
Les centres fédéraux d’asile (CFA)
Depuis la réforme de la loi sur l’asile entrée en vigueur en 2019, les CFA occupent une place centrale dans le dispositif suisse d’asile. Durant les 140 jours suivant le dépôt de leur demande d’asile, les personnes sont logées, passent leurs auditions, ont leurs premières visites médicales et rencontrent leurs juristes dans ces CFA surpeuplés. Ce, dans l’objectif avoué par les autorités suisses de pouvoir déterminer au plus vite qui parmi les demandeurs et demandeuses d’asile pourront être renvoyés. Les CFA permettent ainsi au SEM (Secrétrariat d’État aux migrations) de garder sous contrôle les personnes et de les isoler de la société civile, en attendant de savoir si iels pourront prétendre à un statut de séjour ou non. Concentrer les premières étapes du processus d’asile au même endroit altère la mobilité des personnes demandant l’asile et les rend disponibles à l’administration en tout temps.
Au Grand-Saconnex, c’est l’ouverture d’un complexe comprenant un CFA de 250 places, mais aussi une prison de détention administrative de 50 places, ainsi qu’un service de police et des douanes, qui est prévue. Collé au tarmac de l’aéroport de Genève et explicitement destiné à favoriser “l’interaction avec les acteurs du renvoi” : la visée répressive du centre est claire.
De plus, les conditions de vie dans le centre sont assimilables à de la semi-détention : nécessité de demander une autorisation pour chaque sortie (possible uniquement entre 9h et 17h), interdiction de recevoir des visites de ses proches, prise d’empreintes digitales, fouilles au corps, sanctions internes arbitraires, interdiction de conserver ses appareils électroniques ainsi que ses denrées alimentaires, travaux d’intérêt général payés 3.75 CHF de l’heure, etc.

Les acteurs ciblés par ces actions simultanées sont
- l’OCPM (Office cantonal de la population et des migrations) “qui traite les dossiers des personnes relevant de l’asile attribuées au canton de Genève et veille à la bonne exécution des décisions de renvoi”
- l’OCD (Office cantonal de la détention) qui s’occupe de la détention administrative des personnes migrantes en vue d’un renvoi
- le DIP (Département de l’instruction publique) qui a décidé de scolariser les enfants à l’intérieur du centre, une décision approuvée par l’entier du Conseil d’Etat genevois, les confinant ainsi au sein d’un espace carcéral, dans un environnement pollué, avec des infrastructures insuffisantes et impropres à l’apprentissage.
Une trentaine de collectifs et d’organisations font actuellement signer une pétition pour exiger que ces enfants soient scolarisé·es au sein de l’école publique régulière de manière à ce que soit respectées la Convention relative aux droits de l’enfant, la Convention sur les discriminations raciales, ainsi que les Constitutions fédérale et genevoise et la Loi sur l’instruction publique (LIP).
- l’entrée du bureau de la Conseillère d’État socialiste Carole-Anne Kast dont le département est en charge des deux précédents offices. La présence du CFA à Genève est le résultat d’une négociation détestable entre les Conseillers d’État qui l’ont précédée et le SEM : Mme Kast aurait pu renverser la vapeur, réaffirmer l’engagement de Genève pour les droits humains, et s’opposer à l’ouverture de ce scandaleux centre en faisant preuve de courage politique. Cela n’a pas été le cas.
- l’entreprise privée Protectas chargée d’assurer “la sécurité” du centre en maintenant des conditions de vie semi-carcérales avec du personnel qui n’est jamais formé à travailler au sein de telles structures et qui ne cesse d’être accusé de violences que ce soit contre les mineurs du Foyer de l’Etoile (GE), contre les réquérant-e-s du CFA de Bâle, ou dans celui de Giffers (FR)
- et la Commune du Grand-Saconnex qui ne s’oppose pas à ce que ce centre ouvre sur sa commune et ferme ainsi les yeux sur les violences et multiples violations des droits humains vécues dans les CFA qui ont été régulièrement dénoncées par Amnesty International, mais également la Commission nationale de prévention de la torture (CNPT), humanrights.ch et le HCR.
Majoritairement basés en-dehors de Genève, nous n’oublions cependant pas les acteurs suivants et leur rôle majeur dans ce "projet" :
- l’entreprise privée ORS qui gère la vie du centre de manière sécuritaire et impersonnelle. En Suisse, l’asile est privatisé. L’entreprise ORS Service AG fait son business sur le dos des personnes résidant dans le centre avec la complaisance de la Confédération. Et ce malgré les nombreuses dénonciations de maltraitances et de manque d’accès aux soins.
- la multinationale Serco qui capitalise sur les prison·nière·x·s dans le monde et qui a récemment racheté ORS
- la boîte d’architectes zürichoise Berrel Kräutler qui a conçu les plans du centre et qui ont eu l’indécence d’appeler leur projet “Philémon et Baucis” en référence au couple de vieillards qui, dans la mythologie grecque, ouvrit sa porte à Zeus et à Hermès déguisés en vagabonds pour tester l’hospitalité de leur peuple
Le système des Centres fédéraux :
- s’inscrit dans des politiques xénophobes qui précarisent et criminalisent les requérant·es d’asile à travers l’isolement, l’enfermement ou le renvoi
- génère inévitablement des violences contre les requérant·es d’asile ;
- est le reflet de lois racistes et excluantes envers les personnes en exil et plus largement envers les personnes étrangères
Nous nous opposons à l’ouverture du centre de renvoi du Grand-Saconnex et nous appelons à continuer les actions contre ce centre et contre tous les acteurs qui participent à appliquer ces politiques inhumaines.
Le CFA du Grand-Saconnex est un projet profondément violent : les personnes qui y seront détenues seront privées de toute agentivité. Elles viveront dans des conditions semi-carcérales dans une zone fortement polluée. Les enfants seront scolarisé·e·x·s à l’intérieur du centre et seront ainsi privé·e·x·s de leur droit fondamental à une éducation sans discrimination. Le centre de renvoi du Grand-Saconnex est une atteinte à la dignité humaine ! Personne n’est illégal ! Détruisons toutes les frontières !
Ce centre devrait ouvrir le 16 juin : il n’est jamais trop tard pour renoncer à un projet inutile, inhumain, xénophobe et raciste !
NON au CFA du Grand-Saconnex !
STOP RENVOIS