Logement - Squat Expulsion Répression Droit à la Ville

L’Etat et la police défendent la spéculation et la propriété privée : ripostons !

En février, l’État expulsait manu militari les occupantexs de la rue Royaume, empêchant un projet politique au service du quartier d’exister. Une manifestation est organisée dans la foulée. L’immeuble de la rue Royaume reste vide, ses façades régulièrement décorées de messages dénonçant le scandale. Ce texte propose un point de situation sur la répression de l’occupation et les revendications portée par ses occupantexs et leurs soutiens. Venez en nombre lors de la bouffe pop’ organisée devant le bâtiment en question le dimanche 12 mars à 12h !

Genève |

M3 – Police – État

« Lorsque la police est en possession d’une plainte d’un propriétaire qui demande à récupérer son bien, elle agit ! »(1) C’est par ces mots que M. Poggia défend l’expulsion des occupantexs de la rue Royaume et de leurs soutiens du 9 février dernier. Et c’est sur la base de cette plainte que les militantexs ont été condamnéexs à des peines conséquentes, démontrant que l’État poursuit ses logiques répressives en matière d’occupation pour protéger les propriétaires, même ceux aux pratiques les plus scandaleuses. Mais qui vraiment a porté plainte ? Prenons un pas de recul afin de nous intéresser à la façon dont les magnats de l’immobilier protègent leurs coquilles vides et sans vie.

C’est M3 Group, la régie en charge du n°8 de la rue Royaume, qui a porté plainte grâce à une procuration de Burval SA, la société propriétaire (2). M3 est propriété de Abdallah Chatila et mène une OPA de grande ampleur sur la ville de Genève en développant des activités dans de multiples secteurs : hôtellerie, restauration, santé, services... et immobilier. C’est donc la régie qui se charge de protéger l’immeuble, et cela sans surprise lorsqu’on sait que les personnages se cachant derrière cette société anonyme sont sous le coup de plusieurs plaintes et d’une enquête du Ministère public en lien avec leurs activités immobilières (3). Nommons les, eux qui aiment tant se cacher : Jean-Pierre Romy et son fils Alexandre Romy, qui sont poursuivis pour au moins trois affaires différentes où ils sont accusés d’avoir mis en place de diverses stratégies spéculatives au détriment des habitantexs de leurs immeubles.

Sur place rapidement après l’annonce de l’occupation, la police a d’abord évacué toutes les rues autour de l’immeuble occupé, puis verrouillé le quartier jusqu’à empêcher des enfants de rentrer chez elleux. Elle a ainsi empêché les personnes qui se trouvaient à l’intérieur de l’immeuble d’en sortir. Comme souvent, pour avoir les mains et les matraques libres pour intervenir, la police a probablement contacté la régie directement après l’annonce de l’occupation, pour qu’elle réagisse en portant plainte rapidement afin de permettre à l’État d’évacuer. Non, Monsieur Poggia, la police ne fait pas juste « son travail », elle est le bras droit du propriétaire et de l’État qui banalise ses pratiques délétères ! Pour couronner le tout, une plainte de l’État pour « dommage à la propriété » s’ajoute aux plaintes contre les militantexs, tout ça parce que certains équipements policiers ont été décorés par de la peinture, ce qui aurait soi-disant engendré des coûts de dizaines de milliers de francs. Mais au-delà du fait que ces affirmations restent volontairement floues quant au calcul des dégâts et qu’un bon coup de nettoyage ferait l’affaire, pourquoi la police s’est-elle ramenée avec des équipements qui valent la peau des fesses ? Pourquoi se plaint-elle de dégâts suite à une confrontation qu’elle-même a initiée et provoquée ?

Nous sommes consternéxes de constater que le Conseil d’État genevois est incapable d’endosser ses responsabilités politiques et de condamner ceux qui profitent de la misère d’autrui, en préférant réprimer les militantexs qui agissent dans le but de dénoncer la situation et de reprendre de l’autonomie sur la crise du logement qui mine Genève. Nous exigeons que Romy père et fils, M3 Group et l’État genevois retirent leur plainte : on ne vous lâchera pas !

Pour le primat du droit d’usage sur le droit de propriété !

Le collectif rue Royaume revendique le droit d’usage de ce bâtiment « pour le quartier et ses habitant.exs » (4). Qu’est-ce que cela veut dire ? À Genève, le consensus est clair, nous faisons face à une crise du logement et pas besoin d’être expertex pour le constater, on galère touxtes à trouver un logement, puis à le payer. Plus de 8’000 personnes sont à la recherche d’un logement à loyer abordable (5), les loyers ont augmenté de façon drastique depuis une vingtaine d’années (6), la liste d’attente de la Gérance Immobilière de la Ville de Genève (logement social) contient plus de 3’500 personnes (7), la part allouée au logement représente actuellement en moyenne 1/4 de nos budgets mensuels et a augmenté de 13% depuis une quinzaine d’années (8). Même les candidatexs au Conseil d’Etat se mettent touxtes d’accord sur cette actuelle crise – avec des divergences dans les causes de cette crise et la manière d’y pallier (9). Pendant que l’UDC accuse l’immigration (toutes les excuses sont bonnes pour poursuivre leurs fins racistes), que le PLR prône une densification « pour toutes les catégories de la population » (10) (comprenez : surtout les riches), nous affirmons que la situation n’est pas due seulement à l’augmentation démographique genevoise mais bien principalement aux lobbys immobiliers qui tirent profit de cette crise. En effet, dans les années 2000, les investisseurs, à la recherche d’investissements sûrs (après les multiples crises) et à rendements élevés, ont massivement investit dans l’immobilier. C’est le cas par exemple « [d]es sociétés de construction, [d]es sociétés immobilières, [d]es SA, [d]es assurances, [d]es caisses de pension, [d]es banques, etc... » (11). Par ailleurs, le nombre de logements vides à Genève est assez bas (moins de 1’000 logements sur tout le canton) : c’est bien pratique pour pouvoir nous faire avaler n’importe quoi. Quand on galère tellement à trouver un logement, on accepte de payer plus cher, d’avoir des baux à durée déterminée avec des conditions aberrantes, de vivre à plusieurs dans une même pièce, de ne pas avoir d’espaces communs dans un logement partagé, et on en passe...
Cependant, « par son essence, la spéculation immobilière crée des lieux vides qui sont à la fois une aberration et la norme d’une économie immobilière fondée sur le profit » (12). Le taux de vacance des logement à Genève n’est pas au plus bas, et surtout, ce nombre ne prend en compte que « les logements destinés à la location permanente ou à la vente, c’est-à-dire ceux qui sont effectivement mis sur le marché » (13). Qu’en est-il de tous les espaces laissés vides comme l’immeuble du 8 rue Royaume ? Difficile d’avoir des chiffres, mais une chose est sûre c’est que la spéculation se joue aussi à cet endroit : les propriétaires attendent que les bâtiments prennent de la valeur pour pouvoir les revendre ou les louer à des prix plus élevés. En plus de cette situation hyper favorables aux lobbys immobilier, de nouvelles attaques aux droits des locataires vont avoir lieu au niveau politique avec plusieurs révisions de lois bientôt débattues, qui vont notamment faciliter la résiliation des baux, compliquer la contestation du loyer initial et faciliter l’augmentation de loyer (14).

Le logement n’est plus considéré comme un droit pour touxtes depuis bien longtemps, mais comme un marché attractif. Et quand les règles ne suivent plus aucune éthique, il est temps de les enfreindre. C’est pourquoi tout les moyens sont bons et légitimes pour reprendre ces espaces vides aux mains des grands propriétaires. Par nos actions, nous revendiquons le primat du droit d’usage sur le droit de propriété. Les espaces doivent appartenir à celleux qui les font vivre : que ce soit les associations de quartier, des collectifs ou associations de solidarités, des collectifs ou associations d’habitant.e.x.s, peu importe, pourvu que ces espaces soient retirés de la spéculation et des mains des proprios verreux, pour en faire des lieux d’habitat, d’organisation politique et de solidarité !

Contre les expulsions !

En parallèle du primat du droit d’usage sur le droit de propriété, il faut aussi lutter contre les expulsions, pour que les propriétaires ne puisse pas posséder tous les droits sur les personnes vivant effectivement dans les bâtiments grâce un défaut de paiement de loyer. Les propriétaires peuvent, en cas de retard de paiement du loyer, par une simple lettre et un délai de 30 jours, demander une évacuation du logement (15). Pas besoin de procédure, pas besoin de proposer une solution de relogement, aucune autre forme de réglementation. De plus, pas de trêve hivernale à Genève. C’est-à-dire qu’à n’importe quelle période de l’année, des personnes peuvent se retrouver à la rue sans aucune solution de relogement. Il est urgent que cela change. En attendant de reprendre la ville, nous exigeons qu’une trève hivernale soit instaurée.

Expropriation VS spéculation

À l’été 2022, Burval SA a obtenu une autorisation de construire pour rénovation de l’immeuble. Comme avec ses autres biens immobiliers, la société n’a aucunement l’intention d’effectuer des travaux et n’a fait la demande d’autorisation que dans le but de faire monter le prix de l’immeuble. Elle espère un rachat par une caisse de pension ou un fond spéculatif. Or le rachat comme placement par une caisse de pension conduira nécessairement à la création d’appartements pour riches, poursuivant la gentrification déjà bien entamée du quartier au mépris des personnes qui ont habité l’immeuble pendant des années et sur le dos de qui Romy père et fils s’enrichissent.

À Genève, la LDTR (chapitre VII, section 2, disponible sur https://silgeneve.ch/legis/) qui permet « l’expropriation temporaire de l’usage des appartements locatifs laissés abusivement vides » durant plus de trois mois consécutifs. Cette loi n’a jamais été appliquée à Genève. L’expulsion de la rue Royaume a fait grand bruit, des élus se sont pressés devant l’immeuble et la manifestation organisée le 17 février en réaction à l’expulsion (16) a été soutenue par Ensemble à gauche et par la liste d’Union populaire. Il serait temps que la gauche parlementraire s’organise pour faire appliquer cette loi. Et pour lutter contre la gentrification, au-delà de critiquer les « bobos » (catégorie sociologique un peu floue) qui envahissent les quartiers populaires, il faudrait peut-être réfléchir à de vraies solutions type plafonnement des loyers pour éviter que les plus pauvres soient repoussés toujours plus loin du centre-ville !

Bureaux vides

Genève est la deuxième ville de Suisse la plus chère en matière de location (2029 francs en moyenne pour un trois pièce) (17). Pour pallier à cela, l’État mise sur la densification. En effet, en 2022, dix grand projets de constructions de logements étaient en cours, pour un total de 30’000 logements d’ici 2030. « Malgré des records de constructions, titre la RTS, Genève souffre toujours d’une pénurie de logements », et le taux de vacance des logements stagne depuis 10 ans (18). De l’autre côté, de nombreux projets de constructions de bureaux sont en cours alors que la demande est faible (19). La surface de bureaux vides ne cesse d’augmenter, passant de 56’000m2 en 2006 à 230’000 m2 en 2021. Le taux de vacances des bureaux s’élève donc à 5% (20). Ces chiffres ne prennent pas en compte les arcades, les dépôts, et les ateliers : dans ce cas la surface inutilisée est de 337’000 m2 (21).

En 2015, un projet de loi lancé par le MCG, présenté comme facilitant la transformation de locaux commerciaux en logement, a été accepté par les personnes qui ont voté. Il s’agit en réalité d’une suppression de tout contrôle des loyers et donc d’« un cadeau aux spéculateurs » (22). Il est clair que le but de l’initiative n’est pas de créer de nouveaux espaces de vie, car en trois ans, seuls 30 logements ont vu le jour grâce à cette loi. Selon Hodgers, elle est inefficace car « transformer des bureaux en logements était déjà possible légalement avant » (23). Cela confirme que le but du MCG n’est donc pas de pallier à la crise du logement mais de soutenir les capitalistes qui misent sur ce marché pour se remplir les poches.

À quand des réels projets pour mettre à disposition ces bureaux vides inutiles pour vraiment permettre à des gens d’avoir un logement ? Le problème est en réalité bien plus large. Tant que la propriété privée existe, elle perpétuera un système capitaliste qui marche sur l’oppression de la majorité pour qu’une minorité de riches se fasses plus de thune.

Contre les expulsions, contre la spéculation, contre la gentrification, contre la propriété privée : RIPOSTONS !

Venez en nombre soutenir les occupantexs inculpéexs et les revendications portées par le collectif autour d’une bouff pop’ le dimanche 12 mars dès 12h devant le 8 rue Royaume !

Le collectif rue Royaume et Ripostes Urbaines

1. https://www.rts.ch/info/regions/geneve/13771734-enquete-ouverte-apres-des-accusations-de-violences-policieres-lors-dune-evacuation-a-geneve.html
2. Pour un rappel des pratiques spéculatives de la société Burval SA, voir https://renverse.co/analyses/article/histoire-du-8-rue-royaume-3897
3. https://www.tdg.ch/sous-locations-serrures-forcees-et-hommes-de-paille-au-lignon-501912061205
4. renverse.co/infos-locales/article/manifestation-pour-le-droit-au-logement-pour-tout-exs-3883
5. https://www.rts.ch/info/regions/geneve/13813119-ps-et-plr-deux-visions-pour-sortir-de-la-penurie-de-logements-a-geneve.html
6. https://www.rts.ch/info/regions/geneve/12155071-a-geneve-les-demenagements-provoquent-des-hausses-de-loyer-souvent-excessives.html
7. https://omnibook.com/view/31c0a35e-6e23-458d-811c-93651c4aaa76/page-007.html
8. https://www.asloca.ch/sites/default/files/2023-02/Les%20locataires%20sont%20sous%20pression.pdf
9. https://www.letemps.ch/suisse/geneve/hausse-loyers-penurie-logements-recettes-candidats-conseil-detat
10. ibid
11. https://www.asloca.ch/sites/default/files/2023-02/Les%20locataires%20sont%20sous%20pression.pdf
12. renverse.co/analyses/MaJ-Prenons-la-ville-Geneve-2017-2018-textes-pour-un-mouvement-1444
13. https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/construction-logement/logements/logements-vacants.html
14. https://www.asloca.ch/sites/default/files/2023-02/Les%20locataires%20sont%20sous%20pression.pdf
15. https://lecourrier.ch/2021/01/11/des-locataires-risque-l-expulsion/
16. https://renverse.co/infos-locales/article/manifestation-pour-le-droit-au-logement-pour-tout-exs-3883
17. https://www.rts.ch/info/regions/geneve/6741182-geneve-reste-la-ville-romande-la-plus-chere-en-matiere-de-location.html
18. https://www.rts.ch/info/regions/geneve/13276500-malgre-des-records-de-constructions-geneve-souffre-toujours-dune-penurie-de-logements.html
19. https://www.lacote.ch/vaud/la-cote/est-genevois/bureaux-une-offre-elevee-309802
20. https://verts-ge.ch/occuper-linoccupe-des-bureaux-vides-pour-les-sans-abris/
21. https://www.tdg.ch/nombre-record-de-bureaux-vides-a-geneve-733160974959
22. https://www.rts.ch/info/regions/geneve/6280136-geneve-vote-sur-la-transformation-de-bureaux-vides-en-logements.html
23. https://www.rts.ch/info/regions/geneve/9779949-les-bureaux-vacants-tardent-a-se-transformer-en-logements-a-geneve.html

Agenda

Bouffe populaire à la rue Royaume

 dimanche 12 mars 2023  12h00 - 18h00
 dimanche 12 mars 2023
12h00 - 18h00
 Genève,

 

Rue Royaume 8

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