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Comme un éléphant dans le salon
Le rectorat de l’Unige [1] a mis en ligne une directive sur son site [2], où il nous annonce qu’il va mettre en place la vidéo-surveillance des examens, sans ne rien demander à personne, et encore moins aux étudiant.e.x.s.
Concrètement, voilà ce qu’il risque de se passer si t’es à l’Unige. Pendant ton examen, tu vas être observé.x.e via la webcam de ton ordi, voir filmé.e.x, mais tu ne sauras pas quand les yeux de la personne ou du logiciel qui te surveille seront braqués sur toi ; le contrôle est aléatoire. Suivant le logiciel, ce dernier prendra des photos de ton visage, de ta pièce, de l’endroit où tu seras. Ton visage sera regardé, analysé. Si le logiciel constate des “anomalies” (on y reviendra), des gens pourront avoir accès à tes données et les regarderont. Toutes les données récoltées sur toi seront stockées pendant 60 jours, et pourront être consultées si des gens pensent que tu as triché. Ces données, c’est chez toi, ta chambre ou ton salon, ce que tu as dans ta pièce, la marque, le modèle et le système d’exploitation de ton ordi, la forme de ton visage, de tes yeux, de ta bouche, l’implantation de tes cheveux, l’analyse des traits de ton visage, etc. Ça fait froid dans le dos de savoir que des entreprises privées telles que Zoom et TestWe (soit une multinationale de la Silicon Valley et une start-up française) [3] vont avoir autant de données sensibles sur nous. Certaines personnes prétendent que de toute façon, c’est la même chose avec les cours en ligne. Mais non, car pendant ceux-ci, on n’est pas obligé.e.x d’allumer sa caméra, et on a un contrôle bien plus large sur l’image qu’on renvoie.
La vidéo-surveillance c’est pourri
La CUAE [4] trouve que c’est la goutte d’eau qui fait déborder l’océan. Déjà le semestre passé, le rectorat nous l’avait mise à l’envers sur toute la ligne [5]. Y’en a marre de ces décisions autoritaires et verticales, sans consulter qui ou quoi que ce soit. L’Université en tant qu’institution est à détruire et à reconstruire (éventuellement). L’Université de Genève spécialement est à détruire tout court.
Temporalité et consultation
La fameuse directive date du 24 novembre 2020, comme on peut le voir sur le site. Mais ce qu’on voit aussi, c’est qu’elle a été déposée pour la première fois le 5 octobre, soit 50 jours avant sa version définitive. Plusieurs versions ont été mises en ligne, puis modifiées ; c’est vrai que le sujet est épineux. Mais pendant ces 50 jours, le rectorat n’a visiblement pas trouvé de bon ton de consulter autre chose que le bout de son nez. Pas de consultation étudiante. Pas de consultation des organes démocratiques au niveau de l’Uni. Pas de consultation des organes démocratiques au niveau des facultés. Pas de consultation des associations d’étudiant.e.x.s. Rien. C’est quand-même délirant qu’une brochette d’érudit.e.x.s bourgeois.e.x puisse prendre dans leur coin des décisions aussi importantes pour plus de 19’000 personnes. #Verticalité.
Légal quand ça les arrange
Un autre problème de la vidéo-surveillance est qu’elle a été déclarée illégale le semestre passé par le PPDT [6]. Ce semestre, le même PPDT utilise une zone grise juridique reposant sur la prévalence de l’intérêt public (le bon déroulement des examens pour préserver la “valeur des diplômes”) au détriment de la protection des données numériques des étudiant.e.x.s. Il rajoute que cette décision ne s’applique que dans le contexte sanitaire actuel. Autrement dit, le rectorat profite de la crise pour faire passer des mesures qui seraient complètement illégales en temps normal. #CoucouLaStratégieDuChoc
Consentement bafoué
La clique rectorale de l’Unige n’envisage à aucun moment de nous demander notre accord, et fait même rédiger de sombres papiers en scred pour ne pas avoir besoin de nous demander notre consentement.
Ce que dit aussi l’université, c’est qu’il n’y a même pas besoin de consentement des étudiant.e.x.s pour être surveillé.e.x.s par Zoom. Personne ne semble vraiment se soucier de ce qu’on pense, de ce qu’on veut ou de ce qu’on refuse. D’ailleurs, en cas de refus, on nous dit qu’il n’est pas légitime, pas pertinent ; et même si on demande à venir en présence, on nous observera quand-même via webcam. C’est d’autant plus scandaleux que, à la fois pour les logiciels TestWe et Zoom, le consentement libre et éclairé des étudiant.e.x.s semble obligatoire [7] [8].
Ce qui est le plus aberrant dans cette histoire, c’est que la clique rectorale de l’Unige n’envisage à aucun moment de nous demander notre accord, et fait même rédiger de sombres papiers en scred pour ne pas avoir besoin de nous demander notre consentement.
Les galères concrètes
Avec la vidéo-surveillance, c’est une machine qui nous surveille. Finis les rapports sociaux.
La vidéo-surveillance pose aussi des gros problèmes de “bienveillance”. Parce que la surveillance, on y est de toute façon confronté.e.x.s pendant les examens ; il y a toujours une personne qui “surveille” l’examen. Mais cette personne est humaine, et le rapport entre surveillant.e.x et surveillé.e.x est donc social. Avec la vidéo-surveillance, c’est une machine qui nous surveille. Finis les rapports sociaux. C’est un algorithme qui détecte des “anomalies” et juge si on a triché ou pas. Et c’est le cas à chaque fois que quelque chose de “suspect” se passe. Tu fais tomber ton stylo, t’as triché. Une personne rentre dans la pièce par mégarde, t’as triché. Si t’as besoin d’aller faire pipi, t’as triché. Si tu dois changer tes protections hygiéniques, t’as évidemment triché. Tous ces problèmes n’arrivent pas (ou moins) dans un rapport de surveillance “normal”. Alors penser que la vidéo-surveillance c’est la même chose que la surveillance, c’est se mettre le doigt dans l’œil jusqu’au coude.
TestWe ? Encore ?? Sérieusement ???
Le semestre passé, le logiciel TestWe avait fait bondir. Il avait été jugé illégal, puis modifié pour le faire rentrer dans un trou d’épingle de légalité. Pas de vidéo-surveillance mais des photos aléatoires toutes les quelques minutes. Ce semestre, on nous le ressert et de manière encore plus nauséabonde. Ton ordi est contrôlé pour parfaire le tableau. On nous demande un vague consentement, sans nous donner aucune information pour permettre qu’il soit “éclairé”, et d’ailleurs, si on refuse d’utiliser le logiciel, on doit l’installer quand-même sur notre ordi pour ensuite aller passer notre exa sur les ordis de l’uni, toujours avec le même TestWe. Bon appétit bien-sûr.
L’arbre qui cache la forêt
S’opposer à la vidéo-surveillance des examens, c’est s’opposer au mouvement général vers une société de contrôle et sécuritaire, où il faut se méfier de tout le monde.
Plus généralement, la mise en place de la vidéo-surveillance pour les examens répond à l’injonction internationale d’“empêcher la triche pour garantir la valeur des diplômes”. Et c’est bien cette société de surveillance qu’on dénonce, en même temps que la généralisation de la numérisation des études. S’opposer à la vidéo-surveillance des examens, c’est s’opposer au mouvement général vers une société de contrôle et sécuritaire, où il faut se méfier de tout le monde. Au contraire, on pense que l’entraide et la solidarité sont des méthodes d’apprentissages beaucoup plus intéressantes. Nous ne voulons pas d’une université qui nous flique, qui nous espionne et qui n’accorde aucune importance à nos droits fondamentaux.
Et nous ne voulons pas non plus d’une université qui ne conçoit la valeur des diplômes qu’au travers du prisme du marché du travail et de ses exigences capitalistes. Nos diplômes ont d’autres valeurs qui s’incarnent entre autres dans l’esprit critique qu’on essaie tant bien que mal de développer, dans un enseignement de qualité et dans les liens qu’on tisse à l’université. Et, comme par hasard, ces valeurs-là ne nécessitent aucune surveillance numérique autoritaire. Si le rectorat n’arrive pas à comprendre que les diplômes ont aussi des valeurs non-marchandes bien plus importantes que leur bout de papier tamponné, qu’il aille se réinscrire en première année de bachelor pour savoir de quoi il parle (plutôt en Sciences de la société d’ailleurs que dans une formation GSEM [9], financée par Crédit-Suisse).
Invitation générale pour tout le monde !
Pour toutes ces raisons et tant d’autres, on t’invite chaleureusement à participer à l’examen du rectorat ! Évidemment, il sera vidéo-surveillé et c’est à toi de venir vérifier que le rectorat ne triche pas. Connecte-toi le 17 décembre à 18h via ce lien : https://unige.zoom.us/j/95151511508
Et n’oublie pas de matter notre petit teaser pour le plaisir #WatchThemBack
Contre la vidéo-surveillance des examens, contre la société de contrôle !