Logement - Squat Droit à la Ville

L’Hospice général finance un marchand de sommeil

Aux Augustins, de nouvelles places d’hébergement et un espace d’ « aide aux migrants » proposée par l’Hospice Général est sur le point d’ouvrir ses portes. Les locaux sont la propriété de BURVAL SA, société au coeur de plusieurs scandales de traite humaine.

Genève |

Propriétaire aux mains très sales

Rappelons rapidement qui est BURVAL SA : société de Jean-Pierre Romy, gérée par son fils Alexandre Romy, la société a défrayé la chronique ces dernières années car elle s’est trouvée au coeur de différents scandales immobiliers. La spécialité de la maison ? Le marchandage de sommeil, c’est à dire l’exploitation de personnes précaires via le marché du logement. Généralement sans statut légal, donc sans possibilité de faire valoir leurs droits, les habitant·es des différents immeubles appartenant à BURVAL SA (au Lignon, à la rue Royaume) ont fait les frais de ces abus : insalubrité et suroccupation des logements, installations électriques dangereuses, partitionnement illégal des appartements, et des loyers exorbitants, parfois extorqués en espèce et par la violence. D’autres pratiques délétères sont misent en oeuvre par BURVAL : faux contrats de bail permettant d’augmenter illégalement les loyers, ou encore mépris des locataires qui vivent dans des immeubles insalubres comme par exemple à la Grand Rue, d’ailleurs occupé par l’Union populaire en mars 2023 pour dénoncer la situation.

Le cas Royaume

Rappelons le cas emblématique de la rue Royaume : en janvier 2021, la cage d’escalier de l’immeuble du 8 rue Royaume prend feu. C’est la deuxième fois, un incendie avait déjà eu lieu l’année précédente et aucun travaux n’avaient été effectués sur le local poubelle qui avait brûlé - notons que ces départs de feu sont probablement causés par une surcharge électrique générée par la suroccupation du bâtiment). Les habitant·es sont expulsé·es par les pompiers, et l’affaire révèle cette situation de marchandage de sommeil ainsi que l’état de délabrement avancé de l’immeuble. La plupart des personnes logées dans l’immeuble étant sans statut légal en Suisse, elles disparaissent dans la nature (différentes sources font état de 46 personnes). L’Association pour la sauvegarde du logement des personnes précaires a pu reloger 11 personnes qui témoignent ici. Mais comme le relève Christian Dandrès de l’ASLOCA dans le même article : « Nous avons soutenu récemment plusieurs procédures contre des marchands de sommeil. Mais à la fin, les victimes sont toujours sans domicile et ne parviennent pas à être remboursées des loyers monstrueux qu’on leur a extorqués. Elles se retrouvent parfois dans une situation encore plus précaire qu’auparavant ! ». Après l’affaire Royaume, de nombreux élu·es s’étaient indignés dans la presse. Après une interpellation au Grand conseil, le Conseil d’État avait répondu évasivement que « toutes les familles ou personnes en ayant fait la demande [avaient] été relogées » : mais qui peut se permettre une telle demande ?

Nous avons soutenu récemment plusieurs procédures contre des marchands de sommeil. Mais à la fin, les victimes sont toujours sans domicile et ne parviennent pas à être remboursées des loyers monstrueux qu’on leur a extorqués. Elles se retrouvent parfois dans une situation encore plus précaire qu’auparavant !

Occupation lourdement réprimée

Pour dénoncer ce scandale et pour se réapproprier les lieux afin d’y mener un projet par et pour le quartier, un collectif avait occupé l’immeuble de Royaume le 9 février 2023. L’occupation, réprimée dans l’heure, a eu des conséquences importantes : violences policières visant les soutiens qui se rassemblent dans la rue pendant toute la journée pour manifester leur solidarité aux occupant·es, nassé·es dans le bâtiment, garde-à-vue de plus de 24 heures pour les personnes arrêtées à l’intérieur du bâtiment, visées ensuite par des poursuites civile et pénale engendrant des frais très importants.

Un an plus tard : une institution publique locataire de BURVAL SA

BURVAL SA est également propriétaire d’un immeuble dans le quartier des Augustins à Plainpalais. C’est d’ailleurs là que la société est enregistrée. Ces dernières années, HELVETICA, un étrange centre médical, occupait une partie de l’immeuble. Ces buts sont, au delà de la « création et exploitation de centres médicaux », la « prise de participations financières, boursières, commerciales et industrielles ainsi que l’achat et la vente, le courtage et la gestion de biens immobiliers en Suisse ». D’autres sociétés ainsi qu’en tout cas deux membres de la famille Romy ont leur adresse à cet endroit.

La semaine dernière, une rue-balise bloquait les places de parking devant l’immeuble, indiquant un emménagement. Puis un autocollant des plus surprenants a été apposé sur la porte d’entrée, indiquant un PHC, ou "plateaux d’hébergement collectif". Selon le site de l’Hospice général, ce dispositif permet que « des bureaux qui ont été transformés en logements temporaires ». Si l’ouverture de nouveaux hébergements d’urgence pour les personnes en exil est tout à fait urgente, il faut relever le cynisme et la gravité de la situation : l’État, par le biais de l’Hospice général, financerait-il la location de tels espaces à BURVAL SA, société est en liquidation depuis plus de 20 ans et au coeur des différents scandales sus-mentionnés ? On rappelle vite en passant que son actionnaire majoritaire est actuellement sous enquête du Ministère publique et en cavale au Portugal. Déjà suspect de par son inaction, l’État de Genève a accordé une autorisation de construire à BURVAL SA pour rénover l’immeuble de la rue Royaume, plutôt que d’appliquer la LDTR et exproprier le propriétaire. Finance-t-il aujourd’hui des marchands de sommeil en leur versant des loyers ?

Affaire à suivre !

P.S.

Une histoire détaillée de la rue Royaume et des sales affaires de BURVAL SA peut être lue ici.

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