Urbanisme - luttes de territoire

Un appel à s’auto-organiser pour reprendre nos villes et redéfinir nos vies

Reprenons La Ville : explication du mystérieux appel au soulèvement urbain paru récemment sur les réseaux sociaux.

Suisse |

La semaine dernière s’est lancé discrètement sur les réseaux un appel mystérieux. Formulé sous la forme d’une liste non-exhaustive de dix points critiques, celui-ci nous invite à rejoindre la lutte de manière décentralisée et autonome, à s’opposer au développement urbain et à s’organiser collectivement pour faire face aux forces capitalistes qui dirigent nos vies et nos villes. Tout en soulignant à raison le rôle de l’urbain dans la catastrophe écologique en cours, l’appel mentionne également les fonctionnements socialement destructeurs des villes et nous pousse ainsi à imaginer la lutte dans toute sa diversité, en ne laissant personne derrière. Pour faire face, selon les lignes qui suivent, il faudra s’opposer à la ville sous sa forme capitaliste, à l’ensemble des logiques qui s’inscrivent dans son développement, mais aussi et surtout, il faudra construire d’autres rapports au monde et implanter dès maintenant des réseaux solidaires et résilients.

Retrouvez l’appel et d’autre informations sur reprenonslaville.info ou sur les pages instagram et facebook.

La ville : fruit et outil de la destruction

Appel à reprendre la ville [1]

  • La ville est à l’image des systèmes économiques et politiques actuels : néolibérale, anti-sociale et écologiquement destructrice.
  • L’architecture des villes obéit à des codes masculins, bourgeois et blancs. Elle n’a pas été pensée pour encourager la vie sociale paisible, elle est hostile aux personnes sociabilisé.e.x.s en tant que femme, aux personnes LGBTQIAA+, aux personnes racisé.e.x.s, aux sans-abrits, aux réfugié.e.x.s, aux personnes agé.e.x.s, aux dit.e.x.s migrant.e.x.s, aux personnes en situation de précarité ou/et de handicap.
  • L’urbain et ses fonctionnements dépossèdent chacun.e.x de ses moyens d’autosuffisance. Les villes ont été construites sur la dépendance matérielle de leurs habitant.e.x.s (contrainte à l’emploi, propriété privée) et par l’exploitation des milieux naturels et de la force de travail humaine.
  • La spéculation immobilière et les marchés privés sont socialement destructeurs et doivent être combattus car le droit au logement est un droit fondamental.
  • La marchandisation a fait de la ville son royaume : partout les publicités et les commerces incitent au consummérisme.
  • La ville favorise un mode de vie individualiste et concurrentiel, détruisant ainsi la possiblilté d’un tissu social fort.
  • Les flux (transports, données, denrées, argent, etc.) sont maximisés, impliquant des rythmes de vie en constante accélération pour les citadin.ne.x.s.
  • L’urbanisation colonise et détruit systématiquement les habitats des vivant.e.x.s humain.e.x.s et non-humain.e.x.s. Celle-ci et les comportements qu’elle implique engendrent l’exploitation de l’intégralité des ressources naturelles.
  • La densification ainsi que l’extension des villes, au profit des invetisseur.euse.x.s privé.e.x.s et au mépris de ses habitant.e.x.s, impliquent forcément la destruction de terres arables, nécessaires à notre résillience alimentaire.
  • Les villes sont inadaptées et vulnérables : îlots de chaleur faisant suffoquer ses populations et imperméabilité des sols rendant les risques d’inondations plus grands et plus destructeurs.
  • . . .

Les villes telles que nous les connaissons ne sont pas durables autant sur le plan écologique que sur le plan social, elles nécessitent des changements en profondeur.

REPRENONS LA VILLE invite au soulèvement urbain, à la mise en place de communs, de réseaux de solidarité, d’entraide et de gratuité, d’initiatives collectives pour débétonner et travailler ensemble à plus de résilience et d’autonomie dans nos villes.

De quelques voisin.e.x.s seulement peut naître la révolte contre ce qui sépare et détruit : les jardins peuvent se communaliser, le béton se fissurer pour laisser les graines germer, les invendus peuvent se transformer en repas gratuits, les maisons vides en habitats pour ceux.lle.x.s qui en ont besoin, les parkings en places de jeux ou en centres culturels, une université populaire peut se mettre en place sous une tonelle, une friche verdoyante menacée peut devenir une Zone à Défendre, un samedi peut se ritualiser en journée d’échange gratuit, une crèche tournante s’organiser dans cinq foyers, etc. Quelques voisin.e.x.s et de la puissance politique, quelques collectifs et des réseaux juridiques, quelques associations et des savoir-faire différents, quelques militante.x.s et de la ferveur dans les idées.

REPRENONS LA VILLE appelle à redéfinir nos villes et nos vies.

Cessons de revendiquer. Organisons-nous. Prenons, reprenons, communalisons et désasphaltons !

Fonctionnement

La lutte contre l’urbain est plurielle. Pour qu’elle fasse sens, les populations locales doivent pouvoir définir leurs propres formes pratiques et théoriques de résistance. Ainsi, REPRENONS LA VILLE est un appel à auto-organiser le soulèvement dans votre région, à incarner la critique de la ville et à faire vivre des alternatives à l’urbain destructeur.

Les différents actes de résistance urbaine seront publiés sur ce site ainsi que sur les réseaux sociaux de l’appel pour leur donner de la visibilité et créer une continuité entre les différentes luttes localement menées. Pour ajouter vos actes, quels qu’ils soient, à la liste grandissante de la résistance, contactez reprenonslaville[at)riseup[point)net.

REPRENONS LA VILLE encourage à la proactivité et l’empuissancement politique. Au lieu d’attendre que les sujets soient amenés dans le débat public par les dirigeant.e.x.s pour réagir, il est nécessaire d’imposer les thèmes liés à l’urbanisation, à la résilience alimentaire, au droit à la ville et au logement afin d’agir ensemble sur ces enjeux communs. La puissance politique existe en dehors des parlements, elle est dans les immeubles, les quartiers, l’urbain, le périurbain, la campagne, etc. Elle est dans l’ouvrière retraitée, dans l’immigréx, dans l’étudiant, dans la requérante d’asile, dans l’enfant de banlieue, dans la femme au foyer, etc. Elle est en chacun.e.x de nous, il ne reste plus qu’à les unir et s’en servir.

REPRENONS LA VILLE invite et encourage la diversité des tactiques entre les différentes actions et au sein des actions elles-mêmes pour des raisons d’efficience et d’inclusivité. Plusieurs objectifs peuvent s’imbriquer, plusieurs stratégies peuvent naître de chaque objectif, plusieurs tactiques peuvent cohabiter au sein de chaque stratégie. Nous n’avons pas besoin de nous identifier aux statégies ou aux tactiques de chacun.e.x pour collaborer. Cesser d’alimenter la distinction entre bon.ne.x.s et mauvais.e.x.s militant.e.x.s permet d’avancer collectivement dans les luttes.

Historique

"À qui s’adresse la ville qu’on est en train de nous construire ?”

REPRENONS LA VILLE est un appel qui fait écho au mouvement genevois PRENONS LA VILLE [2]. Au printemps 2017, une large coordination composée d’acteur.ice.x.s culturel.le.x.s du secteur associatif anti-gentrification, de différents collectifs de squatteur.euse.x.s et de certains partis de gauche se constitua. PRENONS LA VILLE appela les genevois.e.x.s à se soulever contre les politiques d’aménagement toujours plus élitistes, dédiées aux grandes entreprises marchandes et à la spéculation immobilière. Plusieurs manifestations autour du droit à la ville, ainsi que l’occupation de Porteous eurent lieu au sein du mouvement qui prit fin sous ce nom en 2018.

REPRENONS LA VILLE encourage à relancer durablement, en Suisse et au-delà, les questionnements et les révoltes en lien avec l’urbain. Cet appel invite chacun.e.x à incarner la résistance dans sa ville ainsi, à agrandir les réseaux militants inter-régions.

Notes

[1Retrouvez l’appel et d’autre informations sur reprenonslaville.info ou sur les pages instagram et facebook.

[2Pour une présentation rapide du mouvement, voir cet article.

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