Antifascisme - Extrême-droite

Leonardo Sojli : le propagandiste Qanon qui opère depuis le Valais

Le 20 octobre 2020, sortait sur la chaîne Youtube de Nouvo une série de vidéos ayant pour sujet le mouvement conspirationniste d’extrême droite Qanon. Une des ces vidéos consiste en une rencontre avec un des principaux propagandistes Qanon en francophonie : Leonardo Sojli. On y apprend notamment qu’il tourne ses lives depuis un chalet à Erschmatt en Valais. L’occasion de revenir sur cet individu central d’une mouvance qui monte en puissance en Suisse romande.

Valais |
Leonardo Sojli (à gauche) avec le journaliste Marc Gagliardone (à droite) dans la vidéo de Nouvo.

Leonardo Sojli est de nationalité albanaise et prétend posséder un diplôme de mécanicien automobile [1]. Ses premières traces sur l’internet francophone remontent à 2011 avec le lancement de son site conspirationniste appelé J’ai un doute [2] (qui relayait des théories conspirationnistes sur des sujets comme les attentats du 11 septembre ou encore la première guerre civile lybienne [3]). Il affirme également avoir co-fondé la chaîne Youtube Thinkerview et présidé l’association dont la chaîne dépendait [4]. Impossible de vérifier cette affirmation, néanmoins, Leonardo Sojli est effectivement lié à Thinkerview : Il est crédité comme compositeur de la musique des premières vidéos de la chaîne et est également le fondateur de l’association « Les Albanais de France », enregistrée à la même adresse que la première association créée pour ThinkerView. Le site de J’ai un doute est d’ailleurs hébergé par Dipix, une société française dont le propriétaire Pierre-Yves Minier est l’un des membres de Thinkerview [5].

Crédit de Leonardo Sojli dans une vidéo de Thinkerview.

En mars 2012, il fonde à Bordeaux une société de production audio/vidéo du nom de No-Edit (dont le site est également hébergé par Pierre-Yves Minier) [6]. Il aurait apparemment également collaboré à une période avec un moteur de recherche français [7].

En avril 2020, Leonardo Sojli réactive J’ai un doute pour un live depuis Erschmatt en Valais où il s’est installé avec sa copine [8]. Il change le nom de la page Facebook de « J’ai un doute » en « Les DéQodeurs » et lance la chaîne Youtube pro-Qanon du même nom [9]. Il ouvre également en juin 2020 le site pro-Qanon Dis Sept [10] (lui aussi hébergé par Dixpix [11]).

Récemment, la page Facebook et la chaîne Youtube des DéQodeurs ont été supprimés, dans le dernier cas « en raison de manquements graves ou répétés au règlement de YouTube interdisant les contenus visant à harceler, intimider ou menacer une personne » [12].

Malgré ces suppressions, Les DéQodeurs sont toujours actifs. Ils possèdent un site (Dis Sept) et sont actifs sur Telegram. Leurs lives sont diffusés sur Twitch, Periscope et D-Live et sont ensuite disponibles sur Odysee et Lbry. Des dons sont également sollicités par le biais de Tipeee, PayPal ou des plateformes d’échange de crypto-monnaie. Dans son interview sur Nouvo, Leonardo Sojli précise que l’argent qu’il récolte grâce aux dons lui permet de vivre.

Leonardo Sojli sur le balcon de son chalet à Erschmatt.

Dans la vidéo, Marc Gagliardone, explique que les partisan.e.s de Qanon « […] pensent que l’actuel président des Etats-Unis est celui qui mettra un terme à la domination d’une élite qui conspire en secret contre le peuple. ». Cette manière de présenter les choses est très inexacte. En effet, les partisan.e.s de Qanon ne croient pas simplement qu’une élite conspire contre le peuple, il.elle.s sont également persuadé.e.s que les membres de cette élite sont des pédophiles qui vénèrent Satan [13].

Quand le journaliste demande à Leonardo Sojli de décrire la vision du monde de Qanon, il évite de répondre honnêtement en se contentant de dire que « [c]’est la vision du monde que on vit dans un monde où si on se pose certaines questions, les réponses de ces questions elles sont dérangeantes et elles vont à l’encontre de ce qu’on nous apprend à l’école et de ce que les médias véhiculent. ». Il est manifestement réticent à parler en détail des croyances de Qanon, probablement pour des raisons d’image et en raison d’une volonté de faire apparaître le mouvement comme raisonnable aux yeux du public.

Lorsque le journaliste lui demande comment il se définit politiquement, il répond : « Je suis apolitique, vraiment, j’ai perdu confiance en la politique. Je suis pas de gauche, moi je me définis de l’extrême centre. ». Qanon est pourtant bel et bien une théorie conspirationniste d’extrême droite, qui flirte d’ailleurs régulièrement avec l’antisémitisme. Leonardo Sojli est donc classable comme un propagandiste conspirationniste d’extrême droite.

Leonardo Sojli est persuadé que le plan de l’« Etat profond » est d’établir un gouvernement mondial dirigé par le milliardaire hongro-américain George Soros, la famille Rothschild et la famille saoudienne [14]. Il reprend ainsi les théories conspirationnistes antisémites dirigées contre George Soros et la famille Rothschild. Il est également farouchement opposé au mouvement Black Lives Matter ainsi qu’aux antifascistes, dont il est persuadé qu’il.elle.s sont financé.e.s par George Soros.

Interrogé sur l’antisémitisme, il déclare : « Je ne suis pas antisémite. Mes croyances personnelles, basées sur la Bible, me demandent de respecter les Juifs. J’ai un respect infini envers ce peuple. Je ne peux pas être antisémite. Par contre, je suis anti-Rothschild. Ils se prétendent juifs mais il n’ont rien de juif. » [15]. En qualifiant les Rothschild de « faux juifs », il reprend ainsi le mythe antisémite, très populaire chez les partisan.e.s de Qanon, selon lequel la majorité des jui.f.ve.s actuel.le.s ne sont pas des descendant.e.s des israélites mais sont en réalités de Khazars qui se sont converti.e.s au judaïsme lors de la chute de l’Empire Khazar et qui sont chargé.e.s par Satan de détruire le monde [16].

A noter que Leonardo Sojli est proche depuis longtemps de la pensée du néo-fasciste franco-suisse Alain Soral, connu pour son antisémitisme obsessionnel.

Leonardo Sojli est persuadé, à ‘instar des autres partisan.e.s de Qanon, d’être le soldat numérique d’une 3e guerre mondiale, qui serait une guerre d’information plutôt qu’un conflit armé.

Liens avec les coronasceptiques suisse romands

Comme cela a déjà été mentionné sur Renversé, il existe de nombreux liens entre les coronasceptiques de Suisse romande et le mouvement Qanon. Cela se confirme également dans le cas de Leonardo Sojli.

Les figures coronasceptiques suisse romandes Ema Krusi et Chloé Frammery sont toutes deux apparues avec Leonardo Sojli sur des lives de la chaîne Youtube pro-Qanon Quartier Libre TV (aujourd’hui supprimée).

Leonardo Sojli était également présent à la la manifestation anti-masque du 14 septembre à la place des Nations à Genève.

Leonardo Sojli (à gauche) avec Ema Krusi (au centre) et Chloé Frammery (à droite) lors de la manifestation anti-masque du 14 septembre à Genève.

Qanon est considéré par le FBI comme une menace terroriste potentielle et est lié à deux kidnappings et au moins un meurtre. Alors que le mouvement gagne en popularité en Europe et en Suisse (jusqu’au sein de l’UDC), il est nécessaire de l’exposer pour ce qu’il est : une théorie conspirationniste d’extrême droite. Traitons la comme tel.

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