Antiracisme - Luttes décoloniales Violences policières Thème du mois

Thème du Mois #3 : Body cam - Cheval de troie de la surveillance ?

Ces prochains temps, Renversé relaie les articles écrits pour l’occasion par plusieurs collectifs qui travaillent sur les crimes policiers. Le procès des flics qui ont tué Mike Ben Peter a été d’une violence inouïe, un déni de justice total et une démonstration de force obscène du camp de l’impunité policière. Il nous faut malgré tout continuer le combat aux côtés des proches de victimes de meurtres policiers, pour Hervé, pour Mike, pour Nzoy et pour tous les autres. Nous proposerons au cours de cet été des articles pour donner de la voix à celles et ceux qui s’organisent sur ce front et pour participer à penser la mobilisation.

La Body cam est une petite caméra prévue pour être portée sur le torse. Sa commercialisation est destinée aux différentes forces de l’ordre, policiers, garde-frontière, police ferroviaire, etc.

Depuis plus de dix ans, son utilisation se généralise. D’abord réticents, la plupart des corps de police sont aujourd’hui très favorables à son utilisation. Bon nombre de politiques et/ou dirigeants de la police souhaitent l’intégration généralisée de la body cam à l’équipement policier.

Le contexte à Lausanne

Depuis 2019, les caméras-piéton sont en phase pilote. Cela a commencé à Lausanne sous l’impulsion du PLR Pierre-Antoine Hildbrand. Le Conseil cantonal de sécurité, alors dirigé par Béatrice Métraux (les Verts), a ensuite étendu cette pratique à tous les services de police vaudois. Dans sa lettre du 12.03.2021 au collectif Kiboko, la conseillère d’Etat vantait les mérites de la caméra-piéton “perçue comme un moyen de protection tant par les policières et policiers que par les personnes interpellées”, et espérait que ce projet aiderait à “réduire les tensions qui peuvent parfois exister entre la police et la population.”

Sur le plan lausannois, si le postulat (qui a déjà été accepté en commission) est soutenu par la majorité du conseil communal, la Municipalité préparera ensuite un rapport préavis qui sera soumis à nouveau au conseil communal. Depuis l’acquittement des 6 policiers qui ont tué Mike, ce sujet est réapparu plusieurs fois dans les médias et les body cam ont été présentées comme une solution au profilage racial, notamment par le Parti socialiste.

Il n’existe pas de données statistiques fiables sur ce matériel sécuritaire, c’est un domaine qui manque cruellement d’analyses indépendantes. Nous avons rassemblé plusieurs sources, études, et articles pour observer l’évolution de cette technologie et établir notre position.

Il ressort plusieurs problématiques :

Qui décide d’équiper la police de body cam ?
Quel cadre législatif ?
Qui sont les fabricants ?
Quand et que filme la caméra ? (angle de vue, prise de son, activation)
Comment fonctionnent le stockage et la propriété des images ? (protection des données)
Quelle utilisation judiciaire ?
Éthique, intelligence artificielle, renforcement d’un appareil d’Etat raciste.

Différents contextes

Il est nécessaire de comprendre les contextes sociétaux dans lesquels les body cam sont mises en place. Alors qu’aux Etats-Unis, elles ont officiellement été lancées pour réagir aux violences policières, on sait aujourd’hui que leur efficacité contre ces dernières n’a pas été prouvée. À Washington, il semblerait que la body cam fonctionne surtout lorsqu’il s’agit, pour la police, de collecter des informations utiles à leur défense ou à charger des citoyens.

En Europe, les body cam sont explicitement destinées aux forces de l’ordre, permettant de faire valoir leur point de vue sur les interpellations policières. En Suisse dans le Canton de Vaud, une étude souligne qu’une désescalade de situations conflictuelles est constatée par le port de la caméra. Mais l’étude affirme aussi que “dans le cadre du test lausannois et vaudois, il a été envisagé que la body cam visait la protection des policier·ère·s contre les violences et menaces”. Les objectifs annoncés dans l’étude vaudoise sont en effet les suivants :

  • Désescalade et prévention des violences à l’encontre des policiers
  • Enregistrement indiscutable des faits et valeur de preuve
  • Évolution de la relation entre police et population
    Dans ses résultats complémentaires, l’étude annonce que “la body cam offre des perspectives innovantes à développer dans d’autres domaines policiers connexes” comme par exemple “pour le maintien de l’ordre, en appui sur le terrain, ainsi qu’a posteriori pour l’identification d’individus et l’analyse des tactiques en gestion de foule” Plus loin, l’étude nuance : “la body cam peut être un utile objet médiateur, au sens où chaque partie prenante de l’intervention peut projeter sur l’outil l’idée que celui-ci est d’abord à son service.”
    Pour résumer ce rapport d’évaluation, l’objectif premier des caméras-piéton est de servir la police, mais certainexs citoyennexs s’imaginent que cette caméra pourraient “aussi (leur) être favorable”. On y lit en effet que “Le public s’attend ainsi que des images soient enregistrées et produites comme moyens de preuves aussi en leur faveur” et que “les personnes rencontrées lors des interventions et des patrouilles ont fréquemment évoqué l’idée que la caméra est aussi un outil mis en place à leur service”. Cette étude universitaire contient des lacunes considérables : elle nie le racisme policier, place les citoyens sur un pied d’égalité avec les forces de l’ordre et omet la fonction répressive de la police.
    Il est urgent de réagir de manière critique à ces conclusions trompeuses et dangereuses.

Dernièrement, dans le Lausanne Cité, un élu socialiste se berçait également d’illusion, affirmant que “cette technologie permettrait la désescalade de la violence tout en renforçant le sentiment de sécurité, tant pour la population que pour les policiers.” .

Dans le débat public, il y a plutôt à droite, celleux qui pensent que la police n’a rien à se reprocher et que la body cam sert à justifier ses actions. On pense par exemple à l’utilisation des images dans le cadre judiciaire. Les plus ardents défenseurs de la body cam sont également ceux qui souhaitent interdire à la population de filmer la police. Or, des élu.exs de gauche et une partie de la population estiment que c’est un bon outil de lutte contre les violences policières.

Certains sociaux-démocrates (tels que Les Verts et le Parti socialiste) ne prennent pas d’initiative pour la lutte contre les violences policières, mais déploient une énergie impressionnante pour faire passer des idées de droite dans un format édulcoré. Cette supposée gauche est-elle vraiment aux services de la population qu’elle prétend représenter ? S’est-elle renseignée sur la portée réelle d’un outil de contrôle tel que la body cam ?

Si l’on comprend bien l’idée d’assurer une trace des contacts entre la police et la population, il faut cependant prendre toutes les mesures possibles pour que la bodycam ne soit jamais présentée comme une solution pour faire baisser les violences policières. Une chose est claire : nous ne sommes pas en train de donner la possibilité à la population de filmer la police, mais l’on équipe la police pour NOUS filmer.

À cette gauche qui soutien les caméras-piéton, nous lui rappelons que de répondre aux harcèlements des personnes non-blanches en augmentant le matériel alloué au contrôle social est insensé. Malheureusement et en dépit du bon sens, on observe souvent que plus la police est violente, plus l’Etat étend la panoplie de cette dernière.

C’est précisément dans ce genre de moment politique que s’inscrit une dynamique d’une gauche qui se droitise. La politique consensuelle pratiquée par la gauche en Suisse n’est pas en mesure d’être productrice d’outils amenant des changements sociaux profonds, et se maintient simplement dans le consensus du moment en faisant le jeu de la droite. Ce projet de body cam nous montre que malheureusement que la viabilité politique d’une proposition dépend de son acceptabilité dans l’opinion publique plutôt que de ses qualités potentielles ou intrinsèques. Dans ce contexte, toute proposition visant à réduire les fonds de la police, désarmer une majorité des effectifs de patrouilles ou leur imposer un minimum d’exemplarité, semble impensables. Ce type de proposition est systématiquement discréditée et médiatiquement évacuée.

Pour lutter contre le racisme d’Etat, il faut pourtant questionner sa structure, ses institutions, et ses outils au premier sens du terme, jusqu’au matériel utilisé. Du formulaire à remplir à l’arme à feu, tout compte, tout n’est qu’outil de coercition pour maintenir un ordre du monde blanc, néo-colonial et patriarcal.

Pour ses défenseurs à la droite de l’échiquier politique, les caméras-piéton répondent à une supposée “guerre de l’image”. Alors que la plupart des corps de police suisses veulent équiper au plus vite tous leurs agents de body cams, le conseiller national UDC Jean-Luc Addor va du reste déposer une intervention parlementaire pour demander l’interdiction de filmer la police.
Mais cet objectif s’illustre de la même manière dans l’étude vaudoise, selon laquelle “face aux vidéastes amateurs, (la body cam) réduit l’asymétrie des moyens de prise de vue et rassure les policier·ère·s sur leur capacité à attester une éventuelle dégradation de la situation.”
En France, par exemple, combattre les images de violences policières diffusées sur les réseaux sociaux a été un argument pour l’élargissement du protocole d’utilisation des body cam, à travers la Loi sécurité Glogale. Une mesure visait notamment à permettre aux agents de publier certaines images captées par leurs caméras embarquées, tout en pénalisant le partage citoyen de vidéos.

D’autre part, donner aujourd’hui un cadre contraignant à l’utilisation de la body cam ne garantit absolument rien de son utilisation dans dix ans. De nombreux exemples à l’étranger sont de nature à nous alerter. Il y a une différence entre le cadre légal prévu à la base et l’utilisation qu’en font finalement les Etats. Ne pas combattre la body cam maintenant, c’est accepter qu’elle s’implante au sein des forces (dites) de sécurité.

Il suffit d’aller faire un tour sur les sites de Zepcam (qui fournit ses body cams à la police de Lausanne) ou d’Axon (qui fournissait celles de Zurich et équipe la majorité des corps de police américains) pour voir que ces sociétés proposent un outil 100% destiné à ses utilisateurs, un outil de surveillance des personnes filmées PAR le ou la porteureuse de la caméra. “Afin de protéger efficacement les agents et de poursuivre les criminels”, telle est la devise de la firme. Quelles qu’en soient les modalités d’utilisation, cet outil n’est pas et ne sera jamais contrôlé par la population. Il n’est simplement pas entre nos mains car de A à Z, la police contrôle ces images, de leur captation à leur conservation, sans regard indépendant.

Un nouvel instrument qui renforce une structure raciste

En l’état actuel, l’efficacité de la body cam est compromise puisque c’est au policier de l’enclencher. Le rapport d’évaluation vaudois recommande en effet l’activation manuelle car “ce mode est le plus adapté pour que la body cam soit acceptée et utilisée proactivement.” Par conséquent, il faudrait que la caméra soit allumée en tout temps pour éviter que la décision individuelle de l’agent de police ne représente un biais. Certes, cela pose un problème évident. Une affaire actuelle l’illustre de manière horrifiante : 16 policiers israéliens ont scarifié le visage d’un homme palestinien après l’avoir torturé alors que chacun d’entre eux portait une caméra embarquée. Ils ont pourtant osé déclarer que toutes leurs caméras étaient “cassées” au moment des faits.
Mais on se heurte alors à une autre question : a-t-on envie d’être filmé.exs de manière continue par la police, sans pouvoir s’y opposer ? En acceptant ce projet, on se soumet à de multiples contradictions et dilemmes.

Nous sommes en train de donner un nouvel instrument à un système dont les intérêts sont fondamentalement contraires à ceux de la majorité de la population, en particulier à ceux des personnes précarisées et non-blanches. Même avec les règles d’utilisation les plus strictes, on ne peut pas compter sur l’agent lambda pour respecter un protocole. La question de la législation autour de l’utilisation du matériel à disposition des policiers est sans cesse problématique. Par exemple, le policier a le droit d’avoir une arme à feu, mais n’est autorisé à l’utiliser que dans un cadre très rigide. Or Hervé et Nzoy sont morts parce que des policiers ont fait usage de leur arme hors de ce cadre législatif. Et pourtant, comme on l’a vu dans le cas d’Hervé, la justice leur tout de même donne raison.

Alors que le policier est bien conscient que tout est enregistré, rien n’atténue son manque de respect, sa partialité, son escalade inadmissible, sa violence. Ce sera ensuite la femme qui sera poursuivie par la police pour désobéissance aux forces de l’ordre ! Alors que toutes les preuves de l’injustice de la situation existent, la police refuse de fournir la vidéo sous prétexte qu’ils ne diffusent pas un matériel en cours d’investigation, et qu’on y voit des mineures ! Et personne n’a pu les contraindre à faire autrement.

Un exemple

Il y a plusieurs années, aux USA, une vidéo provenant d’une body cam fuite dans les médias et révèle un enchevêtrement de problèmes structurels.

La vidéo : par la body cam d’un policier, on arrive sur les lieux, un quartier résidentiel populaire. Il n’y a d’abord pas de son, puis le policier l’active. Il passe devant un groupe de femmes noires, sans leur adresser la parole, puis va vers un blanc qui est en train de repeindre une immense palissade entourant sa maison. On l’aperçoit, mais très vite la caméra filme le sol et on n’entend pas ce qu’il lui dit. C’est un échange court ; le policier se retourne alors et se dirige vers le groupe de femmes noires, cette fois on voit tout le monde distinctement et on entend parfaitement la femme qui dit

« il n’a pas le droit d’empoigner mon fils, il sait que j’habite à côté, s’il y a un problème avec mon fils, il vient me voir ».

La femme est très claire dans ses propos, mais le policier la provoque, lui pose des questions idiotes. Elle ne se laisse pas faire, et reste parfaitement factuelle, mais le policier lui reproche de monter le ton. Une ado (la fille de la dame) vient alors se mettre entre le policier et sa mère pour dire que ça suffit, et là c’est incroyable, mais en une fraction de seconde le policier la braque avec son arme et commence à menacer tout le monde. Il pointe son arme sur la mère, puis sur la fille à nouveau, hurle à tout le monde de se coucher par terre. Tout le monde crie et a peur. Il y a ces deux hommes blancs debout et toutes ces femmes noires par terre. L’autre soeur filme avec son téléphone, en disant

« je sais que ta vidéo à toi ne sert que la police »,

elle se fait enlever son téléphone et arrêter aussi. Se déroule alors l’arrestation de trois femmes noires, une scène violente, d’un racisme incroyable.

Alors que le policier est bien conscient que tout est enregistré, rien n’atténue son manque de respect, sa partialité, son escalade inadmissible, sa violence. Ce sera ensuite la femme qui sera poursuivie par la police pour désobéissance aux forces de l’ordre ! Alors que toutes les preuves de l’injustice de la situation existent, la police refuse de fournir la vidéo sous prétexte qu’ils ne diffusent pas un matériel en cours d’investigation, et qu’on y voit des mineures ! Et personne n’a pu les contraindre à faire autrement.

Ce cas révèle plusieurs choses : d’abord la manière dont le policier prend garde de ne pas filmer le blanc, par sa maîtrise parfaite de l’angle et du son. À l’inverse, lorsqu’il est devant les personnes noires, il filme non seulement son interlocutrice mais on sent qu’il balaye vraiment pour qu’on voie les autres (des femmes et des enfants en l’occurrence). Ensuite, le fait que la femme - dont les droits sont bafoués - ne peut pas avoir accès à la vidéo de sa propre arrestation. Et pour finir, le fait qu’une vidéo aussi accablante pour la police ne soit pas accessible, parce que c’est sa propriété. Dans certains protocoles d’utilisation belge, on observe d’ailleurs que le policier qui rentre au poste télécharge seul ses données et décide lui-même du temps de conservation des vidéos, selon ses propres critères.

L’utilisation des images

Autre problème insoluble de cet outil : l’utilisation des vidéos par le système judiciaire. D’abord, ce que l’on constate aux USA, c’est qu’il faut des procédures longues et coûteuses aux citoyens pour accéder aux enregistrements. En France, en réponse aux violences policières en manifestation, le ministre de l’Intérieur avait décidé que les caméras-piétons devaient être enclenchées à chaque tir de LBD (pour éviter une remise en question réelle sur l’utilisation de ces armes). Depuis cette décision, les affaires impliquant des tirs ont malgré tout été classées sans suite, les vidéos n’étant jamais disponibles.

Pourtant, même en admettant que ces vidéos soient accessibles, visionnables et intactes (sans partie supprimée, etc.) leur utilisation est biaisée pour deux raisons. Premièrement, un homme noir sur une vidéo sera victime, à travers l’institution pénale, de biais racistes dans l’interprétation des images. Deuxièmement, la vidéo produite par une body cam est, selon Axon, faite pour que l’on puisse se mettre « dans la peau » du policier, pour que l’on soit en mesure de percevoir la réalité de son point de vue. Aucune mesure, aucune réglementation ne pourra faire disparaitre ces deux biais. La personne interpellée sera victime de délit de faciès non pas une, mais deux fois, lors de son arrestation et lors du visionnage. Augmenter les outils de contrôle ne fait que renforcer le système raciste déjà existant.

Augmenter les outils de contrôle ne fait que renforcer le système raciste déjà existant.

Vous trouverez plus bas plusieurs articles sur le lien entre body cam, reconnaissance faciale et intelligence artificielle. Ce qui est préoccupant dans l’utilisation de la body cam est la masse de données multimédias qui sont produites. Il serait naïf de croire que ces données vont tranquillement dormir sur des disques durs en attendant une potentielle utilisation en tant que pièce à conviction.

Il y a donc le problème de la propriété de l’image, le problème du stockage et de l’accessibilité. Lorsqu’elle a commercialisé la body cam, la compagnie Axon l’a vendue avec un service privé de stockage de preuves, un cloud spécialement conçu pour la police - mais il y a surtout le problème de l’utilisation de ces images.

En effet, les compagnies citées se targuent de pouvoir créer des outils de reconnaissance faciale capables de prédire des comportements criminels sur la base du visage des gens. Leurs chercheurs fournissent différents matériels pour entraîner ces IA dont des données liées à la justice pénale et donc intrinsèquement racistes. Dans une lettre datant de 2020, plus de 1000 expert·exs de l’IA travaillant au MIT, à Harvard, mais aussi chez Google et Microsoft s’élèvent contre cette mouvance et déclarent :

« Comme l’ont démontré de nombreux chercheur·eusex·s, les données historiques des tribunaux et des arrestations reflètent les politiques et les pratiques du système de justice pénale. Ces données indiquent qui la police choisit d’arrêter, comment les juges choisissent de statuer, et quelles personnes se voient accorder des peines plus ou moins longues [...] Ainsi, tout logiciel construit dans le cadre juridique pénal existant fera inévitablement écho à ces mêmes préjugés et inexactitudes fondamentales lorsqu’il s’agira de déterminer si une personne a le visage d’un criminel »

 [1]

Dès 2023, les caméras embarquées de la police d’Atlanta seront renforcées d’un système reconnaissance faciale. Alors qu’en Europe, ce dispositif est déjà mise en place dans certaines zones de Belgique. Est-ce également la suite logique en Suisse ? L’identification deviendra-t-elle automatique ?

Est-ce également la suite logique en Suisse ? L'identification deviendra-t-elle automatique ?

Tout le temps perdu à débattre de la manière d’utiliser des outils technologiques comme la body cam est un temps où l’on ne questionne pas la place des fonctionnaires, des procureurs, des juges et d’un système qui n’a aucun intérêt à s’autofragiliser et qui ne fera lui-même aucune concession, à moins qu’on l’y contraigne. Aux USA, les faits parlent d’eux-mêmes : la grande majorité des procureurs utilisent les vidéos contre les citoyens et non pas contre les policiers. Dans les juridictions où la justice pourrait faire recours aux vidéos enregistrées par le biais des caméras-piéton, 93 % affirment qu’elles ont utilisé ces preuves afin de poursuivre des citoyens contre 8,3 % qui les ont utilisées contre la police. Si plus de 4000 départements de police aux USA ont adopté la body cam, c’est bien parque qu’ils ont compris que cela servait la police et non les communautés non-blanches.

Conclusion

Si la bodycam semble relativement inoffensive en tant qu’objet, elle participe de manière assez pointue à la militarisation de la police.

Si la bodycam semble relativement inoffensive en tant qu’objet, elle participe de manière assez pointue à la militarisation de la police.

Le secteur de la sécurité et de l’armement ne fonctionne pas différemment des autres secteurs de production, dont le moteur est de rendre toujours plus de matériel nécessaire au fonctionnement de la société. La body cam est un exemple de collaboration entre l’Etat et les industriels du contrôle pour faciliter la surveillance tout en augmentant les coûts et les profits qui en découlent. Cette coopération se fait notamment par le versement de subventions publiques. En effet, dans bien des cas, l’Etat achète ces produits à des groupes, tout en subventionnant leur production. C’est ainsi que, malgré les lois en vigueur en matière de protection des données et de la vie privée, les institutions gouvernementales finissent toujours par adapter le droit - voire le contourner - pour imposer ses politiques sécuritaires. Cela est rendu possible par des élu.exs qui coopèrent avec ces entreprises privées dans le processus de quadrillage de la société. Par exemple, alors que la loi encadrant les caméras-piéton était d’abord stricte, de plus en plus de pays européens cherchent à élargir le cadre légal permettant notamment la transmission en direct des vidéos au centre de commandement. Ainsi, cela faciliterait l’identification des personnes et la collecte de preuve.

En termes de développement industriel, les compagnies qui vendent ces objets utilisent les forces de l’ordre étatique comme laboratoires pour développer des outils plus « agressifs ». Axon avait commencé à ajouter des caméras à ses pistolets paralysants peu avant la signature d’un immense contrat avec l’administration Obama. Cela lui avait permis de vendre ses caméras à des milliers de corps de police aux USA. La valeur de l’action du groupe Axon (leader mondial des technologies de sûreté publique - à l’époque encore appelé Taser) a été multipliée par dix lorsqu’ils ont commencé à fournir leurs body cams aux services de police. En Suisse, le fait que les policiers soient équipés de "simples caméras" n’est pas à prendre à la légère lorsqu’on sait à quel point le marché de l’armement joue déjà un rôle important pour le capitalisme helvétique.

Rappelons pour conclure que Derek Chauvin portait une body cam lorsqu’il a assassiné George Floyd. C’est pourtant grâce à la vidéo d’une passante que la police a été contrainte de changer ses déclarations. On pense aussi au meurtre de Nahel, révélé au public grâce aux vidéos de passants, contredisant la version des forces de l’ordre.

La surveillance se développe et s’implante au plus profond de notre société. Il ne faut lui laisser aucune chance de se propager davantage. Attaquons dès maintenant cette course au renforcement du dispositif policier.

On ne peut lutter contre le racisme systémique par un renforcement de sa structure. Parce que la police ne cesse d’entraver les personnes qui la filment, parce les body cams sont davantage un danger qu’une solution contre les violences policières, ne donnons pas à la police davantage de moyens. Plutôt que de quémander des preuves à la police sur les violences qu’elle excerce, affaiblissons-la et battons nous pour éviter un maximum les contacts avec elle. Systématisons le copwatching et mobilisons-nous contre l’implémentation des caméras-piéton !

Dossier de sources dur la Body Cam

  • Sources USA
    The Fifth Estate, 4.11.2016
    Tromperie et caméras corporelles portées par la police
    Deception and police-worn body cameras - the fifth estate
  • Las Vegas Review-Journal, 22.06.2020
    Vous voulez voir les images des caméras corporelles de la police de Las Vegas ? Vous paierez bientôt 280 $ de l’heure.
    Want to see Las Vegas police body-cam footage? You’ll soon pay $280 per hour

Sources France

  • Next INpact , 28.12.2016
    Caméras-piétons : le gouvernement piétine les recommandations de la CNIL
    Caméras-piétons : le gouvernement piétine les recommandations de la CNIL - Next
  • Basta !, 22.11.2018
    Caméras-piétons : un outil contre les violences policières, ou au service des forces de l’ordre ?
    Caméras-piétons : un outil contre les violences policières, ou au service des forces de l’ordre ?

    Caméras-piétons : un outil contre les violences policières, ou au service des forces de l’ordre ?

    Les caméras-piétons, qui permettent à des agents de police ou de sécurité de filmer leurs intervention en direct, ont le vent en poupe : outre la police nationale, fortement équipée, le dispositif tend à s’étendre aux policiers municipaux, aux agents de la SNCF et de la RATP, voire à des agents de sécurité privée. Mais leur utilisation soulève de nombreuses questions : qui doit les déclencher, et surtout à quel moment ? Comment les images seront-elles utilisées, et au profit de qui ? Face à la (...)

  • Next INpact, 25.11.2020
    Les caméras-piétons, une « arme » de « démonstration d’innocence ».
    Les caméras-piétons, une « arme » de « démonstration d'innocence » - Next

Sources Belgique

Sources Suisse

P.S.

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