Répression - Enfermement Prison

Punir les proches

Ce mois ci renversé s’intéresse aux questions carcérales à Genève et invite pour en parler le nouveau collectif genevois Parlons Prisons. À cette occasion, le collectif publie chaque semaine un extrait de : “Brisons les murs. À quoi servent vraiment la prison et la justice”, son texte fondateur.

La semaine dernière nous parlions de la prison comme outil de contrôle social et racial. Dans ce dernier extrait, on s’intéressera à la forme de peine que vivent les proches car la peine infligée par l’enfermement ne se limite pas aux personnes enfermées.

Genève |

Parce que les personnes détenues sont des frères, des sœurs, des amoureux, des amoureuses, des enfants, des pères, des mères, des amis·x·es, des amants·x·es, en bref ils et elles sont plus ou moins inscrits·x·es dans un entourage qui va souffrir de leur détention. Les conséquences de cet enfermement pour les personnes proches sont nombreuses.

Toutes les tâches supplémentaires que les proches prennent en charge peut être appelé : “la charge mentale carcérale” (terme reprit de l’instagram : Confession d’une femme de détenu). Cette charge, qui signifie tout faire pour se rendre disponible sur les plans émotionnels et pratiques pour amoindrir la violence imposée à la personne incarcérée, est le plus souvent assumée par des femmes : mère, amoureuse, compagne, ou soeur...

Toutes les tâches supplémentaires que les proches prennent en charge peut être appelé : "la charge mentale carcérale" (terme reprit de l'instagram : Confession d'une femme de détenu).

L’aspect auquel on pense en premier, c’est la souffrance et la tristesse d’avoir une personne qu’on aime loin de nous, de n’avoir que très peu, voire aucun contact avec, de n’avoir presque aucune nouvelle d’elle et de la savoir dans un environnement où elle souffre. Avoir une personne qu’on aime enfermée c’est penser à elle tout le temps, c’est l’avoir de manière omniprésente dans son esprit.

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Mais c’est aussi essayer de réussir à avancer dans sa vie “dehors” avec le décalage imposé par le “rythme prison”. Par exemple se rendre disponible au moment où les appels sont possibles, quand ils le sont. C’est prendre le temps d’aller au parloir et le temps d’écrire des lettres. C’est laver le linge et l’apporter. C’est contacter l’avocat·x·e et gérer les questions administratives. Ce rythme n’est pas pris en compte “dehors” ; la vie continue. Pour être au plus proche de la personne enfermée, des décalages et des ruptures avec le monde du “dehors” sont inévitables.

C’est prendre le temps d’aller au parloir et le temps d’écrire des lettres. C’est laver le linge et l’apporter. C’est contacter l’avocat·x·e et gérer les questions administratives. Ce rythme n’est pas pris en compte “dehors” ; la vie continue.

Il y a également l’aspect économique. En effet, avoir une personne qui se fait incarcérer représente une charge pour les proches car il faut lui apporter de l’argent (pour les téléphones, les achats à l’épicerie où tout est plus cher que dans les autres magasins, les timbres, etc.). En plus, il faut souvent assumer les frais d’avocat.e.x, les frais de justice, les amendes, les dédommagements aux éventuelles victimes, etc. Tout cela représente des sommes importantes. Plus encore, avoir un·x·e proche en prison représente pour beaucoup la perte d’un revenu et de ressources. Les femmes sont fortement affectées, car elles sont généralement celles qui prennent toute la charge mentale carcérale, et qu’elles doivent ajouter à leurs tâches habituelles celles de leurs conjoint lorsqu’il était dehors.

Pour les proches, la prison c’est aussi une peine psychologique car en plus de la souffrance d’avoir une personne qu’on aime incarcérée, il faut subir le jugement de l’entourage, le jugement de la société au sens large, et les nombreux a prioris sur la prison.

La prison désinsère. C’est encore une fois aux proches que revient la charge d’accompagner la personne une fois libre, parce que l’Etat ne fait rien en ce sens. L’accompagnement se fait sur le plan financier, afin de subvenir aux besoins de “l’ex-détenu·x·e”, trouver un lieu où vivre (si la personne n’a pas de logement ou l’a perdu lors de sa peine), l’accompagner psychologiquement parce que la prison laisse des marques. C’est le·x·la (ré)intégrer dans la vie de famille (s’il y a une famille), auprès des enfants notamment. En bref, c’est soutenir une personne totalement désinsérée. Ce soutien peut aussi parfois être l’objet de tension parce que ce rapport d’aide, de soutien, crée souvent des relations inégales entre les personnes : L’ex-detenu.e.x se sent d’autant plus mal de se voir à ce point rendu dépendant. Ces réalités de désinsertion imposées par le fait d’avoir été détenu.e.x.s rendent souvent les relations intimes de couple ou familiale compliquées.

En enfermant les hommes et en faisant reposer de manière contrainte toutes les conséquences émotionnelles et matérielles sur les femmes, l'Etat exacerbe la division genrée des rôles et donc le système patriarcal

La prison est une violence sexiste à l’encontre des femmes qui sont majoritairement celles qui portent tout le travail du care, soit le travail de prendre soin de l’homme enfermé. En enfermant les hommes et en faisant reposer de manière contrainte toutes les conséquences émotionnelles et matérielles sur les femmes, l’Etat exacerbe la division genrée des rôles et donc le système patriarcal. Les femmes ayant des proches incarcérés·x·es se retrouvent elles aussi à endurer une forme de peine.

P.S.

Le texte “Brisons les murs. À quoi servent vraiment la justice et la prison” est à retrouver dans son intégralité sur notre site internet.

Pour aller plus loin on vous propose l’ouvrage “Pour elles toutes. Femmes contre la prison” de Gwenola Ricordeau ou l’Instagram : Confession d’une femme de détenu : “confession.dune.femmededetenu”.

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