Antifascisme - Extrême-droite

Attaque du bar Navy : féministes 1 - fachos 0

La nuit du 10 au 11 décembre 2019 nous avons brisé la vitrine du bar le “Navy Syracuse” et avons recouvert la facade et l’intérieur de peinture. Nous avons procédé en mixité-choisie, sans hommes cisgenre.

Genève |

Le Navy est connu des militant.es d’extrême gauche pour être le lieu principal d’organisation du groupe fasciste Kalvingrad Patriote (KP). Si vous n’étiez pas au courant peut-être le connaîssez-vous par les articles de presse qui ont suivi l’attaque d’une poignée de fachos par une quinzaine de militant.es antifascistes à l’intérieur du bar.
Cet article ferme les yeux (nous espérons par simple ignorance) sur des éléments essentiels pour comprendre ce qui s’est passé ce jour là, comme pour comprendre notre action d’hier soir.

Au-delà du fait que le.a journaliste ne mentionne nulle part qu’il ne s’agissait pas d’une rencontre hasardeuse entre deux groupes ennemis mais d’une riposte suite à une tentative d’intimidation devant le Nadir (local autogéré étudiant qui avait déjà été la cible de ces militants fascistes), l’article ne nous dit rien du fait que le propriétaire du Navy (Jean-Yves Glauser) possède également le restaurant de l’Hôtel de Ville, quelques rues plus loin, qui a aussi accueilli son lot d’événements fascistes ces dernières années . Il n’est pas question ici d’un bar que des fascistes auraient fortuitement choisi pour s’abriter des méchants antifa qui les attaquaient mais d’un lieu tenu par un sympathisant de leur groupe et qui leur permet de s’organiser.
Le personnel du Navy est par ailleurs connu pour ses refus répétés de servir les femmes portant le voile, entre autres comportements racistes et misogynes.

Les vitrines du Navy ont déjà été brisées dans le passé, des affrontements entre militant.es antifascistes et fascistes ont lieu de temps à autre et ça ne risque pas de s’arrêter de sitôt. Dès lors notre action n’a rien de très surprenant (ou de très spectaculaire). Ce qui change c’est le choix de l’organisation en mixité choisie, pratique peu courante dans les groupes antifascistes qui nous entourent et nous souhaitons l’expliquer ici.

1) Le fascisme est un contre-mouvement social, anti-féministe par essence. Il porte dans son ADN l’avilissement des femmes et l’extermination de celles et ceux qui tentent d’échapper au régime cis-hétérosexuel.
Les déclarations chocs de Zemmour et de Soral sur les questions de genre prêtent à sourire tant elles sont ridicules.
Néanmoins le fond des discours proférés par les nouveaux fascistes, destinant nos utérus à la reproduction d’un projet nationaliste patriarcal et prétendant nous en refuser le contrôle en limitant les droits reproductifs (IVG, PMA, contraception), doit être pris au sérieux. Il en va de même pour l’homophobie et la transphobie crasse qui s’expriment aussi bien dans des petits groupes obscurs, sur des plateaux de télé, dans la bouche de nos dirigeants que dans des mobilisations massives comme la Manif Pour Tous.

Si l’extrême droite la plus dure trouve sans peine sa place au sein des gouvernements d’Europe et de Suisse, si la gauche tente d’éviter de sombrer en s’alignant sur des programmes réactionnaires, si le fascisme devient “une véritable hypothèse politique, un langage officiel”* il nous faut penser une autodéfense antifasciste appropriable par toustes et réellement féministe. Nos droits, déjà relatifs et réservés à une minorité privilégiée d’entre nous, ne sont jamais acquis.

2) Notre féminisme doit être radicalement antiraciste ou il doit disparaître.
Malgré qu’ils soient très transparents sur leur intention de nous “renvoyer à la cuisine” ou de nous “reconvertir” par la force à la cis-hétérosexualité, les fascistes n’hésitent pas à brandir la protection des femmes blanches et européennes comme premier enjeu de leur “lutte contre l’immigration”.

Les discours pour les “droits des femmes” (pas toutes les femmes, ça va de soi) ont toujours joué un rôle central dans le développement de la suprématie blanche et du fascisme. Aujourd’hui, l’homonationalisme ou le fémonationalisme** justifient les politiques extérieures et intérieures les plus racistes et les activités des groupuscules d’extrême droite à travers tout l’occident.

Nous ne sommes pas dupes. Si notre féminisme nous a conduits aujourd’hui à attaquer le local d’un groupe qui diabolise les hommes migrants, noirs et arabes, c’est parce que nous connaissons nos véritables ennemis. Les responsables des violences patriarcales ne risquent pas leur vie en tentant de passer les frontières. Ils siègent au conseil d’état, au conseil fédéral, au FMI et au WEF. Ils soumettent les personnes en exil et non-blanches à des violences innommables. Ils nous précarisent, nous empêchant de quitter des foyers dangereux et des boulots qui nous ruinent la santé. Ils coupent les budgets des seuls endroits qui peuvent accueillir les plus précaires d’entre nous. Ils nous limitent l’accès aux soins, aux transitions médicales et aux IVG dont nous avons besoin. Et si nous nous révoltons, ils nous envoient les flics. Mais ils trouveront toujours le fric pour mener des campagnes de communication louant la “diversité” ou pour faire fabriquer des petits noeuds roses contre le cancer du sein (pourquoi pas des dépistages gratuits ?).

Pour que nos luttes ne soient plus jamais appropriées par les réactionnaires et le pouvoir, crions-le, répétons-le :
Nous sommes antiracistes, anti-impérialistes, anti-capitalistes et antifascistes. L’Etat et sa justice ne peuvent pas nous libérer car notre émancipation est liée à celle des toustes les opprimé.es.

3) Pour détruire tous les Boys’ Club
Nous savons que l’écrasante majorité des membres de Kalvingrad Patriote sont des hommes cis genre. Comme Genève est une petite ville nous savons aussi qu’un bon nombre d’entre eux ont toujours eu des comportements dégueulasses et/ou violents avec les femmes***. Pas de surprises, comme nous le disions plus tôt, le masculinisme et l’extrême droite marchent main dans la main depuis le début de leurs existences moribondes.

Ce qui est plus surprenant c’est que les groupes antifascistes, à Genève et plus généralement dans toute la francophonie, sont aussi principalement (pas uniquement heureusement) composés d’hommes cis-genre. Cela résulte en une certaine interprétation de ce que doivent être les pratiques et les discours des mouvements antifascistes. Nous pensons que tout le monde devrait s’organiser pour débarrasser nos vi(ll)es des fachos et attaquer les structures qui matérialisent leur idéologie. Nous souhaitons donc en finir avec la spécialisation**** qui mène certains à se poser en experts de la lutte contre le fascisme et certain.es à la déserter complètement. Quoi de mieux pour se faire que de nous lancer nous-même dans le conflit et de nous former politiquement sur la question ?

Nous invitons toustes les camarades queer et féministes antifascistes à partager leurs expériences, leurs connaissances et leurs analyses, pour former des savoirs qui nous sont propres. Et nous invitons toustes celleux qui ne s’étaient jamais projeté.es dans une pratique antifasciste à lancer la réflexion dans leurs groupes.

Contre les fachos, contre les machos, pour un féminisme politique, révolutionnaire et offensif, organisons-nous !

P.S.

*Azione Antifascista Roma Est dans -> https://renverse.co/Attaquer-l-univers-culturel-qui-permet-aux-organisations-neo-fascistes-d-2148
** Politiques nationalistes/coloniales au nom des droits des personnes LGBTIQA ou des femmes -> Pour en savoir plus ; se référer au travail de Sara Farris
*** C’est tout de même un peu excessif de devenir nazi parce qu’on arrive pas à pécho, mais enfin.
**** Le mot “spécialisation” est utilisé dans ce cas ci pour décrire la façon dont certains sujets politiques sont pris en charge par des groupes affinitaires qui ne font pas circuler les informations et les pratiques vers l’extérieur, se créant au passage une image de militants “légitimes” quant au sujet en question.

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