Logement - Squat

Pourquoi l’Hospice finance-t-il des marchands de sommeil ?

L’Hospice général joue un drôle de jeu dans le quartier des Augustins. Il loue en effet un immeuble de bureau pour loger des personnes mineures non accompagnées. Or, cet immeuble appartient à des marchands de sommeil bien connus.

Genève |

L’Hospice général a installé un « Plateau d’hébergement collectif » au 6 rue de l’Aubépine dans le quartier des Augustins à Genève. Comme nous le révélions ici le 16 avril dernier, l’immeuble loué par l’Hospice général appartient à une société anonyme (Helvetica centre medical) dont un administrateur, Christian Sciarini, est également administrateur de Burval SA, la société propriétaire de l’immeuble du 6 rue Royaume.

Dans son édition du 23 avril, le quotidien Le Courrier relate un entretien avec des responsables de l’Hospice général qui affirment que : « À notre connaissance, aucun lien n’est établi avec la société Burval SA. » Comme le montre le journaliste dans la suite de son article, deux liens au moins sont évidents avec Burval SA : d’une part, la présence au conseil d’administration des deux sociétés de Christian Sciarini ; d’autre part, la société Burval SA est domiciliée au 6 rue de l’Aubépine. À cela s’ajoute qu’Alexandre Romy, actuel membre du conseil d’administration de Burval avec Sciarini, a été président du conseil d’administration d’Helvetica centre medical propriétaire du 6 rue de l’Aubépine jusqu’en 2021.

Pourquoi l’Hospice général ment-il sur ce point ? Le journaliste du Courrier n’a pas jugé utile de mettre les communicants devant leurs contradictions.

Pour l’institution d’action sociale, il y a de quoi avoir honte de traiter avec des personnages comme les associés de Burval et d’Helvetica centre médical. La première société s’est en effet spécialisée dans l’exploitation de personnes précaires. L’incendie du 9 janvier 2021 dans l’immeuble du 8 Rue Royaume avait révélé les pratiques de ces marchands de sommeil. Les habitant·es des différents immeubles appartenant à Burval (au Lignon, à la rue Royaume) ont fait les frais de ces abus : insalubrité et suroccupation des logements, installations électriques dangereuses, partitionnement illégal des appartements, et des loyers exorbitants, parfois extorqués en espèce et par la violence. D’autres pratiques délétères sont misent en œuvre par Burval : faux contrats de bail permettant d’augmenter illégalement les loyers, ou encore mépris des locataires qui vivent dans des immeubles insalubres comme celui de la Grand Rue occupé par l’Union populaire en mars 2023 pour dénoncer la situation.

Ces petites affaires ont en tout cas le mérite de mettre en évidence le rôle de l’Hospice dans le marché immobilier genevois. L’institution d’action sociale est en effet un acteur important du marché immobilier. En 2022, elle tirait 25,9 millions de francs de revenu des loyers de ses immeubles de rapport (logement uniquement, 42 millions au total). Elle s’est d’ailleurs illustrée par son comportement détestable avec les locataires de ces immeubles de rapport dans le cas de la rénovation des immeubles dits Honegger dans le quartier de la Jonction. Qu’il fasse des affaires avec des propriétaires peu scrupuleux ou qu’il se finance par la rente immobilière, l’Hospice est un exemple remarquable de ce qu’est l’action sociale sous le capitalisme. Pour lutter contre la pauvreté, il faut tirer toutes les ficelles du marché même qui produit cette pauvreté.

P.S.

Cet article, comme le précédent sur le sujet, vous est proposé par Le Silure, centre de luttes autonomes : silure-ge.net

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