Parmi ces sujets, la question des prisonnier·ère·s n’arrête pas de résonner dans nos têtes. Les personnes incarcérées sont de fait une population à risque puisqu’on le sait, l’enfermement combiné à un accès restreint aux soins médicaux dégrade la santé.
Comment peuvent-iels concrètement prendre soin d’elleux ? Comment, en tant que proches, est-ce possible d’être serein·e·s et de faire confiance à un système pénitentiaire qui reproduit la violence d’État et perpétuent des violences physiques et morales quotidiennement ?
Evitez d’être en contact avec les autres, 2 mètres de distance à respecter, lavez-vous les mains...
Ces consignes sanitaires devraient être appliquées à toute la population. Pourtant, dans certains lieux notamment gérés par l’État, elles sont impossibles à respecter. Les conséquences ne sont pas les mêmes pour toustes, et ça, personne n’en parle. Les prisons sont surpeuplées. [1] Par quel moyen est-on censé éviter la propagation du virus dans des cellules de 2 à 6 personnes ? Il n’y en a absolument aucun et la santé ne peut être préservée en prison. Elle ne le pouvait déjà pas avant et aujourd’hui encore moins.
Que ça soit dans la presse locale genevoise ou dans les médias internationaux, le mot d’ordre est “isolement”. L’isolement en prison signifie rester 24 heures sur 24 dans une cellule avec d’autres personnes détenues. L’isolement signifie la fin des activités communes : le sport, le travail, les promenades, l’Eglise le dimanche (en Occident). L’isolement est une punition dans la punition, c’est isoler encore plus la personne en ce qu’elle est déjà isolée car prisonnière. L’isolement est une violence, une forme de torture.
La fin des visites ?
En Italie, pays fortement touché par le coronavirus, des mesures inutiles et violentes, dont l’annulation des visites, ont été prises à l’encontre des personnes détenues et de leurs proches. Cette décision a été le coup de trop pour les prisonnier·ère·s qui critiquaient déjà la gestion de la crise sanitaire dans ces prisons surpeuplées. Libertà ! et Indulto ! (grâce) pouvait-on lire sur des banderoles déployées par les prisonniers en mutinerie. Les proches des personnes détenues se sont rassemblé·e·s devant les établissements pénitenciers pour exprimer leur désaccord avec cette interdiction et montrer leur solidarité avec leurs proches incarcéré·e·s. Plus d’une dizaine de personnes détenues sont mortes lors de ces émeutes et des centaines ont été blessées. Ces morts sont le résultat d’une violence systématique, qui a choisi de ne mettre en place que des mesures répressives et violentes, quitte à ce qu’elles ne soient pas utiles plutôt que de penser au bien-être, à la dignité, à la santé et à la vie des personnes enfermées. Paix à leur âme, que la terre leur soit légère. [2]
Italie : plus d'une dizaine de détenus sont morts lors de ces émeutes.
Pour le moment, en Suisse les visites ne sont pas suspendues et les visiteurs·euse·s se font prendre la fièvre à l’entrée de la prison ; ce qui semble logique. Mais la peur qu’une mesure aussi violente puisse intervenir n’est pas encore dissipée. En France, il a été annoncé que de telles mesures pourraient être prises dans le cas où un certain seuil de contamination serait atteint ; sans plus de précision. Et c’est tombé. Certaines visites commencent cette semaine à être interdites pour certaines personnes. Les proches également se retiennent d’y aller, dans la crainte de contaminer les détenu·e·s. En Suisse, aucune information à ce sujet n’a été communiquée, une décision pourrait tomber du jour au lendemain.
Si l’inquiétude est aussi immense, c’est que nous avons l’habitude que les autorités pénales et judiciaires soient violentes et tendent vers la répression plutôt que vers la dignité pour éviter la propagation de l’épidémie. Pourtant, les autorités le savent, il serait beaucoup plus efficace de lutter contre ce virus en respectant la dignité des personnes détenues.
De nombreuses solutions pour éviter l’arrêt total des visites pourraient être trouvées. Il en est de la responsabilité de l’État d’inclure les prisonnier·ère·s dans les mesures prises pour limiter la propagation du virus, tout en respectant leurs droits (dont le parloir fait entièrement partie). Leur peine ne doit être ni renforcée ni prolongée. Au contraire, dans ce contexte particulier, les liens avec les proches devraient même être facilités. Les appels en prison, rappelons-le sont très restreints (sur demande, fréquence et durée limitées). C’est le moment de permettre aux détenu·e·s d’avoir un téléphone en cellule afin qu’iels puissent prendre des nouvelles de leurs proches plus facilement, et vice-versa. Cette période n’est facile pour personne, il semble logique de permettre à tout le monde de se soutenir et d’être en contact avec ses proches de manière renforcée. Les détenu.e.s et leurs proches y ont droit également.
Sur le ton des révoltes en Italie : Liberté, Grâce et Amnistie !
"La justice iranienne a annoncé, le 9 mars, la mise en liberté temporaire de quelque 70 000 prisonniers dans tout le pays “pour endiguer la propagation du coronavirus” et pour “assurer la santé des prisonniers”, a écrit le quotidien iranien Hamshahri. “Tant qu’elles ne compromettent pas la stabilité sociale et qu’elles privilégient les détenus atteints de pathologies, les libérations doivent se poursuivre”, a annoncé le chef de la justice iranien, Ebrahim Raisi."
70'000 détenu·e·s libéré·e·s en Iran pour assurer leur santé
L’Iran libère massivement ses prisonnier·ère·s, on pourrait faire pareil. Au vu de la situation sanitaire tendue à Genève - en termes de nombre de personnes contaminées, de nombre de décès, de fermeture d’écoles obligeant les parents à garder leurs enfants, en d’autres termes de la crise qui s’annonce et de l’impact sur le personnel disponible - il semble tout à fait logique de libérer un maximum de prisonnier·ère·s afin de désengorger les prisons et d’éviter une hécatombe dans ces lieux de morts. Les détenu·e·s ont les mêmes droits à la santé et à la protection que n’importe quel·le citoyen·ne.
Pour les proches des personnes détenues il est insupportable de ne pas pouvoir avoir de nouvelles de ceux et celles que l’on aime, de savoir comment iels se portent, de pouvoir les rassurer sur comment nous même nous allons. En ces périodes de trouble, l’inquiétude pour ceux et celles qu’on aime est au plus haut et les prisonnier·ère·s ils et elles sont nos frères, copains, maris, pères, amis, soeurs, femmes, copines, mères et amies. Laissez-nous avoir de leurs nouvelles, laissez-nous leur donner de nos nouvelles. Laissez-les rentrer à la maison ! Là on pourra prendre soin les un·e·s des autres et vivre un isolement dans la dignité !
Parce qu’on ne laissera passer aucune violence supplémentaire au nom de la lutte contre le coronavirus !
On refuse de ne pas avoir de nouvelles de nos proches et qu’ils et elles ne puissent en avoir de nous ! C’est le moment des téléphones en cellules, ce temps viendra à Genève il est déjà là ailleurs, ici c’est maintenant !
On refuse la fin des visites s’il n’y a pas de fièvre !
On refuse que nos proches enfermé·e·s se voient encore plus restreint·e·s dans leur liberté !
On refuse qu’ils et elles soient encore plus isolé·e·s et réprimé·e·s !
On refuse qu’ils et elles ne soient pas pris.es en charge réellement et dans la dignité !
On refuse de les savoir entassé·e·s et mal-traité·e·s, d’autant plus dans ce contexte !