Santé - Soins Coronavirus Le Silure

Suivi Covid : Semaine du 11 au 17 avril 2022

Pour essayer de garder le cap dans le chaos néolibéral, Le Silure propose un suivi hebdomadaire de la pandémie et de ses conséquences sociales et politiques.

Alors que les indicateurs manquent désormais pour suivre précisément la vague printanière où nous nous trouvons, l’évidence d’une reprise épidémique à l’automne s’impose peu à peu. Le ministre allemand de la santé a commandé des doses de vaccin et averti la population qu’il s’agissait de se préparer à cette éventualité. Ce qui frappe, c’est que, en dehors de quelques commandes de vaccins, aucune mesure fondée sur la science n’est envisagée. Une nouvelle étude que nous résumons ici montre l’importance des contaminations en milieu scolaire : a-t-on entendu le Conseil d’Etat se prononcer pour la mise en place d’un plan d’assainissement de l’air dans les écoles ? a-t-on entendu la Ville de Genève - qui gère de nombreux bâtiments scolaires - décider courageusement un vaste plan d’équipement en capteurs de CO2 et en dispositifs d’aérations ? Ces deux collectivités bouclent leurs comptes 2021 sur des bénéfices faramineux qui sont les maigres restes des profits considérables engrangés par les capitalistes pendant la pandémie. Cet argent ne servira manifestement pas à modérer les effets dévastateurs de cette troisième année de pandémie.

L’école sans mesures de protection : une étude de cas à Genève

Une étude publiée dans le journal The Lancet00267-5/fulltext) revient sur la transmission de Covid dans une école primaire à Genève en janvier 2022. Un premier enfant est testé positif le lendemain de la rentrée. Sur quatre classes ayant fait l’objet de l’étude (nommées ci-dessous A, B, C, D), pour les enfants ça donne :

« Dans les 3 jours suivant l’identification du premier cas, nous avons identifié des cas dans les quatre classes étudiées. L’incidence cumulée de l’infection était de quatre (33 %) sur 12 enfants dans la classe A (qui passait à cinq [42 %] sur 12 si l’on incluait un cas probable (...), de deux (15 %) sur 13 dans la classe B, de neuf (56 %) sur 16 dans la classe C, et de 11 (61 %) sur 18 dans la classe D. Au moment de l’étude, seuls deux enfants avaient été vaccinés contre le COVID-19 avec une dose ; tous deux ont été testés positifs pour l’infection par le SRAS-CoV-2. (...) 19 (29%) des 66 enfants (quatre à six enfants dans chaque classe) avaient des anticorps IgG anti-SRAS-CoV-2 (sans lien avec la vaccination) ou une infection confirmée par PCR, ou les deux, avant le début de l’épidémie omicron en janvier 2022. »

Pour le personnel :

« Cinq (50%) des dix enseignants et un (20%) des cinq membres du personnel non enseignant de l’école ont été testés positifs pendant l’épidémie omicron. Deux (13%) des 15 membres du personnel n’étaient pas vaccinés contre le COVID-19, et tous deux ont été testés positifs. »

Dans les foyers des enfants :

« Nous avons également étudié l’introduction des infections par le SRAS-CoV-2 dans 24 foyers d’enfants testés positifs. 52 membres du foyer ont été testés une ou deux fois dans la semaine qui a suivi le test positif de leur enfant ou de leur frère ou sœur (annexe p 3). Des infections par la variante omicron du SRAS-CoV-2 ont été constatées dans 15 (63 %) des 24 foyers et 25 (48 %) des 52 membres du foyer examinés (ce chiffre passant à 27 [50 %] sur 54 si l’on inclut les cas probables), une incidence cumulée des infections dans les foyers similaire aux résultats d’un autre rapport de la Corée du Sud.4 42 (91 %) des 46 parents inclus étaient vaccinés, dont 32 (76 %) avaient reçu un rappel. »
« Plusieurs facteurs ont probablement conduit à cette importante épidémie, notamment des contacts étroits entre enfants à l’école, plusieurs introductions distinctes (comme le suggère la recherche des contacts) après les vacances d’hiver dans un contexte d’incidence hebdomadaire élevée (3101 habitants sur 100 000 à Genève à la fin de la semaine 2 de 2022 étaient infectés, dont >96% par le variant omicron), des réinfections par le variant omicron,6 et des périodes d’isolement raccourcies à 5 jours à partir du 13 janvier 2022 par les autorités sanitaires, ce qui a conduit à renvoyer à l’école des participants potentiellement infectieux.

En résumé, cette étude prospective, basée sur les classes d’école, fournit des preuves d’une transmission plus élevée des infections en milieu scolaire avec la variante omicron que ce qui avait été rapporté avec les variantes précédentes. Les enfants semblent être une source importante d’infections extra-ménagères et ont un rôle clé dans la transmission communautaire. »

Journées de la liberté ou journées de la mortalité

Sur Twitter, l’épidémiologiste Eric Feigl-Ding s’interroge : est-ce que lesdites "journées de la liberté" ont provoqué des flambées de mortalité ? Réponse : oui. Deux exemples : En Suisse, la surmortalité est restée élevée pendant 4 semaines consécutives. Au Danemark, c’est 9 semaines consécutives de surmortalité.

Chiffres de la mortalité

Avec la même idée de rendre concrète l’ampleur de l’épidémie, le New-York Times chiffre dans un long read le nombre d’enfants ayant perdu un parent du Covid. Sur l’ensemble des Etats-Unis, ils seraient 200’000. L’article livre de nombreux témoignages qui montrent ce que la perte d’un parent implique dans la vie de ces enfants.

Brouillard statistique

Antoine Flahaut relève sur Twitter qu’on entre dans une phase de brouillard statistique qui ne permet plus vraiment de mesure l’évolution de la pandémie. Un indicateur reste relativement intéressant, c’est celui de la positivité des tests. En Suisse, pour la semaine écoulée, il s’établit toujours à 40% (40% des tests PCR effectués sont positifs), ce qui serait l’indice d’une circulation toujours très forte.

Supprimer l’aide sociale des étrangèrexs

On a beaucoup glosé sur le fameux « monde d’après », celui que le Conseil fédéral est en train de dessiner ressemble furieusement au monde d’avant... en pire. Nous l’avions déjà mentionné ici, le gouvernement suisse projette de réduire drastiquement l’aide sociale pour les étrangèrexs non ressortissantexs de l’Union européenne. C’est ce que rapporte Le Courrier. Interrogée, la responsable d’une association faîtière des travailleuses et travailleurs sociaux souligne que : « Elle relève que le projet concerne surtout des personnes ayant bénéficié du regroupement familial, donc de nombreuses familles avec des enfants. Selon l’association professionnelle, les études ne démontrent pas qu’une incitation financière négative a un impact sur l’intégration dans le monde du travail. »

Sans lien direct avec le Covid, cette volonté du gouvernement montre le retour (si tant est qu’il ait brièvement disparu) du bruit de fond néolibéral sur les restrictions de prestations publiques.

Luttes paysannes : mémoire de Nicolae Bahan, victime du Covid et de l’exploitation

Comme ce suivi hebdomadaire paraît le 17 avril, date de la Journée internationale des luttes paysannes, rappelons la mémoire du cueilleur d’asperges roumain Nicolae Bahan, décédé il y a deux ans du Covid-19 dans l’entreprise de Fritz Waßmer, producteur d’asperges à Bad Krozingen.

Bahan a été amené en Allemagne par-delà les frontières fermées pour sauver la récolte d’asperges et travailler, dans des conditions d’hygiène déplorables. Bahan ne devait pas survivre à ses conditions d’exploitation et à l’absence de soins de santé.

Comme Nicolae Bahan, de nombreuses travailleurs et travailleurs de la terre ont été parmi celles et ceux qui devaient continuer à travailler « quoi qu’il en coûte » pour leur santé ou pour leur vie. On se souvient qu’au cours des deux premières vagues, pour des raisons encore inconnues mais qui ont sans doute à voir avec la diffusion du virus par aérosol, les travailleuses et travailleurs des abattoirs furent parmi les professions les plus frappées.

Retour du masque à New-York

En raison de l’augmentation des cas Covid -variant BA2- dans la ville de New York, l’Université Columbia décide de revenir au port du maque à l’instar d’autres campus états-uniens, tandis que la ville de Philadelphie réinstaure l’obligation du port du masque à l’intérieur.

En Angleterre, la politique sanitaire se résume à une « idéologie de vie sans restrictions »

Le journal médical BMJ informe que selon le Bureau de la statistique nationale (ONS), le nombre de personnes testées positives pour le Covid en Angleterre est encore élevé, avec environ une personne sur 13 estimée avoir eu le virus au cours de la semaine se terminant le 2 avril.

Les hôpitaux et les services d’ambulance sont confrontés à des pressions extrêmes et à un grand nombre d’absences du personnel, pouvant mener des patientexs à devoir attendre 12 heures dans les services d’urgence de certains hôpitaux. Layla McCay, directrice des orientations politiques de la Confédération NHS, qui regroupe de nombreuses organisations et professionnellexs de la santé publique, a affirmé.

« Cette pandémie n’est pas encore terminée, malgré la rhétorique du gouvernement. »
« Le gouvernement doit être honnête avec le public sur la nécessité pour les gens de prendre des mesures pour freiner la propagation du Covid, lorsqu’il leur est possible de le faire. Le gouvernement doit également être honnête sur ce que les gens peuvent attendre du NHS pendant cette période de tension incroyable. » (notre traduction)

Selon un autre article dans le journal The Independent, le chef du NHS a demandé le retour de mesures de protection contre le Covid plus strictes, alors que les infections explosent, mettant en garde contre des augmentations brutales durant Pâques. Ne pas réagir à l’augmentation des cas, reviendrait pour le gouvernement à risquer d’abandonner les services de santé, affirme la Confédération NHS.

Deux jours après, The Independent racontait comment des hôpitaux débordés arrêtaient les tests Covid de routine pour les nouveau.elle.x patientexs, alors que les médecins et les infirmier.exs subissent des pressions « brutales » . Or, malgré les appels des chef.fexs du NHS à remettre en place des mesures de protection telles que le port du masque, les ministres ont déclaré qu’il n’était pas prévu de modifier les directives. _The Independent_ semble penser qu’au moins deux grands hôpitaux, à Newcastle et à York, ont abandonné le dépistage des patientexs ne présentant pas de symptômes afin d’alléger la pression sur les lits - ce qui fait craindre que le Covid ne se propage. D’autres hôpitaux sont susceptibles de faire de même si la pression sur les lits s’aggrave et certains envisagent de ne pas séparer les patients dans les services d’urgence.

Matthew Taylor, directeur général de la Conférédation NHS, résume ainsi la situation à la BBC : « nous n’avons pas un plan de vie avec Covid, nous avons une idéologie de vie sans restrictions » (notre traduction)

Lors de la première vague, des mesures de protection introduites deux semaines plus tôt au Royaume-Unis auraient permis d’éviter jusqu’à 43’000 décès

Une étude publiée sur Plos One confirme les conséquences tragiques du report du premier confinement au Royaume-Uni. Elle rappelle qu’au cours de la première vague de la pandémie, le Royaume-Uni a connu l’un des taux de mortalité par habitantex les plus élevés au monde. Les auteur.icex.s se sont questionnéexs si celle-ci pouvait s’expliquer en partie par la mise en place relativement tardive des mesures de distanciation sociale et de confinement obligatoire.

Par des simulations, cette étude a tenté d’estimer le nombre de cas et de décès qui seraient survenus en Angleterre au 1er juin 2020 si ces interventions avaient été mises en œuvre une ou deux semaines plus tôt, ainsi que l’impact sur la durée requise du confinement. Les auteur.icex.s affirment que l’introduction de mesures de protection une semaine plus tôt aurait réduit de 74 % le nombre de cas confirmés de Covid en Angleterre au 1er juin, ce qui aurait entraîné environ 21’000 décès de moins à l’hôpital et 34’000 décès de moins au total. De plus, le temps nécessaire passé en confinement complet aurait également pu être réduit de moitié, passant de 69 à 35 jours.

Une intervention deux semaines plus tôt aurait-elle permis de réduire les cas de 93 %, ce qui aurait entraîné entre 26’000 et 43’000 décès de moins. En somme, les auteur.icex.s soutiennent que l’introduction relativement tardive des mesures de distanciation sociale et de confinement a probablement augmenté l’ampleur, la gravité et la durée de la première vague de Covid en Angleterre. Et de conclure : « Nos résultats soulignent l’importance d’agir rapidement pour minimiser la propagation d’une maladie infectieuse lorsque le nombre de cas augmente de manière exponentielle. » (notre traduction)

Covid Long

Une étude publiée dans Nature Communications rapporte comment les symptômes et l’impact d’une maladie post Covid évoluent après la phase aiguë de la maladie. Parmi les patientexs atteintexs d’une maladie post Covid, 85% rapportaient encore des symptômes un an après leur apparition. L’étude conclut : « la plupart des patients atteints d’une maladie post COVID-19 présentent des symptômes évoluant selon des schémas différents mais persistant jusqu’à 1 an. La guérison de l’infection aiguë est un processus lent, et la prévalence de la plupart des symptômes a diminué au fil du temps avant d’atteindre un plateau 6 à 8 mois après leur apparition. » (notre traduction)

Dans un éditorial du journal Lancet Diabetes & Endocrinology intitulé Covid long : l’éléphant dans la pièce00111-5.pdf) on nous rappelle quelques chiffres : Au 31 janvier 2022, selon les données de l’Office for National Statistics (ONS), 1 à 5 millions de personnes au Royaume-Uni (2 à 4 % de la population) ont déclaré présenter des symptômes de Covid long, 65 % d’entre elles faisant état d’un impact négatif sur leurs activités quotidiennes. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, des millions de personnes s’absentent à long terme du marché du travail en raison d’un Covid long.

On nous dit que si au début de la pandémie, le discours était largement centré sur la maladie aiguë, le Covid long est désormais clairement apparu comme un problème de santé publique qui va non seulement perturber les soins de santé des personnes vivant avec des maladies non transmissibles, mais aussi probablement augmenter le fardeau de celles-ci.

The Lancet Diabetes & Endocrinology
rappelle avoir alerté sur l’augmentation alarmante des taux de mauvaise santé métabolique dans le monde. En août 2020, iels avons publié une vaste étude de population montrant un risque accru de décès dû au Covid chez les personnes atteintes de diabète de type 1 et de type 2. Dans ce numéro de la revue, est mis en avant un risque significativement accru de diabète dans la phase post-aiguë (>30 jours) de Covid dans une cohorte de vétérans américains, y compris ceux qui avaient eu des infections bénignes et pour lesquels aucun facteur de risque antérieur de diabète n’était connu.

Iels appellent à des études épidémiologiques de grande envergure et bien contrôlées avec un suivi raisonnablement long (plus d’un an) afin de clarifier davantage l’association entre le Covid, le diabète d’apparition récente et les complications métaboliques, et afin d’évaluer les relations de causalité potentielles. Selon iels, les efforts épidémiologiques devraient également être examinés dans le contexte de données cliniques complètes et les contributions de la recherche fondamentale et translationnelle doivent continuer à compléter et et informer la recherche clinique.

« Une collaboration désintéressée et ouverte au sein de la communauté scientifique internationale sera fondamentale. Si le lien entre le COVID-19 et le diabète nouveau diabète se vérifie, même une faible augmentation de la de la prévalence du diabète dans le monde pourrait avoir des désastreuses conséquences. Dans un monde où le nouveau mantra est d’apprendre à vivre avec le COVID-19, le COVID long ne peut être ignoré. »

La Chine et la production de médicaments

Un long reportage du site d’information économiques Nikkei souligne la place désormais incontournable de la Chine dans la production de composants de médicaments (actives pharmaceutical ingredients ou API). Ces composants, qui sont ensuite vendus aux laboratoires qui les assemblent pour produire les médicaments vendus au public, sont la base de toute la pharmacopée contemporaine.

Or, en une vingtaine d’années, la production de ces composants s’est fortement déplacée des pays occidentaux et du Japon vers la Chine. Celle-ci, explique l’article, bénéficie de coût de production très bas et dans le secteur de la production de médicaments, c’est, selon les termes du reportage, « la course au moins cher » qui prévaut.

Selon les experts, la Chine est également très impliquée dans la production de fournitures médicales utilisées pour traiter le COVID-19. « Les sédatifs, les antibiotiques, les anti-inflammatoires [et] les médicaments pour traiter l’hypotension artérielle potentiellement mortelle font partie des médicaments génériques utilisés pour soigner les personnes atteintes d’un coronavirus grave. La Chine produit 90 % des ingrédients chimiques de ces médicaments essentiels », a déclaré M. Gibson, du Hastings Center, au Sénat américain en mars 2020. Selon la société d’analyse Clarivate, sur les 52 traitements liés au COVID, les trois quarts n’avaient pas du tout de sites de fabrication des API aux États-Unis.

Le revers de la course au profit, c’est la course au bas coûts de production et des situations de concentrations qui sont totalement contreproductives en termes de sécurité de l’approvisionnement et ce que la concentration ait lieu en Chine ou ailleurs. Aucune région ne devrait concentrer telle ou telle production, mais la globalisation des échanges et la financiarisation de l’économie ne cessent de produire des situations inextricables qui ne bénéficient à personne sauf aux actionnaires.

Retour sur la Déclaration de Great Barrington

Après ce premier mois de laisser-faire total, il est intéressant de revenir sur la Déclaration de Great Barrington. Ce texte d’octobre 2020, élaboré dans le cadre d’une réunion organisée par l’American Institute for Economic Research, un think tank libertarien, préfigure les politiques qui sont suivies aujourd’hui. Selon la rhétorique habituelle, la déclaration exagère l’importance des conséquences des confinements pour la santé publique. C’est un type d’argumentation que l’on retrouve systématiquement chez le propagandiste propesticide, ceux favorables à l’industrie du tabac ou des énergies fossiles. Le principe est de monter en épingle des risques marginaux (même si parfois réels) pour annuler les effets de possibles politiques publiques.

Au moment de sa sortie, la déclaration était largement vue comme l’oeuvre de théoriciens libertariens sans grand lien avec la réalité. Mais, comme souvent d’ailleurs dans les autres domaines précités (presticides, tabac, énergies fossiles), c’est finalement une forme plus ou moins atténuée selon les États des principes portés par cette déclaration qui tient lieu de politique publique. Dans le contexte idéologique néo-libéral qui prévaut depuis bientôt 40 ans, les projets libertariens sont désormais des projets envisageables pour des états démocratiques.

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