Migrations - Frontières

[Genève] Le papier blanc, ou comment mieux contrôler les personnes en exil

Parmi la panoplie des moyens que l’État déploie pour briser les réfugié.e.s débouté.e.s, l’accès à l’aide d’urgence figure en tête de liste. Elle est conditionnée à l’obtention et au renouvellement fréquent du papier blanc, un avatar de pièce d’identité qui sert surtout à contrôler les personnes en exil.

Genève |

Pendant des mois, voire souvent des années, à l’issue de la courte période où un demandeur d’asile bénéficie d’un permis N provisoire, un bout de papier devient la seule pièce d’identité de la personne déboutée. Ce papier n’octroie aucune protection légale mais permet l’accès à l’aide d’urgence. Bon prince, l’État ne laisse pas crever les illégaux en Suisse, du moins en théorie. En attendant de les expulser, il leur octroie l’aide d’urgence qui consiste en un hébergement en bunker ou dans un foyer surpeuplé avec soit des plateaux-repas, soit un soutien financier de 10 francs par jour. Et bien sûr, non seulement il est interdit de travailler mais encore, il va sans dire que l’État et l’Hospice général ne se gênent pas pour retirer ce soutien dérisoire sous un prétexte ou un autre. 
 
À Genève, pour obtenir cette aide d’urgence et continuer à bénéficier d’un avatar de pièce d’identité, il faut se rendre à l’Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) et faire tamponner le dit papier blanc. Le renouvellement de ce non-permis de séjour a lieu une fois par mois, une fois par semaine ou même une fois par jour dans certains cas, selon le degré de surveillance. En pratique, cela se passe dans les locaux d’une administration hostile, ouverte quelques heures par jour pour favoriser les départs et les expulsions. Après avoir longtemps patienté, on subit les invectives des employé.e.s de l’administration qui ne manquent pas de mettre la pression. Durant l’attente du tampon, la peur à l’idée de se faire arrêter est permanente, puisque la police n’hésite pas à venir chercher les migrant.e.s débouté.e.s directement à l’OCPM, parfois sur appel des fonctionnaires. Cette situation peut perdurer pendant plusieurs mois voire pendant plusieurs années, les États européens ayant par les temps qui courent une fâcheuse tendance à pérenniser l’urgence pour mieux contrôler la population.

Cette situation peut perdurer pendant plusieurs mois voire pendant plusieurs années, les États européens ayant par les temps qui courent une fâcheuse tendance à pérenniser l’urgence pour mieux contrôler la population.

 
En multipliant les tracasseries administratives, l’État plonge volontairement les personnes en exil dans un état de tension permanente. De plus, le droit à des moyens de subsistance minimale dépend de l’obtention d’un tampon la peur au ventre, en courant le risque d’être arrêté et expulsé. Or, ce papier tamponné ne sert à rien lors des nombreux contrôles de police, car les agents font mine de le méconnaître en embarquant volontiers les porteurs du dit papier. Le contrôle se termine ensuite régulièrement par une condamnation pour violation de la loi sur les étrangers (Letr) et une mise en détention pénale.
 
Faut-il rappeler que le système de l’asile et l’aide d’urgence en particulier consistent à dégoûter les personnes en exil pour qu’elles quittent le pays. En rendant le séjour en Suisse si peu attrayant, l’État veut passer l’envie à d’autres réfugié.e.s de les rejoindre. Or, on s’en doute bien, ça ne marche pas. Car, contrairement à ce que l’État et les médias veulent nous faire croire, ceux qui se retrouvent à l’aide d’urgence sont dans l’impossibilité de retourner dans leur pays et n’ont pas d’alternatives à cette forme de survie. En réalité, lorsque les personnes en exil sont trop épuisées par les conditions qui leur sont imposées, elles préfèrent renoncer à ce droit et “disparaître” administrativement. 

Ce bout de papier blanc cristallise la surveillance et l’acharnement systématique que les autorités infligent aux personnes en exil.

Ce bout de papier blanc cristallise la surveillance et l’acharnement systématique que les autorités infligent aux personnes en exil. En conditionnant leurs moyens d’existence à une relation de dépendance et de soumission à l’égard des autorités, le système de l’aide d’urgence les prive de toute liberté d’action et de maîtrise de leur propre vie. Pour un coût dérisoire, l’État peut ainsi contrôler ces personnes et les retrouver facilement à l’heure du renvoi, tandis qu’elles restent suspendues à l’espoir impossible d’une régularisation de leur situation.
 
Nous refusons de cautionner la politique d’asile raciste de la Suisse. 
Ensemble, luttons avec les personnes en exil pour transformer cette peur en rage et abattre leur machine à broyer et expulser !

Collectif Sans Retour - sansretour@riseup.net

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