Répression - Enfermement Violences policières Racisme

Se divertir contre - Episode III : Violences racistes, ségrégation et colonialisme

En ces temps post-confinement mitigés et incertains, on est sommé.es de faire notre possible pour permettre un “retour à l’anormal”, qu’il s’agisse de recommencer à consommer comme avant, ou de retourner au charbon (pour celleux qui ont un taf), dans tous les cas de redevenir un rouage efficace et serviable de la société industrielle - ou de rester bien à la marge pour ne pas la gêner. Et le divertissement (qui n’est pas gratuit) nous est aussi proposé comme solution pour encaisser l’absurde de cette situation. Mais si, au lieu de nous divertir pour décompenser, on se divertissait pour s’armer ? Episode III sur les violences racistes, la ségrégation et le colonialisme.

Cet épisode prolonge et complète le précédent, qui parlait des violences d’État, particulièrement de la part de la police et de l’armée [1]. Mais il le précède dans ce qui est de comprendre les racines et raisons de la colère - et de la réponse de l’État : répressions et enfermements. Toujours dans l’idée de parler de films accessibles et “grand public”, forcément liés à la production cinématographique occidentale, le but est, non pas de parler de tout, mais bien de ce qui nous concerne et dans ce quoi on baigne : des sociétés industrielles impérialistes dont les racines plongent dans la violence de l’histoire coloniale sur laquelle ellles se sont bâties.

Il ne s’agit pas d’avoir conscience de l’histoire (un devoir de conscience bien trop muséal), mais bien de comprendre que le présent est héritier de cette Histoire en ce qu’elle lui a donné naissance et le contraint, le conditionne toujours au quotidien. On comprend dès lors mieux la pertinence de tout ce qui touche au déboulonnage de statues et autres volontés de se départir des “hommages” au passé qui pèsent lourdement dans un présent bien loin de se remettre en question si on ne lui tend pas de force un miroir devant la gueule. Les quelques films ci-dessous peuvent être un moyen d’y contribuer en se divertissant contre.

Pour regarder ces films gratuitement, il y a plusieurs possibilités (mais protégez-vous avec un VPN si possible, gratuit avec riseup ou calyx)

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Dans leurs regards / When they see us (2019)

Un soir d’avril 1989 à Central Park. Une trentaine d’ados, noirs et latinos, se rendent au parc pour profiter d’une soirée entre eux, loin des contraintes familiales et scolaires. Mais tout se gâte sérieusement quand la police débarque et les pourchasse sans raison apparente. Les gamins tentent de fuir, mais ceux qui sont arrêtés se retrouvent vite isolés au poste de police et accusés d’avoir violenté et violé ce soir-là une joggeuse blanche. L’affaire est prise en main par une procureure qui y voit l’occasion de partir en guerre contre les violences faites aux femmes. Persuadée d’avoir sous la main les vrais coupables, des enfants non-blancs dans lesquels elle voit des animaux sanguinaires, elle donne carte blanche aux policiers pour qu’ils fassent ce qu’il faut et que les enfants passent aux aveux et soient condamnés. Peu importe que leurs témoignages, contradictoires, découlent de violences psychologiques et physiques, de chantages et d’abus de pouvoir.

Ava DuVernay, réalisatrice et scénariste afro-américaine engagée, nous sert une adaptation en 4 épisodes de l’histoire vraie des “Cinq de Central park”, une affaire criminelle qui avait déchaîné les passions à l’époque en cristallisant la soif de sensationnel de médias qui en font le crime du siècle en la montant en épingle, les pulsions racistes et réactionnaires de toute une partie de la population états-unienne [2], et les travers d’une justice blanche qui en vient à faire d’un dossier vide de preuves le procès d’une jeunesse non-blanche dont elle a peur qu’elle ne se soumette pas à la place qu’elle lui assigne [3]. Intense et prenante, notamment grâce à d’impressionnants jeux d’acteurs et d’actrices, c’est une des rares séries sur Netflix qui fasse sens. On ne sort pas indemnes des séances d’interrogatoires policiers et des coulisses d’une justice raciste en guerre contre sa propre population [4].

Do The Right Thing (1989)

À Brooklyn, au jour le plus chaud de l’année. Tandis que Love FM tente d’abreuver constamment le quartier de ses musiques apaisantes, la canicule attise les tensions et les conflits entre les différentes communautés. Mookie, joué par Spike Lee lui-même, est livreur pour la pizzeria italienne du quartier. Les choses se compliquent quand un de ses potes veut la boycotter parce que son “wall of fame” ne contient aucune personne noire. Plus loin, assis toute la journée sur les chaises longues, trois amis noirs médisent sur l’épicerie d’en face, tenue par des asiatiques. La rue d’après, un italien passe près d’un groupe de Noir.es qui s’arrose à la borne d’incendie et se fait mouiller quand il se trouve à portée. De toute part, l’embrouille semble inévitable. La chaleur ne redescend toujours pas, chacun.e vit sa vie et attend le coucher du soleil pour respirer un peu et pour se libérer de ces tensions.

Spike Lee nous offre une comédie oscillant entre le jubilatoire et le dramatique, entre le vraisemblable et le caricatural, et suffisamment ambivalente et complexe pour que l’on ne sache pas toujours à quoi l’on a à faire, ni quoi en penser. C’est d’ailleurs un de ses objectifs que de nous poser face à un dilemme peu évident et révélateur : Mookie a-t-il fait le bon choix (do the right thing) en réagissant comme il l’a fait (“no spoil”) ? Le film ne donne pas de réponse à ces questions, mais nourrit la réflexion de deux citations en guise de conclusion, confrontant Luther King à Malcolm X. Le débat s’ouvre spontanément sans qu’on puisse avoir d’avis tranchés, et c’est une des grandes qualités de ce film.

Les Misérables (2019)

En banlieue parisienne, dans le 93, une équipe de la BAC (Brigade Anti Criminalité) intègre un nouveau membre en provenance d’une petite ville du nord-ouest de la France. Soucieux de bien l’accueillir, l’équipe, en plus de le faire passer par différentes étapes de bizutage, lui montre les aspects principaux de leur métier : contrôles au faciès en dehors de toute procédure, intimidations et humiliations, interventions musclées et magouilles illégales avec des personnalités du quartier. Mais ils se retrouvent rapidement à devoir faire face à une situation compliquée : une personne du quartier a kidnappé le lion du cirque itinérant, et celui-ci, par le biais de ses gros bras, promet une riposte sanglante si personne ne le retrouve. Persuadée d’avoir le coupable sous la main, la BAC foire son arrestation à coup de flashball : une personne reste au sol. Ils remarquent alors que le tout a été filmé par le drone d’un enfant du coin… reste à trouver comment récupérer l’enregistrement alors que la tension monte de tous les côtés.

Ladj Ly met en images toute la complexité de la vie de quartier, où tous (ça reste une histoire de couilles) ont leur part d’ombres tout en étant victimes de leurs situations. On trouve étrange l’idée d’avoir pour porte d’entrée une équipe de la BAC avec laquelle le réalisateur est bien complaisant. Même si eux aussi sont "victimes", ils restent du bon côté du flingue et de la justice [5]. Au final, on retrouve une critique de la police qui semble bien modérée et plate, tout comme est quasi inexistante l’analyse du rôle de l’institution policière et de l’État dans l’histoire des banlieues françaises [6]. On comprend dès lors mieux comment Macron a pu dire, dans une indécente hypocrisie dont il a le secret, qu’il avait été vraiment profondément touché par le film alors qu’il est lui-même un des principaux fossoyeurs des projets de soutiens aux banlieues françaises, et de tout ce qui peut relever de la justice sociale et environnementale [7]

Malcolm X (1992)

Malcolm Litte et son pote Shorty, sortes de jeunes Dandys, vivent de diverses magouilles et souhaitent “profiter” de la vie. La grande gueule de Malcolm et son arrogante assurance lui permettent de rencontrer une personne qui le fait entrer dans un gang. Il y apprend les ficelles du métier et l’argent facile - ainsi que la consommation au sens large (costards, drogues, femmes) - mais s’embrouille avec son mentor et se faire prendre par la police lors d’un cambriolage. Verdict : 8 à 10 ans de prison. Les débuts sont durs vu son insolence, mais il rencontre Baines, qui s’impose rapidement comme son nouveau mentor et l’éduque pendant plusieurs années. Malcolm se converti à l’Islam et devient un discipline d’Elijah Muhammad, leader du groupe Nation of Islam. Débarrassé de son passé et de ses addictions, Malcolm, renommé Malcolm X, devient Imam à sa sortie et met son intelligence redoutable et son verbe aiguisé au service de Nation of Islam. Ses prêches font mouche, ses discours parlent et son charisme rallie du monde. Un peu trop au goût de l’organisation qui voit dans son meilleur et plus fervent élément une menace. De son côté Malcolm découvre l’hypocrisie qui entoure les leaders du mouvement, ce qui remet sa foi en cause, et le pousse à quitter l’organisation pour parler et penser en son nom uniquement, et devenir indépendant politiquement. Il veut dorénavant s’organiser et faire front avec les autres leaders du mouvement des Droits civiques, et s’organiser avec les Blancs qui veulent soutenir la lutte. Mais on ne devient pas impunément indépendant : la CIA le traque de près et ses anciens collègues de Nation of Islam lui veulent du mal. Il continue à nourrir la lutte jusqu’au drame du Ballroom Dancing où il se fait assassiner devant ses amis et sa famille.

Ca n’a que peu de sens de tenter de résumer un film pareil, énorme par l’histoire abordée et par sa durée (193 minutes). On a là un biopic réalisé par Spike Lee, basé sur l’autobiographie que Malcolm X a lui-même écrite avec Alex Haley (voir “Racines”), et sur le projet repris plus tard par James Baldwin, inquiet qu’Hollywood récupère la vie de Malcolm pour en faire un de ses produits [8]. On y aborde l’ensemble de sa vie, sans trop de concessions, que ce soit dans ses jeunes années de gangster nihiliste ou dans ses années en tant qu’adepte sectaire (mépris des femmes, puritanisme moralisateur, haine des Blancs,.), autant d’étapes vers lui-même en tant qu’un des porte-voix majeurs des luttes afro-américaines aux États-Unis, aux côtés de James Baldwin et de Luther King : “Aussi ne suis-je pas ici pour vous parler en tant qu’Américain, en tant que patriote, en tant qu’adorateur ou porteur de drapeau – non, ce n’est pas mon genre. Je m’adresse à vous en tant que victime de ce système américain. Et je vois l’Amérique par les yeux de la victime. Ce n’est pas un rêve américain que je vois, mais un cauchemar américain.”

Selma (2015)

Nous sommes en 1965, aux États-Unis, dans un des moments phares des luttes du mouvement des droits civiques. Ce dernier, qui revendique “simplement” l’application des droits constitutionnels existants aux Afro-américains, organise, entre autres actions, des marches pacifistes qui sont la plupart du temps très durement réprimées par la police et leurs alliés civils blancs. C’est en Alabama, suite à l’assassinat par la police d’un militant noir, qu’une série de marches, de Selma à Montgomery, est organisée par Martin Luther King, un des leaders du mouvement. Son objectif est clair : choisir consciemment des villes hostiles et dangereuses pour se confronter à la répression, secouer l’opinion publique face à tant de violence et d’injustice, et mettre le président face à ses responsabilités pour qu’il fasse appliquer ce qui est déjà inscrit dans la loi.

La réalisatrice Ava DuVernay, afro-américaine qui a réalisé “When they see us”, nous propose un des rares films sur le sujet : un rapport de force qui mena à l’adoption de lois interdisant les discriminations raciales, notamment celles empêchant aux Noir.es de voter. Il prend d’ailleurs la forme d’un hommage au personnage, quitte à le mettre au centre tout en l’épargnant de certaines critiques existantes à son égard. Mais ça n’enlève rien à l’importance du film, et à ce qu’il apporte dans la compréhension de la vie et les luttes des non-blanch.es pendant la ségrégation aux États-Unis. D’ailleurs, raconter King en tant que stratège politique [9] est des plus intéressants dès lors qu’il permet de contrer la version historique dominante, faite par les Blancs et pour les Blancs, où il se retrouve pacifié, simplifié, neutralisé... [10]

12 Years a Slave (2018)

Aux États-Unis, en 1841, une vingtaine d’années avant la Guerre de Sécession qui opposa le Nord et le Sud et mena à l’abolition de l’esclavage, certains États ont interdit la ségrégation raciale, tandis que d’autres la pratiquent toujours et en font leur fortune. Solomon Northup est un Afro-Américain libre vivant dans l’État de New-York avec sa famille. Charpentier et violoniste de talent, il se fait un jour approcher par deux hommes blancs qui lui proposent de l’engager pour jouer dans leur spectacle, contre un bon salaire. Mais un matin, après une soirée bien arrosée avec ces deux personnes, Solomon se réveille enchaîné dans une cellule, en partance pour le Sud où il sera vendu comme esclave. Il se retrouve privé de tout, exploité dans la culture du coton, à la merci des désirs de Maîtres blancs tantôt bienveillants avec un paternalisme religieux des plus hypocrites, tantôt avides de pouvoir et de violence, brûlant intérieurement de leurs indigestes contradictions.

Steve McQueen, réalisateur afro-britannique (qui a aussi réalisé “Hunger”), adapte les mémoires écrites par le vrai Solomon Northup à qui des Blancs volèrent la liberté pour en faire un esclave pendant douze ans. Son film nous immerge dans la violence crue du quotidien des esclaves Noir.es dans les plantations de coton, un quotidien où les hiérarchies s’entrechoquent, abîment les solidarités, piègent les espoirs, où le fouet mate, soumet, détruit et tue. Des scènes mémorables et marquantes, lourdes et cruelles, où chacun.e essaie de survivre et de trouver comment jouer dans le peu de marge qu’il lui reste pour continuer malgré tout à vivre. On peut seulement regretter le biais “the hero problem”, où l’on croit parler de l’esclavage alors que le film parle, lui, d’un individu isolé qui a pu finalement en réchapper après douze ans, alors que cela a duré plus de 200 ans et tué des millions de Noir.es. Et on se serait aussi bien passé du rôle a priori accessoire mais symboliquement symptomatique de Brad Pitt (financeur du film) en tant que Blanc pétri de justice et d’égalité.

Roots/Racines (1977)

Roots est un téléfilm états-unien qui met en récit l’histoire de la traite négrière et de l’esclavage à travers le personnage de Kunta Kinte, et de ses descendant.es, mandingue enlevé sur ses terres ancestrales en 1750 pour être vendu comme esclave en Amérique du Nord. Kunta et d’autres tentent de résister aux esclavagistes en organisant une mutinerie mais l’Homme blanc a la puissance de son côté et les navires négriers prennent la mer. Les conditions d’enfermement sont atroces et l’enfer ne fait que commencer pour Kunta et ses descendant.es. Vendu à un planteur de tabac, qui le rebaptise Toby, Kunta survit à travers sa pratique du violon et ses espoirs – vains et coûteux – d’évasion. Des espoirs et une insoumission qu’il tente de transmettre à ses descendant.es malgré les séparations, mutilations, reventes et disparitions qui ponctuent la vie de toute « marchandise ».

Autant le dire tout de suite, malgré ses airs “old school” nous rappelant la famille Ingals (mais n’enlevant rien à la violence de ce qui se vit), Roots est un monument des plus marquants et une des plus importantes contributions cinématographiques sur ce sujet. Réalisé par Alex Haley, Afro-Américain et descendant de Kunta Kinte, Roots adopte, sans concession et sans euphémisme, le point de vue des Noir.es dans ce que fut leur vie au quotidien, leurs souffrances, mais aussi et surtout leurs marges de manoeuvre et espaces de luttes, tout ce qui fut mis en place pour ne pas être “que” victimes, mais bien résister d’une infinité de manières possibles aux violences des Blanc.hes et des États racistes. Une fresque socio-historique puissante, intelligente et majeure dont on ne ressort pas indemne.

The Hate U Give (2019)

Tout commence avec un dialogue entre un père et ses enfants. Il leur explique qu’illes doivent bien se rappeler comment se comporter dès lors qu’illes auront à faire à la police. Car, qu’illes aient ou non quelque chose à se reprocher, cela arrivera et ce sera dangereux, pour eux, les Noir.es, et ça ne sera pas de leur faute. Nous sommes au États-Unis et Starr a neuf ans à ce moment-là. Des années plus tard, elle rentre d’une soirée avec un ami d’enfance, Khalil. Il la ramène en voiture, mais ills subissent un contrôle routier de la part de la police. Khalil n’a pas intégré les mêmes réflexes de soumission et, tandis qu’il attend debout dehors de sa voiture, il n’hésite pas à parler avec son amie, tout en cherchant à se recoiffer. Le flic, qui, lui, a intégré tous les réflexes du racisme ordinaire, croit voir une arme et le tue. Starr a 16 ans et se retrouve seule témoin d’un meurtre policier. Et là s’entrechoque sa volonté de pouvoir s’intégrer dans le lycée privilégié et blanc où elle travaille durement, les menaces du gang de trafiquants locaux qui ont peur de ce que son témoignage peut révéler et ce qu’implique le fait de faire appel à une Justice qui lui semble ne pas vouloir inculper les coupables.

Un film intense et complexe, abordant brillamment dans un même récit les différents aspects et conséquences du racisme ordinaire (entre ce qu’implique de s’intégrer dans un milieu blanc et privilégié quand on vient du ghetto et qu’on “doit” le cacher, et les incompréhensions de ses potes blanc.hes pris.es dans leurs privilèges) et du racisme structurel (des meurtres policiers réguliers à la justice bourgeoise, de la ghettoïsation des Noir.es dans des quartiers pauvres à leur criminalisation). Il est tiré d’un roman du même nom, écrit suite au meurtre d’Oscar Grant à Fruitival Station [11].

L’ordre et la morale (2011)

Nous sommes en Nouvelle-Calédonie (Océanie). Le pays, ancienne colonie française devenue un territoire d’outre-mer, est tiraillé entre opposant.es et partisan.nes d’une indépendance véritable. Le conflit, qui devient armé dans les années 80 alors que la France encourage les Blanc.hes a émigrer pour minoriser les Kanaks, culmine en 1988 lorsqu’un groupe d’indépendantiste kanaks prend en otage des gendarmes français et se réfugie dans une grotte cachée dans la jungle. La France envoie son élite militaire (GIGN, armée de terre, commandos.) pour régler le problème rapidement, entre les deux tours de l’élection présidentielle. Mais le capitaine du GIGN est aussi pris en otage,et devient médiateur d’une situation de montées en tension inextricable entre le Gouvernement Mitterrand qui défend ses intérêts électoraux, l’armée de terre qui veut rentrer dans le tas,et le groupe indépendantiste qui espérait créer une situation insurrectionnelle mais se voit lâché par son bureau politique. Il a 48 heures pour trouver une solution avant que l’armée ne donne l’assaut...

Un film de et avec Mathieu Kassovitz dans le rôle principal. Intéressant de par le sujet abordé et de ce qu’il raconte des magouilles de l’État français, ce thriller politique haletant n’a forcément eu que peu de soutien des autorités françaises, des médias et du public. Il ne fut pas pour autant soutenu par une partie de la population kanake et - même si c’est prévisible - le fil rouge et personnage central du film reste un gentil blanc, héros maltraité face à une horrible situation qui le scandalise mais dont il s’échappe dès que l’hélicoptère le ramène à la Métropole. Mais le point de vue situé est plutôt assumé et ça ne lui enlève cependant pas le mérite d’essayer de contrer l’histoire nationale officielle d’un État colonial et impérialiste qui persiste à écraser pour feindre l’Unité [12].

Ma 6-T va crack-er (1997)

En région parisienne, à la fin des années 90, dans le quotidien de ceux qu’on appelle "jeunes de quartier", l’ennui, la précarité et le chômage dans ce quartier de banlieue font d’une soirée hip-hop un évènement très attendu. Mais entre les habituelles embrouilles et les conflits de bandes armées, la soirée ne se passe pas comme prévu. Désabusés et sans illusion sur leurs conditions de vie, ils laissent la violence exploser à la moindre étincelle, comme autant d’exutoires à leur absence d’avenir possible. Energies automutilatrices comme le dit la Rumeur [13], elles vont se retourner contre la police quand celle-ci assassinera un habitant du quartier en intervenant lors de cette soirée.

Une sorte de réalisme social qui montre, par le biais d’acteurs amateurs jouant leurs propres rôles, comment un quotidien fait d’inégalités raciales et de violences économiques, sociales, physiques, ne peut que produire plus de violences. Le réalisateur n’en fait pas des victimes ni des anges : ils sont conscients de leurs actes, tout comme ils savent en imputer la responsabilité au système qui les opprime. Une bande originale culte de pionniers du rap français appelant à la révolte des quartiers contre l’État bourgeois et sa police [14]. Une scène finale absolument marquante, imposant son ambivalence entre l’inefficacité de la confrontation et son impérieuse nécessité.

Blindspotting (2018)

Collin vit à Oakland (USA) et a encore trois jours de probation à faire avant d’être en liberté conditionnelle. Il travaille avec Miles, un de ses potes d’enfance, dans une entreprise de déménagement. Un soir, bloqué à un feu rouge et alors qu’il lui reste peu de temps pour rentrer avant le début du couvre-feu, il voit un flic blanc courir après un Noir, s’arrêter, sortir son flingue, et tirer plusieurs coups de feu... la vie continue, mais ce trauma le hante et il sait que s’il fait quoique ce soit de répréhensible durant ces trois derniers jours, il retourne en prison. Plus facile à dire qu’à faire avec un pote comme Miles, entre sa capacité à s’embrouiller avec tout le monde et ses affaires louches et pourquoi s’est-il acheté ce flingue ?

Un scénario écrit par les deux acteurs principaux, réellement potes d’enfances, qui voulaient parler de leur ville à travers les questions de violences policières, de racisme et de gentrification. On se retrouve avec une comédie savoureuse, autant drôle et mythique dans ses scènes et ses punchlines, que capable d’aborder intelligemment des sujets sérieux et graves. Un équilibre vraiment bien géré, sans tomber dans le drame trop cliché ou la fausse et niaise légèreté. On reste les pieds au sol, bien ancrés dans les réalités vécues, leurs langages et leurs perceptions du monde. Entre la “soirée hypster” qui part en vrille et le freestyle intense de Collin flingue à la main, on passe par tous les états et on en redemande.

American Son (2019)

Il est 4 heures du matin et nous sommes dans un salon à l’arrière d’un commissariat de police aux États-Unis. Kendra n’a plus eu de nouvelles de son fils Jamal depuis la veille au soir. Elle fait face à un jeune flic blanc, sans trop d’expérience, qui oscille entre “gentillesse” et temporisation, sans pouvoir lui donner toutes les informations, question de protocole. La communication est compliquée. Son ex-mari et agent au FBI la rejoint plus tard et illes se retrouvent les deux à attendre. Alors se mêlent inquiétudes présentes, histoires passées, reproches et culpabilités. Désaccords et conflits, incompréhensions insolubles sur ce que veut dire éduquer et grandir en tant que Noir aux USA. Car son mari est un Blanc et il ne fait pas, lui, comme Kendra, de cauchemars où son fils noir se fait arrêter par des flics, et que cela se passe mal, comme pour tant d’autres chaque année.

Une adaptation par Netflix d’une pièce de Broadway qui peine à démarrer tant le début du film est poussif et fait penser à une scène mal adaptée de “En attendant Godot”. Mais un huis clos, entre quatre protagonistes, qui aborde, dans des échanges continus (entre une femme noire et son ex-mari blanc, entre cette même femme et un flic noir), les questions du racisme, du privilège blanc et des rapports de genre, du rôle de la police, du rôle des parents, par le biais d’une multitude d’exemples concrets auxquels s’identifier. Des “dialogues de sourds” révélateurs des positions situées de chacun.e, des regards croisés qui se confrontent à la question fondamentale : faut-il apprendre à son fils à survivre en faisant le dos rond, ou à revendiquer les droits qui sont les siens ?

Hurricane Carter (1999)

Aux États-Unis, en 1966, Rubin Hurricane Carter est reconnu comme un futur champion de boxe. Mais un soir une fusillade éclate dans un bar, des personnes sont tuées et, malgré la faiblesse des preuves, des Noirs, dont Rubin, sont sur le banc des accusés pour plusieurs meurtres. Condamné à la perpétuité, Rubin se décide à écrire sa version de son récit et de sa vie, une manière de survivre derrière les barreaux. Lesra, un adolescent noir vivant au Canada, va lire son autobiographie et, convaincu de son innocence, va se lancer dans une campagne publique pour faire pression sur l’État et tenter de réouvrir l’enquête.

Sans forcément critiquer les libertés prises dans l’écriture du scénario - qui vont parfois à l’encontre des faits ou se centrent trop sur les “Canadiens” au détriment de l’affaire politique et juridique - on regrette surtout les omissions ou sous-entendus faits dans le film, apparemment dans le but de dépeindre Carter comme quelqu’un de bien, uniquement. Autant d’éléments qui en deviennent contre-vérités, comme s’il était nécessaire d’être irréprochable pour être innocent, comme si, à l’inverse, le fait d’avoir commis des délits par le passé le rendait moins innocent du crime pour lequel on l’a condamné à tort. En ne restituant pas ce qu’était vraiment la vie de Carter, on se retrouve avec une “bonne intention” d’un réalisateur blanc qui contribue pourtant à renforcer le préjugé profondément discriminant qui veut qu’une injustice soit encore pire si l’on est quelqu’un de bien. Mais malgré tout une histoire forte et vraie qui dénonce les violences du racisme d’État, de sa justice et de son milieu carcéral.

Queen and Slim (2020)

Après un premier rendez-vous Tinder bancal, Slim raccompagne Queen. Iels se font arrêter pour une absence clignotant. Iels sont noir.e.s, le policier est blanc. Lorsque ce dernier use de sa position d’autorité pour humilier et menacer Slim, Queen, avocate, s’interpose. Elle veut le filmer, le flic lui tire dessus. Slim le désarçonne, récupère l’arme tombée et, paniqué, tire. Sous le choc, Slim pense d’abord amener le policier à l’hôpital mais Queen, consciente que la justice blanche ne sera jamais de leur coté, le force à fuir. Iels s’élancent alors dans un road trip haletant, de l’Ohio à Miami, au cours duquel ils apprennent à se connaître.

Pour son premier film, la réalisatrice, nous offre le portrait d’un couple moderne, Bonnie and Clyde malgré eux, et d’une Amérique où être noir.e représente encore un danger de mort. Le film s’applique à déconstruire nos préjugés manichéens surtout à travers la galerie de personnages secondaires, alliés ou ennemis du couple en cavale. On pourrait cependant regretter un penchant pour une certaine romantisation stylisée de la rébellion, transformant le duo en icônes, alors que dans la vraie vie il est beaucoup moins glamour d’être poursuivi par la police pour ce que l’on est.

Rubrique “Ca existe mais vous êtes pas obligé.es”

Roots (2016)

Remake récents de la série du même nom réalisée en 1977, elle en reprend les grandes lignes (voir ci-dessus) tout en essayant d’y porter un regard plus contemporain. Mais voilà, faire un remake d’une série si marquante et intense, c’est déjà un défi de taille, et c’est aussi se demander si c’est vraiment utile (!) plutôt que de créer du contenu nouveau, apporter un autre éclairage intéressant, sur ces sujets. Mais faire un remake de l’entièreté de ce monument en seulement quatre épisodes, ça semble vraiment absurde tant la tâche ne peut qu’avoir peu de sens. On se retrouve avec une série où le tout est tellement expéditif que, plutôt que de résumer l’originale, elle la coupe, la simplifie et tente de rattraper le coup avec un casting impressionnant. Mais elle ne lui arrive vraiment pas à la cheville - et l’ancienne en ressort encore plus brillantissime. Pris dans une perpétuelle course en avant - saccadée par d’étranges transitions - bien trop lisse et bien trop propre, on peine à s’immerger, à être empathique et finalement à comprendre le peu de densité et de complexité que la série tente de nous raconter. La saga familiale se résume à un éternel et très rapide “rencontre - couple - bébés - séparations” qui évacue tout ce qui faisait la puissance de la transmission à travers les générations de ces racines si importantes à la survie. Et nous voilà déjà au bout, sans avoir eu le temps d’être marqué par ces personnages, reste un vague récit... et l’envie de revoir l’originale.

Django Unchained (2013)

Aux États-Unis, en 1858, environ deux ans avant la guerre civile. Un allemand chasseur de prime, Dr Shcultz, libère un esclave noir, Django, pour qu’il l’aide à coincer ses trois prochaines cibles dont seul Django connaît le visage. Le contrat exécuté, Schultz propose à Django de faire équipe en tant que chasseur de prime. Celui-ci accepte, avec pour objectif d’amasser assez d’argent pour retrouver sa femme et la racheter à son propriétaire blanc.

Un défouloir qui peut être plaisant mais avant tout un film long, convenu et autocomplaisant, malgré quelques mérites de principes (aborder la question de la vengeance, le cowboy solitaire à la gâchette habile est un Noir, parler de l’esclavage dans un blockbuster destiné au succès,..) . Mais un Noir qui prend sa revanche grâce à, à l’aide et sous la tutelle du Blanc allemand, une histoire de flingues et de grosses couilles, les seules femmes du film étant la princesse à sauver, la soeur intendante ou la Noire ménagère de maison. Un exemple parmi d’autre du goût de Tarantino pour des récits qui prennent leur revanche sur l’Histoire quitte à ce que soit à son détriment - à l’image du pitoyable Inglorious Basterds - mais une fois l’exutoire passé, pour ne pas dire consommé, qu’en reste-il ? Pas grand chose, et encore moins un prétendu hommage à Sergio Leone [15].

Kings (2018)

A Los Angeles (USA), dans les années 90, au moment où le procès des flics qui ont tabassé Rodney King a lieu. Millie, mère célibataire, a à sa charge plusieurs enfants qu’elle compte adopter et dont elle s’occupe avec attention. Mais la situation se complique pour elle lorsque des émeutes éclatent suite à l’acquittement des flics et que la ville devient dangereuse pour tout le monde, y compris ceux de ses enfants qui s’y sont rendus.

La réalisatrice franco-turc prend pour fil rouge l’inévitable romance qui ne semble servir qu’a insérer des scènes de tensions sexualisées dans le film, sans compter des scènes absurdes comme celle des enfants devant le fastfood B***** K**** ou jouant aux Molotov, ou celle du lampadaire comme scène de flirt de deux superstars en sous-vêtements. Mais on a surtout des émeutes raciales passant pour des déchaînements de pillages et de violences aveugles, voire suicidaires, se résumant à avoir pour prétexte l’acquittement des policiers. Le tout en devient un chaos, tel une catastrophe naturelle qu’on attend qu’elle passe, dans lequel les acteurices principaux/les courent à gauche ou à droite, et vivent leur vie (retrouver des enfants, soigner un ami blessé, se libérer de menottes.). A nouveau le contexte politique sert de décors à des ficelles scénaristiques convenues et inintéressantes, évacuant l’importance d’une compréhension des enjeux politiques de ce qui se jouait et se joue actuellement dans les politiques de ségrégation spatio-raciale de l’État, l’impunité d’une police raciste et violente, et d’une Justice au service des classes possédantes blanches et de ses garde-fous policiers. De tout cela, il reste quand même des images d’archives des plus intéressantes sur l’affaire Rodney King, le jugement et les révoltes qui ont suivi.

Lincoln (2013)

Aux États-Unis, en 1865. Cela fait deux ans qu’Abraham Lincoln, 16e président, a fait sa Déclaration d’émancipation. Alors que la Guerre de Sécession semble être sur le point de se terminer, Lincoln tente à tout prix de faire voter avec succès le 13e amendement abolissant l’esclavage et la servitude involontaire. Il est convaincu que si la paix est signée entre le Nord et le Sud avant son adoption, sa Déclaration d’émancipation sera abandonnée et que le retour des États esclavagistes dans le débat empêchera toute loi abolitionniste d’entrer en vigueur, engendrant ainsi le retour de l’esclavage.

Un film politico-épique fait par des Grands Hommes Blancs (réalisation, acteurs, musiques,.), intéressant et instructif si l’on a le goût des histoires des Grands Hommes (blancs et politiciens) et des coulisses feutrées des lieux de pouvoir. Et sinon, il reste des grandes dates, des grands discours et des grands évènements qui prétendent résumer l’histoire, et, par là, la simplifie, la découpe, pour en garder le bestseller et l’idolâtre. Il se conclut par un discours sur la paix des Nations sans, à aucun moment, inscrire cet évènement dans ce sur quoi il déboucha : l’abolition de l’esclavage, sauf en tant que punition pour des personnes coupables de crimes. Autrement dit, à ce moment-là commençait la longue histoire de la criminalisation massive des Noir.es par la ségrégation raciale, l’incarcération massive et le meurtre, le tout étant constitutif de la société états-unienne, de son État et de sa justice [16].

Qu’Allah bénisse la France (2014)

Dans une cité de la ville de Strasbourg, Régis et ses potes tentent de réaliser un de leurs rêves : faire un groupe de rap. Entre petites magouilles, débrouilles, et quotidiens de Cité, ils avancent comme ils peuvent. Mais leur projet commun va être remis en question par les parcours et casseroles de chacun.

Un film d’Abd Al Malik, qui adapte son autobiographie pour raconter sa vie et prétend reprendre le flambeau de La Haine. Mais mise à part une photographie noir et blanc bien classe (réalisée par le chef opérateur de La Haine justement), on ne voit pas trop d’autres qualités à ce film. Mais ce n’est pas forcément surprenant quand on se rappelle que l’artiste fait avant tout du rap de "grand frère" dans le sens le plus moralisateur et, surtout, le plus jugeant du terme. Ainsi, la drogue c’est mal, l’argent sale c’est... sale, lire des livres c’est bien, se convertir c’est pouvoir juger les autres. Et l’acteur principal ne se gêne pas de juger frontalement ses potes et sa famille comme s’il avait des leçons à donner (la première scène dans le fourgon est surréaliste.). Mais surtout, à travers tout le film, fait de scènes niaises, naïves ou carrément ambigües, il se pose en exemple de réussite, en illustration des "bons choix" à faire pour s’intégrer, en voie à suivre pour devenir "républicain" et patriote. Et là, dans l’intégration, on retrouve un message encore plus problématique. Pour Abd Al Malik, être noir ou arabe et de confession musulmane, c’est avant tout respecter sans sourciller les valeurs et les codes moraux de sa religion tout en respectant strictement les lois de la Républiques sans les remettre en question. Ce faisant, le film se présente comme un manuel d’intégration pour les « jeunes de banlieues » ne prenant pas en compte les conditions sociales qui permettent d’expliquer la pluralité des rapports au monde. Cette façon d’aborder « l’intégration » est problématique dans la mesure où elle nie le fait que ces jeunes sont français et qu’ils n’ont par conséquent pas de problème « d’intégration » mais que la société française à un problème avec ce qu’ils sont. C’est aussi nier le fait que des rapports de pouvoir sont en jeu dans les quartiers populaires et que de s’accorder le plus fidèlement aux représentations des dominants c’est surtout ne pas remettre en question cet ordre social. Finalement, on se retrouve à regarder une ode à la paix sociale qui dépolitise tous les sujets entraperçus (politiques de l’État, ghettoïsation, violences policières.) au service d’un moralisme qui nous dit "fais le dos rond, tends l’autre joue, soit vertueux pour avoir la satisfaction d’être mieux que les autres et ne combats pas pour changer les choses car tu as déjà la chance d’avoir une place dans la République française".

Rubrique "Hors catégories"

I’m Not Your Negro / Je ne suis pas votre nègre (2017)

“L’histoire des Noir.es en Amérique, c’est l’histoire de l’Amérique, et ce n’est pas une belle histoire. Que faire ? Hé bien je suis fatigué,.. je ne sais pas comment ça va tourner, mais je sais que de toute façon ça sera sanglant et tuant. Je crois toujours que nous pouvons faire avec ce pays quelque chose qui n’a jamais été fait. Nous nous trompons ici, parce que nous pensons”chiffres", ce n’est pas des chiffres qu’il faut, mais de la passion. L’Histoire du monde nous le prouve. La Tragédie c’est que la plupart de ceux qui prétendent s’en soucier s’en fichent en réalité, leur souci c’est leur sécurité et leurs profits... Le mode de vie américain a échoué à rendre les gens plus heureux et à les améliorer. On refuse de l’admettre, et en fait nous ne l’admettons pas [...]

Ce n’est pas le pays des hommes libres, et ce n’est qu’à contrecoeur et en de rares moments la nation des hommes braves... je me dis parfois que c’est un miracle absolu que l’entière population noire des Etats-Unis n’ait pas depuis longtemps succombé à une furieuse paranoïa. Pour nier la réalité sociale, les gens finissent par vous dire “mais que vous êtes amers”... bon, il se peut que je le sois, ou pas, mais si je l’étais, j’aurais de bonnes raisons. Parmi elles, en premier lieu, l’aveuglement ou la lâcheté des américains, qui veut nous faire croire qu’il n’y a dans cette vie aucune raison d’être amer [...]

Vous ne pouvez pas me lyncher et me garder dans un ghetto sans devenir vous-mêmes des monstres. De plus, vous me donnez un terrible avantage, vous n’avez jamais eu à me regarder, moi, j’ai dû vous regarder. J’en sais plus sur vous, que vous sur moi. On ne peut pas changer tout ce qu’on affronte, mais rien ne peut changer tant qu’on ne l’affronte pas.

L’histoire n’est pas le passé. C’est le présent. Nous portons notre Histoire avec nous. Nous sommes notre histoire. Si nous prétendons le contraire, nous sommes littéralement des criminels. Je peux certifier que le monde n’est pas blanc, il ne l’a jamais été, il ne peut pas l’être. Le blanc est une métaphore du pouvoir, c’est simplement une façon de décrire la Chase Manhattan Bank.

Les Blancs doivent chercher à comprendre pourquoi, dans leur coeur, la figure du nègre leur était nécessaire. Je ne suis pas un nègre, je suis un homme. Vous pensez que je suis un nègre car vous en avez besoin. Ce que la population blanche de ce pays doit se demander [...] Si je ne suis pas un nègre, et si vous, les blancs, l’avez inventé, vous devez comprendre pourquoi. L’avenir de ce pays repose sur votre volonté d’y réfléchir."

James Baldwin (1924-1987)

Notes

[1Se divertir contre - Violences d’État, répressions et enfermement (I), https://renverse.co/infos-locales/article/se-divertir-contre-violences-d-etat-repressions-et-enfermement-i-2519

[2A noter : le rôle d’un Donald Trump pas encore président, qui se paie à coup de milliers de dollars des encarts dans les principaux journaux du pays pour réclamer le retour de la peine de mort et plus de moyens pour la police

[3Dans le cas de la France, on pense notamment au procès des banlieues à partir des révoltes de Villiers-le-Bel en 2005, voir “Vengeance d’État : des révoltes aux procès”, du collectif Angles Morts, aux éditions Syllepse, 2011

[4Récemment, la vraie procureure, vexée de la manière dont elle est représentée dans la série, a porté plainte contre Netflix, tandis que l’avocate qui plaidait pour elle lors de ce procès politique a démissionné de ses fonctions d’enseignante lorsque la sortie de la série a mené des associations à faire pression sur l’institution universitaire où elle enseignait

[5Pour en savoir plus sur les réalités de la BAC, voir la magnifique enquête de Didier Fassin, “La Force de l’Ordre”

[6voir La Domination policière, de Mathieu Rigouste

[7"Macron « bouleversé » par « les Misérables », une habile récupération " : https://next.liberation.fr/cinema/2019/11/18/macron-bouleverse-par-les-miserables-une-habile-recuperation_1764120

[9Lutter aujourd’hui : espaces de luttes et moyens d’action, https://renverse.co/analyses/Lutter-aujourd-hui-espaces-de-luttes-et-moyens-d-action-2254

[10Timult : l’idéologie de la non-violence en question, https://rebellyon.info/Timult-l-ideologie-de-la-non

[11Se divertir contre - Violences d’État, répressions et enfermement (I), https://renverse.co/infos-locales/article/se-divertir-contre-violences-d-etat-repressions-et-enfermement-i-2519

[12“Petite Histoire des colonies françaises” : https://www.monde-diplomatique.fr/2011/09/DELTOMBE/20943

[13La Rumeur, « Du sommeil, du soleil, de l’oseille » : « Quand la banlieue s’embrase comme un torchon, C’est ce qu’on appelle de l’auto-mutilation, Quand ça part en couille à l’horizon, Plus qu’une solution : On brûle

[14Spécialement grâce à 2 Bal et 2 Neg, et leurs sons “La Sédition” ("Rien ni personne ne pourra étouffer une révolte, Tu as semé la graine de la haine, donc tu la récoltes, Les rebelles et les rebuts ont tous opté pour le boycott, Faisons en sorte que les aisés nous lèchent les bottes, traînons plus bas que terre ceux qui nous l’ont déjà fait, Rendre le mal par le mal n’est pas bon en effet, mais..., La rage et la frustration empêchent à la réflexion
Est-ce Dieu ou le Diable qui guide toutes nos actions ?“) et”Le temps des opprimés“(”Des frères tombent sous les balles de la police nationale, Les vitrines explosent, tout prend feu et le gun parle, Sur la capitale, la situation s’emballe, C’est “Cours plus vite que les balles ou porte un gilet pare-balles”, À l’heure qu’il est mon quartier est sur le point d’éclater, N’importe quel jour dans cette jungle peut être le dernier")

[15Spike Lee, « L’esclavage aux États-Unis n’est pas un western spaghetti à la Sergio Leone. C’était un Holocauste. Mes ancêtres étaient esclaves. Volés à l’Afrique. Je les honorerai. », https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-rue89-culture/20130116.RUE2517/polemique-django-unchained-le-dernier-tarantino-est-il-raciste.html

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