“There are ways to tell a story which are more inspiring than others.”
Le penseur anarchiste David Graeber nous a inspiré dans la mesure où il propose des lectures du monde qui (re)donnent de l’espoir et des outils permettant de recadrer un phénomène pour le penser autrement. La capacité de percevoir et appréhender autrement n’est pas un simple jeu d’esprit mais va main dans la main avec nos actions pour transformer des situations, des relations et in fine le monde.
La croyance qu’il n’y a pas d’alternative sérieuse au capitalisme ravage l’imaginaire collectif. Cela, couplé au sentiment d’aller de défaites en défaites, engendre une démobilisation mortifère parce qu’on n’y croit pas ou plus vraiment. Le désespoir n’a rien de naturel, rappelle l’anthropologue Graeber. Les capitalistes se donnent beaucoup de peine pour le produire en masse.
On peut trouver dans ces deux textes de Graeber de quoi aborder l’obstacle du désespoir ou celui de la défaite. D’abord, parce qu’ils donnent de l’Espoir en commun - ce qui est loin d’être vain et inutile. Et puis parce qu’ils soulignent que les luttes qui comptent à nos yeux s’inscrivent dans une construction au long court où le processus même de transformation sociale est crucial.
On peut trouver dans ces deux textes de Graeber de quoi aborder l’obstacle du désespoir ou celui de la défaite. D’abord, parce qu’ils donnent de l'Espoir en commun - ce qui est loin d’être vain et inutile. Et puis parce qu’ils soulignent que les luttes qui comptent à nos yeux s'inscrivent dans une construction au long court où le processus même de transformation sociale est crucial.
Graeber fait de l’imagination une arme contre le néo-libéralisme en soulignant l’importance d’imaginer des possibles et des alternatives. Imaginer une autre société ne revient pas, pas forcément, certainement pas uniquement, à réfléchir aux grandes institutions, à l’État, à la macro-économie ou à la géopolitique. Cela peut commencer par la toute petite échelle : par exemple imaginer des relations sociales en dehors de l’échange monétisé. Identifier là où il y en a et refuser que ce qui n’était pas encore monétisé ne le devienne.
Le choc de la victoire questionne : ne saurions-nous pas reconnaître nos victoires ? Ce texte permet de réfléchir aux victoires et aux échecs de nos luttes et souligne l’intérêt de déceler des victoires intermédiaires. Graeber propose de distinguer, dans nos luttes, des objectifs à court, moyen & long terme. Les objectifs à court terme sont presque toujours perdus, les flics de tout poil sont partout et le pouvoir ne peut pas se permettre de perdre ces batailles-là. L’objectif à long-terme est très simple et unique : abattre l’État et détruire le capitalisme. Ça a le mérite de rappeler que c’est bien ce qu’on vise. C’est donc toujours au moyen-terme qu’on trouve les victoires, mais ce moyen-terme a des contours flous et dynamiques, qui gagnerait à être défini, comme un outil à entraîner.
Si cette idée permet à Graeber de confirmer que chaque lutte contient victoire(s) et défaite(s), d’autres questions demeurent : nos défaites en sont-elles vraiment ? Est-ce qu’un objectif non atteint n’invisibiliserait pas tout ce qu’une lutte construit ? Nos victoires en sont-elles vraiment ? Que se passe-t-il lorsqu’une victoire militante mène à du désengagement de la base et une cooptation de certains membres dans la politique mainstream, l’institution, le capital ? Graeber nuance l’idée même de victoire. Parfois la victoire est inéluctable mais en face on s’arrange pour la donner trop vite (on perd alors la force du processus) ou trop lentement (menant à une fatigue militante).
Graeber fait du processus un élément clef de tout mouvement social ou politique. Lorsque des personnes se sont organisées contre une branche de l’État, du capital, de la domination, elles ont communiqué, quelque chose s’est passé pendant cette lutte : des rencontres, des réseaux, des changements de pratiques, des formes de politisation, des manières de lutter, ... Indépendamment des conclusions qui en seront tirées dans le futur, chaque lutte porte en elle des espaces d’expérimentation alternative dont les effets sont vastes et imprévisibles. L’objet d’une lutte est à la fois crucial et anecdotique. C’est ce qui s’est passé en luttant, ce qui a été vécu, appris, transmis qui va perdurer et qui constitue le ferment le plus solide du monde et des relations qu’on est en train de transformer.
L’espoir en commun, 2008
On dirait que nous sommes coincés dans une impasse. Le capitalisme tel que nous le connaissons semble tomber en ruine. Mais alors que les institutions financières titubent et s’effondrent, il n’y a aucune alternative évidente. La résistance organisée paraît dispersée et incohérente ; le mouvement altermondialiste n’est plus que l’ombre de ce qu’il était. Il y a de bonnes raisons de penser que, d’ici plus ou moins une génération, le capitalisme n’existera plus pour la simple et bonne raison qu’il est impossible de maintenir perpétuellement une croissance infinie sur une planète aux ressources limitées. Face à cette perspective, la réaction irréfléchie – même venant des « progressistes » – est souvent, par peur, de se raccrocher au capitalisme parce qu’on n’est tout simplement pas capable d’imaginer une alternative qui ne soit encore pire.
La première question que nous devrions nous poser est : comment cela est-il arrivé ? Est-il normal que les êtres humains soient incapables de s’imaginer à quoi ressemblerait un monde meilleur ? Lire la suite du texte