Comme vous le savez peut-être, l’une des deux cafétérias de l’université de Genève, site d’Uni-Mail, est occupée depuis le mardi 2 novembre par des étudiant-e-x-s soutenus par l’association faîtière CUAE. L’entreprise « Novae », qui gère cette cafétéria, avait trouvé amusant d’appeler cette cafétéria le « Marx café ». Maintenant, elle est occupée jour et nuit et des repas prix libres ont remplacés la cuisine de collectivité orientée vers le profit . C’est le retour de boomerang !
Le centre de luttes autonomes Silure tient à assurer la Caf’ autogérée de sa solidarité dans cette lutte exemplaire. Voilà 3 bonnes raisons de la soutenir dans les jours qui viennent.
1) Des revendications légitimes
Comme on le sait, les étudiant-e-x-s ne touchent pas de salaire pour étudier, mais ielles subissent toute une série de dépenses contraintes liées à leur statut. Dans ces conditions, c’est bien souvent la survie individuelle qui prime au détriment de la logique collective. Le loyer, l’assurance maladie ou les transports sont autant de charges, ou « dépenses contraintes », qui pèse sur l’individu et non sur le groupe. Tout cela est bien connu, mais les coûts de nourriture sont moins problématisés, alors qu’ils pèsent de façon importante dans les budgets étudiants. En témoigne, les files d’attente dans les banques alimentaires qu’on a vu à Genève, mais aussi dans plusieurs villes de France depuis le confinement du premier semestre 2020.
L’occupation du « Marx Café » permet alors de remettre les pendules à l’heure, le prix des repas n’a rien de neutre, il est l’enjeu d’un rapport de force contre le pouvoir des entreprises ainsi que leur encadrement étatique. On n’est pas face à une seule entreprise, mais face à une question politique plus vaste car à l’origine, l’Etat et l’université ont bien signé un contrats de sous-traitance avec l’entreprise Novae pour ne pas avoir à gérer eux-mêmes ce pan entier de l’activité de l’université. Le système actuel est particulièrement pervers car il exploite sans scrupule des salariéEs pour servir des repas à d’autres personnes précarisées. L’internalisation serait donc un premier pas bienvenu dans une lutte plus générale contre la domination.
D’un autre côté, la lutte de la Caf’ autogérée thématise la question des « dépenses contraintes », un sujet qui touche tout le monde et qui a déjà fait l’objet de contestations hors du milieu universitaire. Il y a 3 ans, le mouvement des « gilets jaunes » démarrait en contestant la paupérisation, le fait de ne plus avoir assez de revenu pour vivre après avoir réglé l’ensemble des charges fixes. Bien sûr, les proportions ne sont pas les mêmes, mais il y a des éléments communs là-dedans, qui se retrouvent dans le cycle de lutte actuel. Dans ce contexte, l’occupation s’avère souvent être le dénominateur commun de la lutte, c’est le lieu d’expression politique premier lorsque les mécontentements sont éparpillés.
2) Une alternative en acte
En se réappropriant un espace marchand pour en faire un lieu de partage et de solidarité, la Caf’ autogérée opère une critique en acte du secteur de la restauration collective. Cela a non seulement du sens d’un point de vue revendicatif, mais en plus cela produit du commun. Cette expérience de solidarité concrète par le repas à prix libre renvoie aussi à des expériences de lutte passées à Genève, comme les restos dans les squats du temps où le phénomène était massif (grosso-modo de 1993 à 2001), ou alors la bouffe pop’ des Pâquis à la place de la Navigation (2012-2019). Les repas pris en commun ne sont pas un « bonus », c’est aussi une forme de solidarité très concrète qui permet aux mouvements de se renforcer. On ne lutte jamais sans manger. Au Silure aussi, des restaurants déguisés, des « cantinhos », et autres « molotofu » ont eu lieu de façon irrégulière dès les premiers mois du lieu avant de devenir plus réguliers en 2019 avec la cantine hebdomadaire du vendredi midi. L’expérience des cantines de solidarité durant le semi-confinement du premier semestre 2020 a aussi agrégé du monde dans un moment de grande atomisation sociale et sans pour autant provoquer de « clusters » de contaminations. Bref, les espaces de sociabilité alternative propres aux lieux autogérés sont d’après nous très importants, car on ne mange pas de la même manière dans un espace basé sur l’exploitation du travail à bas coût que dans un local basé sur l’autogestion et la rotation des tâches. C’est toujours meilleur quand il y a une lutte derrière !
3) Une lutte inspirante
En s’attaquant à l’entreprise qui leur extorque du pognon chaque jour ou presque, la Caf’ autogérée donne un bon exemple de riposte face à tout ce qui nous assaille au quotidien. Leur lutte est inspirante pour l’ensemble des gens qui en ont marre de leur travail, de bosser pour un patron, ou de se voir proposer une énième arnaque visant à réformer le capitalisme (pour le rendre plus beau, plus résilient, plus social, plus vert, choisissez dans la liste.). Ces parcours de lutte sont d’autant plus précieux qu’ils sont relativement rares. En France, il n’y a plus eu de mouvement social dans les facs depuis 2018 et à Genève, la dernière occupation de bureaux avait eu lieu en 2016. Avec des occupations comme celle de la Caf’ autogérée, on peut reprendre son souffle et constater que malgré la situation pandémique, les luttes sociales sont toujours là. Elles ont besoin de soutien moral, mais aussi de soutien concret. En s’y investissant même de façon momentanée, on renforce le mouvement, alors rendez-vous à Uni-Mail et vive la caf « OQP » !
Stop à la précarité !
Soutien à la caf’ OQP
Contre une uni des riches
Centre de luttes autonomes Silure, 8 novembre 2021