Pour ce troisième épisode avons réuni ces deux courts textes, courts parce qu’ils présentent deux aspects de l’engagement depuis l’Europe. Le premier, qui rapporte un engagement individuel, est une lettre personnelle de Michèle Firk écrite au moment elle décide de rejoindre la lutte clandestine au Guatemala. Le second, la présentation du comité de solidarité internationaliste de Saragosse en Espagne, est un engagement plus collectif, ne se déployant pas uniquement sur les lieux de la lutte, et qui rapporte une pratique plus classique de la solidarité internationaliste. Les deux ont en commun une même vision selon laquelle la même oppression règne partout, ainsi que le choix de donner du temps et de l’énergie, voir sa vie pour des luttes éloignées de son lieu de résidence.
Sommaire
Michèle Firk, est une cinéaste française née en 1937, membre du PCF. Elle participa aux réseaux de soutien au FLN durant la guerre d’Algérie. Plusieurs voyages à Cuba la rapprochent des FAR (forces armées révolutionnaires guatémaltèques) : après un premier séjour au Guatemala elle y retourne définitivement en mai 68. Elle se suicide en août 68 au moment où la police s’apprête à l’arrêter. (source : http://www.michelefirk.org/michele-firk/)
Lettre écrite à ses amis le 17 mai 1967 : « Au cas où… »
Chers camarades,
Je vous laisse cette lettre car, si j’avais omis d’y penser moi-même, « l’affaire Debray » est là qui nous enseigne à quel point il faut être vigilant lorsque l’on décide de s’engager entièrement et jusqu’au bout dans la lutte anti-impérialiste. Quand les faits sont trop précis, la bourgeoisie s’efforce de dénaturer leur sens afin d’en délimiter la portée et elle amène les idées sur le terrain où elle peut le mieux les pourfendre – le plus loin possible de la politique.
L’extrême-droite a fait de Régis un « traître » à sa classe, à sa patrie. La grande bourgeoisie, bien plus intelligente, s’est contentée, patelinement, de le réduire aux dimensions d’un jeune homme rêveur, généreux, quichottesque, christique, un peu toqué peut-être, en bref récupérable demain, même si on doit le surveiller d’un peu près. Rien de tel ne me guette, je représente tout ce qui fait horreur : un terrain mouvant, l’insécurité, l’instabilité, « l’asociabilité ». Il n’en sera que plus facile de me condamner au nom d’un goût suspect pour « les aventures » et le « Tiers Monde » et de faire oublier qu’il s’agit avant tout d’un combat politique. Rien n’est plus important que le combat contre l’ennemi impérialiste parce que nous sommes tous menacés, cernés et que nous ne pouvons pas ne pas choisir.
Il n’est pas honteux, au contraire, de faire de la lutte révolutionnaire l’axe de sa vie, autour duquel tout le reste ne sera qu’accessoire. Ce qui est honteux, c’est de converser du Vietnam, les doigts de pied dans le sable, sans rien changer à sa vie, de parler des guérillas en Amérique latine comme du tour de chant de Johnny Hallyday. Ce qui est honteux, c’est d’être « informé objectivement », c’est-à-dire de loin, sans jamais prendre part. Nous sommes des citoyens du monde et le monde est vaste : ici ou là, peu importe. Il n’est point de fatalisme géographique.
Mes moyens sont limités et faibles. Cependant je les ai mis tout entiers dans le combat et je refuse à quiconque le droit de me voler les idées au nom desquelles je me battrai jusqu’à la mort, celles du « Che », de Fidel, du peuple vietnamien. Dans la lutte contre l’impérialisme américain, tous les champs de bataille sont glorieux. Pourtant la gloire est bien ce qui nous est le plus indifférent.
Chers camarades, ne permettez pas que l’on fasse de moi autre chose que ce que je suis et ce que je veux être : une combattante révolutionnaire. Comme dit le « Che », « jusqu’à la victoire toujours ! ».
17 mai 1967. Michèle Firk.
Comité de solidarité internationaliste - Saragosse
Depuis plus de 35 ans, notre Comité maintient son activité tant au sein de la communauté aragonaise que dans les différents pays dans lesquels il développe des actions d’accompagnement et de solidarité internationale.
Et bien que nous ayons commencé notre travail au début des années 80 sous le nom de Comité de Solidarité avec le Nicaragua de Saragosse, en 1992 nous avons changé notre nom en COMITE DE SOLIDARITE INTERNATIONALISTE, qui était mieux adapté à la portée réelle de notre activité de solidarité, car à partir de nos expériences au Nicaragua nous avions étendu notre travail au reste de l’Amérique Centrale et de l’Amérique Latine, ainsi qu’à d’autres territoires qui ont souffert, et souffrent encore aujourd’hui de l’occupation, comme la Palestine et le Sahara.
Nous axons notre activité sur la SOLIDARITÉ INTERNATIONALISTE, en assumant comme nôtres aussi bien les injustices dont souffrent ces peuples que les idéaux avec lesquelles ils tentent de changer leur réalité.
Nous ne les aidons pas parce qu’ils sont pauvres et que nous éprouvons de la compassion pour eux. Nous sommes à leurs côtés parce que nous nous sentons attaqués lorsque leurs droits sont bafoués, lorsque leurs maisons sont détruites, lorsqu’ils subissent des déplacements, des violences ou la mort. Nous sommes à leurs côtés parce que nous partageons le rêve commun d’un monde plus juste et solidaire, et nous croyons qu’il est possible de construire ensemble cet “autre” monde qui doit être pour toutexs, sinon il ne sera pas.
On dit de nous, et nous l’assumons, que nous travaillons en solidarité politique, et ce n’est pas parce que nous sommes liés à un quelconque parti politique de ce côté-ci ou de l’autre du monde, mais parce que nous comprenons que la solidarité n’appartient pas à la sphère privée, ni à la charité, mais qu’elle est une action collective et organisée de la citoyenneté. Nous considérons qu’il fait partie de notre travail de solidarité d’influencer nos représentants politiques pour les inciter à exiger un plus grand respect des droits de l’homme dans les relations internationales, et à prêter attention aux conflits et aux situations qui sont souvent oubliés ou délibérément cachés. C’est pourquoi nos partenaires et les associations avec lesquelles nous travaillons, tant en Aragon que dans le reste du monde, sont des organisations de citoyennexs qui tentent de transformer les réalités dans lesquelles iels vivent par le biais de revendications, de mobilisation et de participation populaire.
Une autre caractéristique que nous avons conservée tout au long de ces longues années est le volontariat. Aucun membre de notre association ne reçoit de rémunération pour son travail au sein du comité, et bien que notre activité soit soumise aux fluctuations de la disponibilité de celles et ceux qui la développent, nous pensons que les avantages de ce modèle sont supérieurs aux risques de déléguer notre responsabilité à une personne engagée pour faire le travail que le comité n’arrive pas à faire.
Notre principal engagement a été d’établir un pont de solidarité internationale entre le peuple aragonais et les régions avec lesquels nous travaillons, et c’est pourquoi notre tâche principale a été de réaliser des campagnes et des activités de sensibilisation ici et de promouvoir des brigades de travail et d’accompagnement international dans ces pays, mais sans laisser de côté la réalisation de projets financés par nos propres fonds ou par ceux des institutions publiques aragonaises qui ont comme partenaires les organisations avec lesquelles nous travaillons.
Leur site : https://internacionalistas.nethttps://internacionalistas.net/
Un de leur partenaire : https://www.redcolombia.orghttps://www.redcolombia.org