Entretien avec Lucie Rivers-Moore du groupe de soutien psy, juillet 2019.
Est-ce que tu peux nous raconter comment le groupe Psy psy a vu le jour ?
C’est une histoire qui a démarré en 2011 à l’occasion de rencontres organisées sur le Plateau de Millevaches par l’association Pivoine, association d’éducation populaire qui fait notamment de la formation et aussi des événements en lien avec les besoins repérés sur le territoire. En 2011, on a estimé qu’il y avait plusieurs personnes et groupes qui nous contactaient ou qu’on entendait discuter de la question des souffrances psychiques, et de comment faire avec ça. Des questionnements sur la folie et comment elle peut exister dans les espaces dans lesquels on vit ; mais aussi comment on fait quand un·e proche ne va pas bien et qu’on veut pouvoir l’accompagner tout en se protégeant de ce que ça peut être comme poids ; ou encore des réflexions autour de lieux d’accueil, de refuge, de repli pour des personnes qui traversent des moments douloureux... Ce sont les raisons principales qui nous ont amenées à préparer ces journées là.
On les a appelées Trois jours autour des souffrances psychiques. On a monté un groupe de travail quelques mois avant ces rencontres avec des gens de sensibilités différentes, pour imaginer trois jours qui puissent être ouverts autant à des professionnel·le·s de la santé qui sont dans l’institution de manière très classique qu’à des gens du réseau anti-psy y compris hors région. Et entre ces deux pôles, il y a des habitant·e·s du Plateau de Millevaches qui étaient soit concerné·e·s par ces questions, soit proches de gens qui allaient mal et avaient envie de questionner ça. C’était une douzaine de personnes qui se sont réunies pour préparer et porter ces trois jours de rencontres. Les rencontres en elles-mêmes ont réunis pas loin d’une centaine de personnes à certains moments Il y a eu des ateliers, des discussions, du théâtre, des débats contradictoires, des grandes bouffes, des écoutes collectives d’émissions de radio...
Suite à ces rencontres sont nés deux groupes de travail, très différents du groupe qui avait organisé les rencontres : un premier groupe lancé par Loïc [une personne du groupe Psy psy] qui a invité des professionnel·le·s de la santé à parler de leurs pratiques, avec une diversité de soignant·e·s : de la naturopathe en passant par l’ostéo, jusqu’à l’infirmier·ère psy, psychothérapeute, psychologue, psychiatre, médecin généraliste. Le prisme était large : des pratiques de soin dites alternatives à des gens plutôt dans l’institution avec des pratiques médicales plus classiques. Pendant plusieurs mois, ce groupe s’est rencontré et ces personnes ont créé un espace de parole qui n’existe pas dans leur cadre professionnel. Elles ont pu questionner ensemble leurs pratiques, ce qui semblait absolument nécessaire. Et pour Loïc [autre membre du groupe], ce fut l’occasion de les travailler au corps pour qu’iels puissent être ouverts à travailler avec le groupe de soutien psy en devenir.
Pourrais-tu entrer dans les détails du fonctionnement, et du dispositif de soutien que vous mettez en place lorsque vous intervenez auprès de personnes ?
Concrètement aujourd’hui, quand on est interpellé·e·s soit par les proches d’une personne, soit par la personne elle-même, on commence par une première rencontre. Dans le cas où on serait contacté·e·s par des proches, on ne met pas le pied dans la porte, on a besoin de l’accord de la personne. Mais on peut accompagner les proches pour qu’iels posent leurs limites et que tout le monde puissent trouver de l’aide. On est toujours deux personnes de Psypsy et on appelle ça le « binôme de référence ». Ce binôme, ce sont les personnes qui feront le premier entretien et qui seront en charge du suivi, ainsi que de la création et coordination d’une sorte de réseau, rhizome, trame, ou toile de fond autour de la personne en souffrance. Ce réseau est constitué de tout un tas d’autres personnes hors du groupe Psypsy. Des professionnel·le·s de la santé ou des voisin·e·s, ami·e·s, parfois inconu·e·s qui sont d’accord d’être dans ce réseau d’appui.
Ce réseau est constitué de tout un tas d’autres personnes hors du groupe Psypsy. Des professionnel·le·s de la santé ou des voisin·e·s, ami·e·s, parfois inconu·e·s qui sont d’accord d’être dans ce réseau d’appui.
Le dispositif s’est affiné au fil des années puisque chaque expérience est formatrice. On a essayé de penser à quelque chose de très contenant, structurant, rassurant pour des gens qui sont dans une période de flottement parfois maximale. Mais à la fois, ça doit être suffisamment souple pour que les personnes puissent y naviguer à la hauteur de leur capacité d’autonomie – c’est-à-dire en étant toujours en contact avec le maximum d’autonomie possible. On cherche à ce que la personne soit toujours considérée au maximum de ses capacités. Parfois elle sera elle-même en gestion de son réseau de soutien ; ou alors la participation de la personne à cette organisation se fera progressivement, et le binôme de référence fera simplement la supervision.
Pour lire la suite : https://syndicat-montagne.org/wp-content/uploads/2021/08/2021-brochure_-psy_psy.pdf
Pour contacter les autrices de la brochure :ribelle@riseup.net
Pour prendre soin, au mieux, du tissu qui nous lie et pour défier les logiques libérales, individualistes et capitalistes qui nous abîment.