Antifascisme - Extrême-droite Coronavirus

Rimoldi et l’extrême droite : une chronologie

La mouvance conspirationniste née au début de la pandémie de Covid 19 appelle à une manifestation à Genève le 1er juin et tente d’appater avec un vocabulaire pseudo-émancipateur. Le 27 mai 2023 les mêmes organisations avaient déjà appelé à une manifestation à Genève et avaient à l’époque convié Nicolas Rimoldi, fondateur de Mass Voll à y faire un discours.

Suisse |

Article traduit depuis l’allemand, original sur antifa.ch

Chronologie du rapprochement entre Nicolas Rimoldi et l’extrême droite.

Encore considéré talent politique en herbe des Jeunes Libéraux-Radicaux suisses (JLRS) en 2019 ; en réseau avec l’extrême droite de toute l’Europe en 2023 : voici le parcours de Nicolas Rimoldi. Radicalisé durant la pandémie, il commence alors à baigner dans les milieux complotistes. Il finit par se faire repérer par l’une des personnalités d’extrême droite les plus connues d’Europe, qui le prend sous son aile dans le but d’influencer le discours politique en Suisse.

« Je ne pense pas qu’il soit physiquement dangereux. Mais il y a dans son entourage de nombreuses personnalités de droite vraiment dangereuses, qui se laissent manifestement influencer par ses paroles audacieuses. » [1], a déclaré un ancien collègue du parti JLRS de Nicolas Rimoldi en 2021. À l’époque, Rimoldi venait de créer son association Mass-Voll, de laquelle il est désormais clairement à la tête. Depuis le début de la pandémie, le Jeune PLR est adepte des récits de conspiration et des idéologies de droite. Plus tard, il fait la connaissance de politicien·ne·s d’extrême droite influent·e·s et se rapproche de plus en plus de leur réseau. Enfin, il commence à se mouvoir dans ces cercles. Voici la chronologie de sa radicalisation :
Avant la pandémie, Nicolas Rimoldi était un membre relativement ordinaire des JLRS et jouissait de bonnes perspectives de carrière. Il rejetait, de manière plutôt crédible, l’extrémisme de tous bords tout en défendant un libéralisme radical. En juillet 2020, il insérait dans ses tweet le hashtag #TeamMaske et portait des masques même là où ce n’était pas obligatoire. Cependant, déjà à l’époque, il s’opposait à l’obligation imposée par l’État d’en porter, ainsi qu’à d’autres prescriptions légales concernant le coronavirus. C’est à partir du second semestre 2020, qu’il prend un tournant dans sa radicalisation. En février 2021, il fonde Mass-Voll afin de lutter contre les mesures COVID et, en septembre 2021, il rompt ses liens avec les JLRS, leur tournant désormais le dos.

Depuis sa création en 2021, le mouvement Mass-Voll compte parmi ses membres des activistes aux idéologies d’extrême droite tels qu’Olivier Chanson, « responsable multimédia » de Mass-Voll et politicien UDC, qui prêche ce que l’on appelle « le grand remplacement » [2]. Dans une interview, un autre membre du mouvement parle du « traumatisme de la dette occidentale » [3]. Au début, l’association a tout de même voulu se démarquer des idéologies complotistes et d’extrême droite. Cependant, il n’y a jamais eu de distanciation crédible vis-à-vis de ces discours. En outre, Joyce Küng, alors « responsable de la content team » s’était entretenue avec le célèbre extrémiste de droite Ignaz Bearth [4]. Plus tard, elle rédige des articles pour l’hebdomadaire réactionnaire Die Weltwoche. À la fin de l’année 2022, Rimoldi a également rendu visite à Bearth, qui vit désormais en Hongrie. De plus, Junge Tat et Résistance Helvétique likent les publications d’autres membres de Mass-Voll sur les réseaux sociaux.

Le mentor de Rimoldi

Ce n’est en vérité qu’en 2023 que Mass-Voll commence à se radicaliser, et ce, au contact de Martin Sellner, extrémiste de droite et leader du Mouvement Identitaire autrichien. Sellner, domicilié en Autriche, est l’influence idéologique de plusieurs groupes d’extrême droite suisses tels que Junge Tat, mais aussi de politicien·ne·s telles que Sarah Regez, responsable de la stratégie chez les Jeunes UDC ou encore de l’UDC Olivier Chanson. Sellner est par ailleurs la personne qui a défini dans la sphère germanophone le concept de « remigration », c’est-à-dire le renvoi des « étranger·ère·s culturellement, économiquement, politiquement et religieusement non-assimilables » [5]. Ainsi, Martin Sellner et ses acolytes voudraient déporter la grande majorité des personnes issues de l’immigration. Par le passé, l’Autrichien côtoyait le tueur en série d’extrême droite Brenton Tarrant. Sellner est par ailleurs connu pour avoir collé des croix gammées sur des synagogues [6]. Il s’avère que c’est Sellner qui a pris Rimoldi par la main et l’a conduit vers les idéologies d’extrême droite.

Le 15 mai 2023, Sellner mentionne pour la première fois Nicolas Rimoldi dans un Tweet, disant de lui qu’il bouscule la politique suisse et incitant son public à le suivre sur Telegram [7]. Quelques jours plus tard, le 21 mai 2023, Sellner tweete qu’il se trouve en Suisse dans le cadre d’un événement et qu’il a réussi à obtenir une interview avec l’activiste suisse. Sarah Regez, responsable de la stratégie des Jeunes UDC, participe également à l’événement mentionné et l’interview annoncée est publiée peu de temps après.

Le 8 juin 2023, soit environ deux semaines plus tard, Rimoldi utilise pour la première fois le mot « remigration ». Le bal commence :

« Stolzmonat », « manifestation pour la remigration » et « l’anniversaire d’Hitler »

Le 17 juin 2023, Martin Sellner nomine Nicolas Rimoldi pour « l’action du Stolzmonat », nomination offerte aux personnes qui « organisent une action […] ou font un don à une organisation patriotique » [8]. Le même jour, Rimoldi, qui suit l’événement, partage une vidéo de lui-même marchant dans les montagnes avec le drapeau suisse [9]. L’action Stolzmonat a été lancée par des activistes de droite pour contrecarrer le Pride Month.

Le 29 juillet 2023, Rimoldi et d’autres membres de Mass-Voll, aux côtés d’extrémistes de droite, participent à la « manifestation pour la remigration » du Mouvement Identitaire qui se déroule à Vienne. Rimoldi y prononce un discours dans lequel il appelle la foule à « sauver l’Europe », affirmant que l’avenir du continent est « entre nos mains » et que « nous sommes la dernière génération pour la remigration » [10]. Et ces mots ne lui viennent pas de nulle part, ce sont ceux utilisés par Sellner dans son livre : c’est, à son avis, le dernier moment pour arrêter le « grand remplacement ».
Nicolas Rimoldi rencontre ensuite Martin Sellner pour un échange et sur le chemin du retour, Mass-Voll fait un détour par Braunau, le lieu de naissance d’Hitler.

« La remigration comme programme électoral »

Quelques jours après le séjour à Vienne de son leader, soit le 30 juillet 2023, le mot " remigration " apparait pour la première fois sur les réseaux sociaux de Mass-Voll. Et le programme électoral qui a été publié peu de temps après réclame explicitement la « sécurisation de nos frontières », la« suppression de la clause de rigueur » et la « poursuite d’une politique conséquente de remigration » [11]. Rimoldi tweete le 3 août 2023 : « Qui veut la remigration, élit @mass_voll au Conseil national » [12]. Sellner a ainsi atteint son objectif.

Depuis que Rimoldi est en contact avec Martin Sellner, il utilise – et Mass-Voll fait de même – les concepts et termes politiques de Martin Sellner. Ce dernier obtient manifestement ce qu’il veut, faisant diffuser ses idées par divers·e·s acteur·ice·s du milieu politique suisse tels que des politicien·ne·s de l’UDC [13], des extrémistes de droite ou des groupes politiques, comme Mass-Voll. Il donne ainsi à la droite et aux extrémistes de la droite helvétique un moyen de normaliser les concepts de l’extrême droite et de changer le discours.

Toute cette campagne a culminé par la fabrication de vêtements, vendus pas Mass-Voll, sur lesquels est imprimé le mot « remigration ». Et dont la publicité est assurée par Martin Sellner.

Junge Tat et le réseau européen

Mass-Voll tente de s’unir à d’autres groupes d’extrême droite dans toute l’Europe. En effet, le 26 août 2023, Rimoldi participe à une conférence en Hongrie, où des politicien·ne·s et des militant·e·s d’extrême droite, comprenant des organisations de Suède, Bulgarie, Pays-Bas, République tchèque et Hongrie, se rencontrent. « We are facing the annihilation of our nations, déclara Rimoldi dans son discours, our values, our traditions and our culture [...] The hour is late, my friends. But it not too late to stop the globalists. » [14] Dans la déclaration signée conjointement par tous les groupes présents, il est entre autres dit :

« 2. We are […] deeply opposed to the industrially and criminally organised mass immigration which our societies cannot sustain […]. Both legal and illegal immigration must be stopped.
3. We are in favour of traditional family structures, and of the protection of children, and opposed to wokeism and LGBTQIA+ so-called values which are corrosive to national cohesion and common sense. »

Revenons à la Suisse. Le 19 juillet 2023, Tobias Lingg, leader de Junge Tat, écrit sur Twitter que Rimoldi rend, à son sens, le mouvement visible à beaucoup de personnes [15]. À partir d’août 2023, Rimoldi et les dirigeants de Junge Tat commencent à interagir sur les réseaux sociaux.

En septembre 2023, Rimoldi organise une action avec Junge Tat, qui supervise le travail, pour le groupe d’action « Sichere Grenzen » (qui peut se traduire en français par « frontières sécurisées »). Le message à faire passer : la civilisation occidentale est sur le point de disparaître, il faut agir.

Dans plusieurs entretiens, des membres de Junge Tat louent le travail et l’évolution de Nicolas Rimoldi.

Le 16 mars 2024, Rimoldi participait à l’événement organisé par Junge Tat au cours duquel Martin Sellner devait donner une conférence, mais l’Autrichien se fait arrêter.
Quelques semaines plus tard, le 12 avril 2024, le leader de Mass-Voll s’est rendu en Bulgarie pour une autre conférence appelée « New leaders of Europe », une réunion dans laquelle des représentant·e·s de groupes d’extrême droite et nationalistes européens se rencontrent. À cette occasion, des représentant·e·s d’extrême droite grecques, moldaves, slovaques et serbes rejoignent les rangs du mouvement international. [16] Cette fois, Rimoldi prononce un discours dans lequel il compare l’UE, l’ONU, l’OMS et d’autres institutions au communisme. En voici la conclusion :

« The nation state, evolved over centuries and built on shared values of what it means to be a truly functioning community, it’s being eroded. Its ability to govern itself is being stripped away and handed to the globalist collective. A collective that will cram down its of one size fits all [sic], regardless of the damage it causes, mirroring the failings of the Soviet Union I mentioned at the beginning. » [17]

Tout cela est-il important ?

Tout d’abord, Mass-Voll est un groupe ayant le droit au référendum et capable de financer une campagne électorale, ainsi que de vote. Pour le moment, leurs thèmes sont encore secondaires, mais cela évolue lentement. Nicolas Rimoldi est, par ailleurs, un homme de carrière et il est en train de se rendre compte que maintenir l’accent sur la pandémie ne le mènera plus très loin, tant à niveau professionnel que personnel. Ainsi, il se tourne peu à peu vers d’autres sujets, dont fait partie la « remigration ». Et puis, Rimoldi entretient, grâce à Mass-Voll, l’image du « militant des droits civils » qui lutte pour la liberté. Et, bien qu’il puisse être qualifié de partisan d’extrême droite depuis au moins 2023, l’opinion publique n’en a pas encore pris conscience. Tant que les médias présenteront Rimoldi comme un activiste inoffensif et quelque peu égaré, il sera en mesure d’utiliser la terminologie d’extrême droite dans ses discours et de la normaliser.

Cependant, Mass-Voll n’a actuellement pas beaucoup d’importance dans le paysage politique suisse. Ses membres sont en constante rotation et Rimoldi dirige désormais l’association presque seul, car du fait de sa nature narcissique, il se dispute avec presque tout le monde. Ses camarades de route se séparent généralement de lui après un court laps de temps, lorsqu’iels se rendent compte que Rimoldi ne tolère pas les objections et veut la scène pour lui seul ; les alliances avec d’autres groupes politiques ne durent généralement que peu. Sur le plan rhétorique, il semble fort et est capable d’enthousiasmer les gens à court terme. Mais si vous l’écoutez plus longtemps, ou si vous êtes capable de discerner son pathos, vous vous rendrez vite compte que ses phrases sont vides de contenu et ternes.

Finalement, Nicolas Rimoldi n’est pas digne de confiance : aucun personnage de la vie politique publique en Suisse n’a été aussi souvent dénoncé pour ses mensonges. Il change d’avis comme de chemise, ce qui rend son discours incohérent. Comme le dit l’un de ses anciens camarades politiques de Lucerne : « Ses opinions ne sont pas pertinentes. Il s’inspire de ce qui suscite le plus d’attention. » [18]

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