes même qu’iels poussent aux limites de l’existence et de la société de ne pas être solidaires avec d’autres réfugié·e·s. La seule chose qui n’est pas solidaire c’est cette politique d’asile, qui isole les gens et les contraint à une absence totale de perspectives. Non moins malhonnête : la référence aux lois démocratiquement légitimées qui doivent être respectées. Pas une seule des personnes concernées n’a pu dire un mot à ce sujet. Ces lois, qui visent uniquement l’administration et l’isolement des réfugié·e·s, ont été “légitimées” par des privilégié·e·s détenteurs et détentrices de passeports suisses. Rien de “démocratique” là dedans.
En réponse, le groupe a repris la protestation lundi et a manifesté sur la Bundesplatz et devant le bureau de la Direction de la sécurité à Berne.

Nous ne sommes ni antidémocratiques ni dépourvus de solidarité. Nous exprimons notre opinion et demandons des améliorations. Personne ne devrait se sentir si peu respecté. Toute personne a droit au respect et à une vie digne et libre. Isoler les gens n’a rien de solidaire. C’est pourquoi nous devons continuer de nous battre.

Attaque de peinture contre la statue du marchand d’esclaves de Pury à Neuchâtel

Dans la nuit de dimanche à lundi, la statue de David de Pury a été attaqué avec de la peinture rouge sang.

Alors que partout dans le monde les statues des colonisateurs et des esclavagistes tombent, David De Pury trône toujours au coeur de Neuchâtel. Le 8 juin dernier, une pétition a été lancée pour déboulonner la statue à l’effigie de celui qui a fait fortune grâce à la traite des esclaves et leur exploitation. De Pury était actionnaire de la compagnie Pernambuco e Paraìba qui a déporté 42 000 esclaves de l‘Angola au Brésil. En plus de tirer du profit de la traite des esclaves, De Pury s‘est enrichi avec le commerce du bois du Brésil. Il a également participé à la création de colonies en Amérique du Nord auxquelles il vendait des esclaves. Entre 1450 et 1850, 1 million de soldats suisses ont été envoyés pour écraser des révoltes d’esclaves. Si la Suisse n‘a pas eu de colonies, elle a joué un rôle central au fonctionnement du système esclavagiste et en a profité énormément.

Aux personnes qui pensent qu’une telle statue devrait être conservée dans un musée, nous répondons oui mais pas sans le rouge qui symbolise le sang des esclaves. En quelques semaines de soulèvements aux États-Unis, le mouvement Black Lives Matter a obtenu la condamnation pour meurtre de Derek Chauvin, le policier qui a assassiné George Floyd, la mise en examen de ses trois collègues, la réouverture du dossier du policier qui a assassiné Breonna Taylor et le démantèlement de la police de Minneapolis. C’est la preuve que quand on lutte on peut gagner ! Cette lutte a permis aux personnes noires de reprendre le pouvoir dans leurs mains.

Déboulonner les statues des esclavagistes est important mais on me doit pas oublier que la richesse des états européens aujourd’hui provient du vol des terres et de l‘extraction de leurs richesses. C’est ce processus même qui est responsable de la catastrophe écologique dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui.

Affirmer que les vies noires comptent implique de lutter pour démanteler un système fondamentalement raciste. Un par un nous démantèlerons les symboles des esclavagistes et de tous les autres oppresseurs et érigerons des monuments en la mémoire de toutes celles et ceux qui ont lutté contre le colonialisme.

Incendie chez Securitas AG

À Fribourg, deux voitures de société ont été incendiées en réaction à la violence raciste commise par Securitas AG. Le communiqué résume les actes de violence connus contre les fugitifs à partir de l’année 2020. La déclaration déclare :

Bien que cette violence se cache derrière des murs et des barbelés, elle se trouve en plein milieu de notre société. Elle est la suite logique d’un système qui catégorise, isole et déporte. [...] A notre tour on a voulu contribuer à cette vague de protestation qui fait écho à la bien plus grande vague de révolte contre les violences policières et l’autorité de la police.

Cette action s’ajoute aux protestations de ces dernières semaines à Genève, Lausanne et en Suisse alémanique.

Criminalisation de la solidarité antiraciste

Hagen Kopp, qui est depuis des décennies un militant antiraciste en Allemagne, devra être jugé. Le ministère public compétent d’Aschaffenburg l’accuse d’avoir publiquement appelé à des actes criminels, car son nom figurait dans les mentions légales du site web www.aktionbuergerinnenasyl.de. En 2017 et en lien avec ce site web, une des premières campagnes d’asile de citoyen·e·s a débuté à Hanau, principalement en raison des expulsions vers l’Afghanistan.
Une cinquantaine de personnes ont signé un appel, dans lequel il est écrit :

Nous accorderons l’asile de citoyen aux fugitifs d’Afghanistan qui sont menacés d’expulsion, c’est-à-dire que nous ferons de la place dans nos appartements et, si nécessaire, nous cacherons les personnes qui doivent être renvoyées à la guerre et à la persécution.

Dans un texte figurant sur le site web qui l’accompagne, il est dit : “J’appelle donc à soutenir les initiatives locales qui accordent l’asile de citoyens aux gens menacés d’expulsion et, si nécessaire, les cachent dans leur maison.” Kopp est accusé de cette phrase. L’ordonnance pénale stipule que la demande d’octroi de l’asile de citoyen·e·s de Kopp pourrait constituer une violation de la Loi sur le séjour.
Kopp lui-même dit que l’accusation ne peut être justifiée par rien. La seule chose qui a sa place sur le banc des accusés ici, c’est la politique de déportation et d’exclusion et non les actions de solidarité et les actions contre cette injustice. Le ministère public a fixé une amende de 1 200 euros et veut imposer les frais de procédure à Kopp. Il résiste à cela. Le procès aura lieu jeudi au tribunal de district d’Alzenau.
Nous nous souvenons de nombreux autres exemples dans lesquels la solidarité avec les exilé·e·s était et est encore criminalisée. Il s’agit notamment de la criminalisation et de la suppression actuelles des structures de solidarité dans les îles grecques, du procès d’Anni Lanz en Suisse ou de la criminalisation du sauvetage en mer (pour un aperçu des cas individuels de ces dernières années, cliquez ici.
La poursuite de la criminalisation montre également que la solidarité mutuelle est une arme puissante que craignent les personnes qui veulent maintenir les conditions qui prévalent. Utilisons-la !

A Calais et Vintimille, les toujours mêmes méthodes sont encore utilisées

Au petit matin du 10 juillet, des expulsions ont eu lieu à Calais. Deux camps ont été détruits et environ 500 résident·e·s ont été emmené·e·s dans 16 bus vers des centres d’asile situés en dehors de la région frontalière. Il y a également eu des contestations et la police, qui est arrivée avec un important déploiement, a arrêté plusieurs personnes. La dissolution du camp était fermée à la presse et les événements ne pouvaient être documentés que de manière très limitée. L’association Care4Calais parle de la plus grande expulsion depuis 2016, date à laquelle la célèbre Jungle de Calais avec ses 10 000 habitant·e·s a été évacuée :

“On prétendait que la démolition de la grande jungle de Calais en octobre 2016 empêcherait les gens de venir à Calais pour traverser la Manche, mais ce n’est pas le cas. [...] Le seul effet des expulsions est d’accroître le désespoir des personnes vivant dans les camps, de sorte qu’elles veulent quitter la France et traverser la Manche de façon encore plus urgente. ...] La seule véritable solution serait un moyen sûr et légal de réclamer le droit d’asile sans risquer une vie en traversant la Manche et en vivant dans la misère à Calais. Une situation qui fait honte à la France et au Royaume-Uni”.

Toujours les mêmes méthodes contre la liberté de circulation sont aussi utilisées à la frontière française avec l’Italie : l’association Caritas Intemelia in Ventimiglia écrit que les autorités françaises refoulent une centaine de personnes par jour à la frontière. En conséquence, cette année, plus de 700 personnes se sont déjà retrouvées bloquées à Vintimille.

Le confinement du Camp de Mória est prolongé pour la sixième fois

Depuis cinq mois, des gens sont enfermés au Camp de Mória. Depuis le mois de mars et prétendument à cause du Coronavirus, les gens n’ont pas été autorisés à quitter le camp d’asile, où les conditions de vie sont depuis des années catastrophiques. Cette semaine, le verrouillage du Camp de Mória a été prolongé indéfiniment pour la sixième fois. Ceci malgré le fait qu’il n’y ait aucun cas connu de Covid-19 dans le camp et que les restrictions pour les personnes en Grèce en dehors des camps et pour les touristes ont été levées il y a quelques semaines. Il semble donc relativement clair que le Coronavirus est utilisé comme prétexte pour enfermer les exilé·e·s. Les conséquences sanitaires de cet enfermement continu sont désastreuses. 15 000 personnes vivent dans des tentes et des cabanes construites par leurs soins dans des espaces très réduits. Ils et elles ne peuvent pas se déplacer librement et n’ont pratiquement pas accès aux structures de soutien. Il y a des tensions sociales dans le camp et il n’y a ni nourriture ni eau en quantité suffisante. En outre, les personnes du camp sont constamment menacées par la violence massive de l’État et de la droite.
À ces atrocités s’ajoute la brutalité du régime d’asile. Les personnes sont exposées à la menace d’une décision d’asile négative à tout moment. Si cette mesure est prise, les gens ne reçoivent plus rien. Même pas de nourriture. Cela signifie qu’ils sont enfermés dans une prison en plein air sans nourriture et qu’ils doivent s’attendre à être expulsés tous les jours.
La semaine dernière, plusieurs familles de Mytilini ont manifesté contre cette violence flagrante qu’elles subissent quotidiennement. La réponse de l’État grec a été un déploiement brutal de la police anti-émeute qui a arrêté la manifestation et ramené de force les gens au Camp de Mória.

Les fonctionnaires des frontières sur la route des Balkans incisent des mains, humilient et déportent

Le Réseau de surveillance de la violence aux frontières [4] a révélé 20 cas de refoulements illégaux en juin et a documenté les expériences de 351 personnes dont les droits ont été violés à la frontière extérieure de l’UE. Les personnes sur place ont enregistré divers actes cruels et abusifs commis par des agent·e·s d’au moins dix autorités nationales différentes. Quelques-uns des développements décrits dans la politique frontalière européenne sur la route des Balkans :

  • Croatie : Dans la région frontalière, des policier·e·s ont blessé des exilé·e·s lors de refoulement en leur infligeant des coupures de couteau dans les mains. Cela a été fait dans le but spécifique de dissuader d’autres réfugié·e·s sous les yeux desquels ces actes ont été commis. Les cicatrices restantes seront aussi visibles par tous les résident·e·s dans les camps. En outre, il y a eu plusieurs cas de coups de crosse de fusil sur la tête de exilé·e·s. Ensuite, les plaies saignantes ont été badigeonnées de nourriture comme du ketchup - une cruelle moquerie envers les exilé·e·s. À l’intérieur du pays, des gens sont à nouveau morts. Probablement six personnes sont décédé·e·s en essayant de traverser les rivières Mrežnice et Korona. Leur nombre exact est difficile à déterminer, car les cadavres disparaissent souvent dans la rivière. Les deux rivières traversent le centre du pays et sont un bon exemple du fait que les régions frontalières ne sont pas les seules à être dangereuses le long des voies de migration. À l’intérieur du pays également, il y a du profilage racial, des arrestations et des refoulements sans aucun avis officiel. Une enquête sur l’utilisation des fonds de l’UE soulève des questions sur le rôle de l’UE dans ce scénario violent. En 2018, l’UE a accordé à la Croatie 6,8 millions d’euros pour la sécurité de ses frontières. Un système de contrôle est censé être mis en place pour garantir que toutes les activités des autorités frontalières sont “proportionnées” et conformes aux droits fondamentaux et à la législation européenne en matière d’asile. Cependant, cela n’a jamais vu le jour. Des 300 000 € (sur les 6,8 millions) prévus pour les structures de contrôle, un total de 84 672 € a été alloué à la police croate. Le reste a été réorienté vers d’autres usages ou n’a pas été dépensé du tout. L’UE finance donc directement une autorité policière impliquée dans des pratiques illégales de refoulement.
  • Roumanie : Des violences physiques et psychologiques sont également commises par les fonctionnaires des frontières, en particulier des personnes ont été blessées par des câbles et des matraques. Les frontières sont “sécurisées” afin d’éviter que des demandes d’asile ne soient faites dans le pays.
  • Grèce : Selon la nouvelle exigence d’accréditation, en plus des ONG dans les camps, de nombreux groupes sont touchés par la criminalisation. C’est le cas par exemple, pour les organisations ou collectifs qui apportent une aide de solidarité dans la rue, en fournissant de la nourriture ou des services médicaux. Dans ce contexte, les exilé·e·s ont été emmené·e·s par les autorités avec la promesse d’une légalisation et se sont retrouvé·e·s en Turquie quelques heures plus tard après une déportation collective.
  • Italie : La tromperie se produit également en Italie, où les autorités prennent les empreintes digitales des exilé·e·s et leur suggèrent qu’ils et elles pourraient désormais demander l’asile, pour ensuite les expulser vers la Slovénie et les refouler en chaîne à travers au moins deux autres frontières. Dans un discours public devant le Comité Schengen, le ministre de l’intérieur Lamorgese a expliqué qu’entre le 1er janvier et le 25 juin 2020, 343 personnes dont les empreintes digitales ont été lues dans le système EURODAC ont été forcées de retouner en Slovénie.
  • Serbie : Après qu’il soit devenu presque impossible de demander l’asile en Hongrie, de plus en plus de personnes se rendent en Serbie, qui n’était jusqu’à présent pour beaucoup qu’un pays de transit. Actuellement, 6 000 personnes vivent dans des camps officiels. Il devient maintenant évident qu’il est extrêmement difficile d’y demander l’asile également : La procédure n’est pas claire, les délais sont courts, tous les documents doivent être remplis en serbe et il y a un manque de conseillers juridiques. Seuls 3 % des réfugié·e·s sont enregistré·e·s comme demandeurs ou demandeuse d’asile. En outre, la “loi sur les étrangers” a été modifiée pour faciliter les expulsions et des accords de réadmission ont été conclus avec l’Irak, l’Afghanistan et le Pakistan.

Le rapport présente les données et les histoires des personnes en fuite. Ils rendent visible l’ampleur de la violence aux frontières - la violence physique et psychologique toujours menaçante, les humiliations, les fausses promesses, les refoulements. Chaque cas est l’histoire individuelle d’une personne à qui l’on refuse toute valeur dans cette blanche Europe.

Les autorités ignorent un cadavre en Méditerranée pendant deux semaines

Le corps sans vie d’un être humain a flotté dans la mer Méditerranée pendant plus de deux semaines. L’organisation de sauvetage Sea-Watch a pris une photo du corps flottant depuis son avion “Seabird”, qui fait le tour de la Méditerranée pour repérer les bateaux avec des réfugiés en détresse. Elle avait alors informé les autorités de Libye et les autorités de Malte et d’Italie. Cependant, rien ne s’est passé. Aucun des pays responsables n’a donné suite au rapport, car au cours des deux semaines suivantes, l’avion “Seabird” a vu le corps trois autres fois.
Beckmann, cheffe de la reconnaissance aérienne à Sea-Watch, exprime le scandale comme suit :

Si les corps ne sont pas récupérés et identifiés et que les proches ne sont pas informés de la mort afin qu’ils puissent faire leur deuil, ce qu’ils ont le droit de faire, et si ces morts ne sont pas enterrés, cela montre que le dernier morceau de dignité qui restait à l’UE s’est noyé avec ces personnes en Méditerranée.

Toutes les vies ne comptent pas pareillement pour l’Europe. Ni tou·te·s les mort·e·s.

Notes

[1Die Wochenzeitung, journal hebdomadaire imprimé suisse-allemand

[2FIZ - Fachstelle Frauenhandel und Frauenmigration

[3Secrétariat d’Etat aux migrations

[4Border Violence Monitoring Network (BVMN)

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