Répression - Enfermement Détention administrative

Pour les deux évadés de la Favra, la brigade canine ne suffit pas !

Une semaine que la police genevoise n’a pas communiqué sur les deux évadés de la Favra. Pas trouvés ? Le silence semble de mise, proportionnel à la honte que se sont pris les matons, la police, et Pierre Maudet visé par de nombreux commentaires.

Genève |

“L’alarme a immédiatement été transmise aux forces de l’ordre. Aux alentours de Favra, plusieurs brigades spécialisées, dont la canine, ont été mobilisées. L’alarme transfrontalière a également été activée en raison de la proximité avec la frontière. Pour l’heure, les deux hommes courent toujours...”

Pas sûr qu’un dimanche soir la police française considère plus importants les déboires sécuritaires suisses, que le dernier épisode de Colombo.

Les deux évadés de dimanche dernier auraient donc réussi à tromper la vigilance des matons, des chiens, du super dispositif sécuritaro-douanier transfrontalier, et de l’oeil perfide et omnipotent du demi dieu autoproclamé Pierre-Maudet... Chapeau ! Leur course remet sur le devant de la scène la complexe gestion pénitentiaire genevoise. Que de déboires...

Pour ne pas effrayer ses lectrices et lecteurs cardiaques, il y a une semaine, la Tribune de Genève criait haut et fort que les deux évadés “ne sont pas dangereux”. Passant.e.s, ne tirez pas ! Ce faisant, la journaliste mettait par erreur le doigt sur le nœud de l’affaire.

La Favra est une prison tout ce qu’il y a de plus conventionnelle : murs, barbelés, portes blindées, fouilles, menottes... à l’exception de ses détenus. En effet, n’y passent que des personnes dont l’État considère le séjour en Suisse illégal, et qui n’ont par ailleurs pas d’autres condamnation sur le dos. La détention administrative se décide par la police sans passer par la justice, dans le simple objectif de pouvoir mettre de force une personne dans un avion.

Une privation de liberté sans infraction pénale allant jusqu’à 18 mois qui n’est pas sans rappeller le scandale de l’internement administratif pratiqué jusqu’en 1980 [1] en Suisse. Cette mesure touchait à l’époque celles et ceux qui ne rentraient pas tout à fait dans le moule de la société suisse idéale. Ils et elles étaient interné.e.s de forces, retiré.e.s de leurs familles le tout sans procédures judiciaires. À la clé, suicides et stérilisations forcées par l’arbitraire administratif d’une société ultra conservatrice.

Il n’y a pas besoin de chercher très loin ce qui peut pousser à l’évasion deux jeunes hommes qui n’ont même pas de condamnation pénale, et que l’on menace de renvoi vers une Tunisie qu’ils ont fui au péril de leur vie dans des embarcations dont les naufrages émeuvent pourtant tant les télespectateurs.

Ce qu’il se passe c’est que la détention administrative n’est pas prononcée par un juge, mais validée à posteriori par celui-ci au cours d’une audience de quelques minutes. D’ailleurs, la procédure en cours, ce qui est train de lui arriver, n’est même pas traduit à la personne. Ce procédé va à l’encontre des principes de la justice, puisque celle-ci ne fait plus que valider ce que fait la police, inversant les rôles de l’exécutif et du judiciaire dans une procédure dont la déshumanisation est permise par un racisme strucurel et générateur de profits.

Signe que Genève et sa population s’enfoncent dans un racisme de plus en plus intégré et qui permet sans vague ce genre de gestion, voici les commentaires sur le site de la Tribune de Genève :

Si, si, Isabelle, la Favra enferme tout ce qui a plus de quinze ans et sans papiers jusqu’à la possibilité d’une expulsion du territoire par vol spécial, pratique meurtrière maintes fois dénoncée et que l’État persiste à utiliser. En attendant, le détenus ont le droit à une heure de promenade par jour entre les barbelés dans un enclos de 50m2.

Juste à côté de la Favra, la Brenaz était encore cette semaine sous le feu des projecteurs pour l’application aléatoire des sanctions que les matons décident à la tête du client, et qui ont valu à la Brenaz une perquisition cette semaine.

À Champ-Dollon pareil, de tous les détenus qui y sont passées, impossible de connaître par exemple le coût de l’abonnement à la télévision. Celui-ci est obligatoire, et semble varier du simple au double suivant les saisons. Aussi, des factures obscures apparaissent toujours en même temps que les versements faits par leurs proches sur les comptes des prisonniers.

Même si la communication de l’administration pénitentaire dans les médias fait systématiquement passer les matons pour les plus grandes victimes des prisons, ne nous y trompons pas. Quand ils sont en grève, ce sont les détenu.e.s qui ne mangent pas ou n’ont pas de visites.

Toute neuve, la Brenaz 2 qui est censée enfermer, entre autres, des familles entières en attente de renvoi, avait vue sa construction commencer sur des terrains pourtant non-constructibles. « Nous ne pouvions pas attendre dix ans alors qu’on dénonçait des conditions de détention inhumaines », expliquait le grand humaniste François Longchamp. C’est surtout que Genève s’est autoproclamée pôle du renvoi pour toute la Suisse. Coincée entre un Conseil d’État qui justifie sa politique par la fuite en avant sécuritaire et le fait que mine de rien, prison is business, elle continuera de construire des taules. Et le plus vite possible.

En cours encore le centre fédéral du Grand-Saconnex, censé être le dernier lieu de passage de requérant.e.s d’asile débouté.e.s et dont la construction devrait commencer à deux pas de l’aéroport de Cointrin. D’ailleurs, sans surprise, sur la même parcelle de terrain les autorités genevoises projettent de construire des bâtiments entre autres pour 50 places de détention administrative de courte durée avant renvoi.

Des barbelés, encore des barbelés...

"Pour l’heure, les deux hommes courent toujours..."

Nous leurs souhaitons de siroter encore longtemps des spritz à la terrasse du Beau Rivage.

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