Antiracisme - Luttes décoloniales Violences policières Racisme

Manifestation le 1er mars 2023 en hommage à Mike Ben Peter

Cinq longues années se sont écoulées depuis le meurtre de Mike par les forces de polices lausannoises en 2018. Après une attente sans fin, la décision tombe : les assassins seront envoyés au tribunal pour homicide par négligence [1]

Lausanne |

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Mise à jour


Mike Ben Peter était un père de famille, un mari, un frère, un membre du collectif Jean Dutoit ; un homme noir, originaire du Nigéria sans statut de séjour légal en Suisse. Pour l’Etat et la police, il appartenait à ceux qui n’ont pas de droit, il était une proie muette et déshumanisée ; une victime de la violence raciste d’un contrôle qui n’avait que pour but de figurer dans les statistiques criminalisantes de la justice vaudoise [2] . Mais le silence de l’Etat sur les circonstances de sa mort a été remplacé par la colère et la tristesse de celles et ceux qui le connaissaient.

Voici l’un des visages de la brutale réalité du racisme en Suisse :

Le jour-même de la mort de Mike, la police lance sa version mensongère dans les médias : "Juste après son immobilisation, cet homme a fait un malaise et perdu connaissance" et insinue que la victime serait morte d’overdose. S’ensuit la traditionnelle criminalisation posthume de la victime par les médias [3]. Cela a aussi été le cas, trois ans et demi plus tard, pour Nzoy, tué par balle à la gare de Morges à l’heure de pointe.
Tandis que beaucoup de témoins ont assisté à la scène, des versions mensongères ont circulé dans les médias, interprétant le comportement de la victime comme agressif, alors que c’était une personne en détresse. Depuis, certaines vidéos de l’assassinat de Nzoy ont disparu d’internet. Des médias comme le 20 minutes et la RTS refusent de les fournir à l’avocat de la famille. Ainsi, avec ou sans témoins, les médias, main dans la main avec la justice, manipulent la vérité afin de ne pas faire trembler les fondations de l’appareil policier.

Si Mike n’avait pas été membre d’un collectif ou d’une communauté, combien de temps aurait-on mis avant de mettre un nom, un visage sur la victime ? La police aurait-elle même rendu l’affaire publique ? Combien de temps sa femme et ses enfants auraient-iels mis à apprendre son décès ? Qui aurait contacté un avocat ? Quelle aurait été la version officielle aujourd’hui ? Sans lutte et manifestation, qui aurait relaté une autre réalité que celle de la police et des médias ?

Il est certain que sans toute cette énergie et cette solidarité, le meurtre de Mike n’aurait été qu’une affaire classée sans suite pour ses assassins. Mais malgré cela et alors que l’avocat de Mike a plaidé pour homicide intentionnel par dol éventuel [4], la qualification d’homicide par négligence a été retenue. Encore un exemple de l’éternelle complaisance accordée aux forces de l’ordre par le Ministère Public.

Ainsi, celui-ci nie la violence destructrice infligée délibérément à Mike, une ratonnade, une mise à mort en bande, pourtant attestée par les faits et le rapport d’autopsie. Le 28 février 2018 aux alentours de 23 heures, Mike Ben Peter est tué par la police lors d’un contrôle à 2 pas de la gare de Lausanne. Avant de mourir d’un arrêt cardiaque sous le poids de six personnes (pour un total d’environ 300 kilos), Mike s’est fait frapper. Le rapport d’autopsie révèle des contusions sur tout son corps et sur son visage, plusieurs côtes cassées et témoigne de coups dans les parties génitales. Ce n’était pas seulement un contrôle de police et un plaquage ventral qui a mal tourné : ce sont six policiers qui ont ôté la vie de quelqu’un pour se défouler. Une témoin de la scène racontait avoir entendu des cris "de souffrance (...) Avec une détresse incommensurable dans la voix (...) des hurlements de douleur".

Nous ne faisons pas confiance à la police et à son rapport. À chaque fois que la police assassine, les altérations de preuves, les collusions et autres magouilles sont tristement banales.
Dans le cas de Hervé Mandundu, tué par balle en 2017 à Bex, l’ambulancier a permis d’attester que le corps avait été déplacé et que les policiers avaient essuyé partiellement du sang avant l’arrivée des secours. Un voisin a témoigné avoir vu les policiers prendre de longues minutes pour se concerter avant d’appeler les secours [5].
Dans l’affaire de Mike, sans surprise, la défense de la police plaide l’acquittement en se basant sur une négation de la réalité, en insinuant que Mike aurait pu mourir même sans cette intervention.
Un discours qui ne parviendrait à convaincre que les plus malhonnêtes. Ils osent affirmer que la compression d’un individu par 6 flics n’a eu aucun rôle dans sa mort. Face à cette infamie, à Lausanne, comme ailleurs dans le monde, le consensus politique est en train de se détourner de cette pratique mortelle dont l’interdiction va être soumise à la votation au niveau municipal [6].

Les cinq années qui ont passé ont servi à la défense des meurtriers, qui utilisent la tactique de l’oubli : cela leur permet de noyer l’affaire en invoquant un souvenir flou et de faire valoir qu’ils ont été exemplaires depuis. Car oui : les policiers sont restés en fonction tout au long de ces cinq années et exercent encore aujourd’hui.

En dépit d’un chef d’accusation - homicide par négligence - qui pour nous, ne rend pas compte de la brutalité délibérée des policiers, nous souhaitons reconnaître l’importance de cette étape du combat menée par la famille et les proches de Mike en faveur de la dignité et contre la mort. Cette force mérite d’être saluée, respectée et chérie.

Le combat pour la vérité continue. Les policiers qui ont tué Mike peuvent encore être acquittés comme l’a été l’assassin d’Hervé qui a, en prime, touché des dédommagements considérables pour ses frais de justice.

Dans l’attente de connaître les dates du procès qui devrait se dérouler durant le mois de mai ou de juin et de nous mobiliser en conséquence, nous vous invitons à être nombreu.se.x.s le 1er mars 2023 afin de commémorer les cinq ans de la mort de Mike et d’honorer sa mémoire dans les rues de Lausanne !

Pour la vérité !
Contre les violences policières !
Mike Rest In Power !
On ne t’oublie pas !

Signataires :

Collectif Kiboko, Collectif Jean Dutoit, Outrage collectif, Justice 4 Nzoy, Collectif Amani, Collectif Afro-Swiss, Action Antifasciste Lausanne, Action Antifasciste Genève, BDS Lausanne, Les Foulards Violets, Parlons Prisons, Collectif Sud Global, Portail d’information RMMAGE, Le Silure

English Version

Five long years have passed since the murder of Mike by the Lausanne police force in 2018. After an endless wait, the verdict is in : the killers will be sent to court for negligent homicide [7].

Mike Ben Peter was a family man, a husband, a brother, a member of the Jean Dutoit collective ; a black man, originally from Nigeria with no legal residence status in Switzerland. For the State and the police, he belonged to those who have no rights, he was a mute and dehumanized prey ; a victim of racist violence of a control whose only goal was to appear in the criminalizing statistics of the Vaud justice system [8]. But the silence of the State on the circumstances of his death has been replaced by the anger and sadness of those who knew him

This is one of the faces of the brutal reality of racism in Switzerland :

On the very day of Mike’s death, the police launched their false version in the media : "Just after his immobilization, this man fainted and lost consciousness" and insinuated that the victim had died of an overdose. This is followed by the traditional posthumous criminalization of the victim by the media [9]. This was also the case, three and a half years later, for Nzoy, shot dead at the Morges train station during rush hour. While many witnesses witnessed the scene, false versions circulated in the media, mentioning a knife, an aggressive victim. Since then, most of the videos of Nzoy’s murder have disappeared from the internet. Thus, with or without witnesses, the media, hand in hand with the justice system, manipulate the truth so as not to shake the foundations of the police apparatus.

If Mike had not been a member of a collective or a community, how long would it have taken to put a name and a face to the victim ? Would the police have even made the case public ? How long would it have taken his wife and children to learn of his death ? Who would have contacted a lawyer ? What would have been the official story today ? Without the struggle and protest, who would have reported anything other than the police and the media ?

It is certain that without all this energy and solidarity, Mike’s murder would have been a cold case for his killers. But in spite of this, and while Mike’s lawyer pleaded for intentional homicide by « dol éventuel » [10] , the charge of negligent homicide was retained. Another example of the eternal complacency granted to the police by the Public Prosecutor’s Office.

Thus, it denies the destructive violence deliberately inflicted on Mike, a ratonnade, a gang murder, yet attested by the facts and the autopsy report. On February 28, 2018 at around 23 hours, Mike Ben Peter was killed by the police during a control 2 steps from the train station in Lausanne. Before dying of cardiac arrest under the weight of six people (for a total of about 300 kilos), Mike was beaten. The autopsy report reveals bruises all over his body and face, several broken ribs and evidence of blows to his genitals. It wasn’t just a police stop and tackle that went wrong : it was six police officers taking someone’s life as a way to blow off steam. A witness of the scene said she heard cries of "pain (...) with an unbearable distress in the voice (...) screams of pain".

We do not trust the police and their report. Every time the police murder, the tampering with evidence, collusions and other schemes are sadly commonplace.
In the case of Hervé Mandundu, shot and killed in 2017 in Bex, the ambulance driver allowed to attest that the body had been moved and that the police had partially wiped blood before the arrival of the rescue. A neighbor testified that he saw the officers take long minutes to confer before calling 911. [11]
In Mike’s case, unsurprisingly, the police defense is arguing for acquittal, based on a denial of reality, insinuating that Mike could have died even without the intervention.
A speech that would convince only the most dishonest. They dare to assert that the compression of an individual by 6 cops had no role in his death. Faced with this infamy, in Lausanne, as elsewhere in the world, the political consensus is turning away from this deadly practice, the banning of which is going to be submitted to a vote at the municipal level. [12]

The five years that have passed have served the defense of the murderers, who use the tactic of oblivion : it allows them to drown the case by invoking a vague memory and to argue that they have been exemplary since. Because yes : the police officers remained on duty throughout those five years and are still on duty today.

Despite a charge - negligent homicide - that we do not believe captures the deliberate brutality of the police officers, we wish to recognize the importance of this stage of the struggle by Mike’s family and loved ones for dignity and against death. This strength deserves to be saluted, respected and cherished.

The fight for truth continues. The police officers who killed Mike can still be acquitted, as was Hervé’s killer, who also received considerable compensation for his legal fees.

While waiting to know the dates of the trial which should take place during the month of May or June and to mobilize ourselves accordingly, we invite you to be numerous on March 1st 2023 to commemorate the five years of Mike’s death and to honor his memory in the streets of Lausanne !

For the truth !
Against police violence !
Mike Rest In Power !
We don’t forget you !

Signatories :

Kiboko Collective, Jean Dutoit Collective, Outrage Collective, Justice 4 Nzoy, Amani Collective, Afro-Swiss Collective, Action Antifasciste Lausanne, Action Antifasciste Genève, BDS Lausanne, Les Foulards Violets, Parlons Prisons, Sud Global Collective, RMNAGE’s Information portal, Le Silure

Agenda

Manifestation en hommage à Mike Ben Peter

 mercredi 1er mars 2023  17h30 - 20h00
 mercredi 1er mars 2023
17h30 - 20h00
 Lausanne ,

 

Place de la Riponne

Soirée en hommage à Mike Ben Peter

 samedi 11 mars 2023  20h00 - 04h00
 samedi 11 mars 2023
20h00 - 04h00
 Espace Autogéré,

 

Rue César-Roux 30
1005 Lausanne

Notes

[1Art. 117 1. Homicide / Homicide par négligence : celui qui, par négligence, aura causé la mort d’une personne sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire. Négligence : Omission de faire ce qu’une personne raisonnable et prudente aurait fait dans la même situation

[2Car le racisme dans la police, au-delà des mots, ce sont aussi des actes. Le travail qui est demandé aux agents pousse au profilage racial, explique Damien. « Notre performance se mesure avec des statistiques. On doit avoir une prise sur l’insécurité, mais comment la comptabiliser ? Une des façons de le faire, ce sont les arrestations. S’il y a par exemple 400 dépôts de plaintes pour agressions et 600 arrestations, on peut mettre ces chiffres en avant, même si les arrestations n’ont peut-être aucun rapport avec les plaintes en question. » https://www.heidi.news/explorations...

[3l’article du 20min datant du 1.03.2018 : https://www.20min.ch/fr/story/il-fa...

[4Dol éventuel (le) : Faute de celui qui prend délibérément le risque de causer un dommage à autrui sans pour autant avoir voulu que le résultat dommageable se produise.
La justice sanctionne le dol éventuel nettement plus sévèrement que la négligence, puisqu’elle y associe le fait que la personne avait conscience du risque encouru même si le contrevenant ne souhaitait pas l’occurrence de l’accident.

[7Art. 117 1. homicide / negligent homicide
Homicide by negligence : Whoever, by negligence, causes the death of a person shall be punished by deprivation of liberty for a term not exceeding three years or by a pecuniary penalty. Negligence : Failure to do what a reasonable and prudent person would have done in the same situation.

[8Because racism in the police, beyond words, is also acts. The work that is asked of officers pushes for racial profiling, explains Damien. "Our performance is measured with statistics. We need to have a grip on insecurity, but how do we count it ? One way is through arrests. If there are, for example, 400 assault filings and 600 arrests, we can put those numbers out there, even though the arrests may have nothing to do with the complaints in question."
https://www.heidi.news/explorations...

[9the 20min article from 1.03.2018 : https://www.20min.ch/fr/story/il-fa...

[10Dol éventuel : The fault of one who deliberately takes the risk of causing harm to another without having intended the harmful result to occur.
The law punishes contingent fraud much more severely than negligence, since it requires that the person was aware of the risk involved even if the offender did not want the accident to happen.

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